Nicolas Gros-Verheyde
1 janvier 2013
L’Union Européenne vient de se voir attribuer le Prix Nobel de la Paix « pour avoir su faire vivre l’Europe en paix depuis la fin de la 2ème guerre mondiale ». Comme si la guerre contre la Yougoslavie ne s’était pas passée pas en Europe, et comme si toutes les guerres de l’Otan auxquelles l’UE participe intensément n’étaient pas des guerres.
Le dernier sommet de l’Otan à Chicago a encore affirmé cette intégration poussée de l’UE dans la fonction de gendarme du monde de l’OTAN.
L’UE se prépare à redéfinir sa politique de sécurité et de défense et nombre de ses défenseurs soutiennent qu’il s’agira de développer une doctrine toute européenne, de se rendre indépendants des Etats-Unis et d’intervenir vis-à-vis du reste du monde comme une force tranquille, prônant la coopération, la justice et l’égalité entre les pays.
Mais les faits prouvent sans cesse le contraire. La « mutualisation » des moyens militaires entre les 27 pays qui composent actuellement l’Union et leur mise à disposition de l’Otan en sont un exemple, comme le décrit l’article ci-dessous. (Cl.P)
(BRUXELLES2 – Nicolas Gros-Verheyde – 26.10.2012)
Un des enjeux de l’exercice était de «tirer les premières leçons de l’opération en Libye»…
Les trois exercices qui viennent de se dérouler en simultané dans les Ardennes, près de la base de Vouziers, avaient une autre nature, tester, entraîner les forces au commandement et à la conduite des opérations aériennes (AIREX), à partir d’une base aérienne projetable ou DOB (BAPEX), et d’entraîner les forces de protection lors d’une crise internationale menant à des opérations d’évacuation de ressortissants (VOLCANEX).
Un exercice intégré
L’originalité de cet exercice était d’obtenir une intégration plus poussée des sept nations participantes au Groupement aérien européen (France, Espagne, Italie, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède). D’ordinaire une nation prend en charge une fonction sur l’exercice (par exemple le soutien aérien…). Ici les nationalités se sont mêlées dans les différentes fonctions « pour en tirer le meilleur de chacun » explique le général Caspar Fille Lambie, commandant la défense aérienne et les opérations aériennes. Cette intégration concernait tous les niveaux de fonction. Ainsi les forces de protection pour protéger les ressortissants lors de l’exercice d’évacuation étaient britanniques, espagnoles et italiennes tandis que les forces d’extraction joignaient un Caracal français, des commandos de l’air belges et des forces au sol britanniques ; la gestion de la base était totalement mixte ; jusqu’au mess où Français et Allemands servent ensemble dans les deux mess, l’un français, l’autre allemand. « Jamais dans la manoeuvre, la multinationalité n’a retardé la manoeuvre. (…) Loin de freiner, cette mixité nous a tiré vers le haut » insiste Caspar Fille Lambie.
Opérer en multinational une nécessité.
L’exercice a aussi consisté en une transmission du commandement lors de l’opération entre les Britanniques qui avaient pris le commandement au début et les Français qui ont pris le relais. « Le système (britannique) était robuste. La transition a été fluide. La défaillance qui peut être supportée par l’humain est palliée par les procédures. Les Britanniques ont l’habitude de travailler en corps expéditionnaire » considère ainsi un lieutenant colonel français impliqué dans l’exercice. Un point de vue corroboré par son collègue belge, le major Ronald Hoppe: « Les Britanniques ont une manière très pointilleuse de travailler. C’est intéressant de regarder la manière dont ils opèrent en commandement. Il y a des synergies à rechercher. Car aujourd’hui, il n’est plus possible pour une nation de travailler seule, le déploiement n’est possible qu’en multinational ».
La recherche du réalisme
Outre le montage de la base aérienne et sa mise en oeuvre, une série d’incidents et d’imprévus étaient planifiés durant l’exercice qui se déroulait en terrain hostile : des attaques de rebelles, des embuscades de convois, des IED, des stocks NRBC à traiter, etc. Ce qui nécessitait de mettre en oeuvre tous les éléments nécessaires : du renseignement à la force de protection en passant par les transports ou les extractions de civils. La différence avec un simple exercice d’Etat-Major tient en deux mots : le facteur humain et le facteur mécanique. « Une transmission qui ne passe pas, la mécanique qui tombe en panne, le temps, la fatigue… Tout çà donne du réalisme et de la chair à un exercice » précise le lieutenant-colonel chargé de la force de protection. Même le rôle de l’information et de la contre-information était joué par la mise en place d’un journal local qui relatait les évènements, parfois de manière détournée, par exemple en accentuant sur les victimes civiles les attribuant aux militaires…
Travailler l’interopérabilité
L’intérêt de l’exercice est d’observer les méthodes des uns et des autres, de parfaire ses connaissances pour mieux opérer en coalition. « Dans les airs, les pilotes ont, depuis longtemps, des normes communes, l’habitude de travailler ensemble, une standardisation des modes opératoires. Au sol, dans la mise en place de la base on n’a pas encore le même niveau de standardisation » précise le général Caspar Fille Lambie. Il y a eu des découvertes. Un chenil avait été mis en place pour les chiens de garde. Mais les Français ont eu la surprise de découvrir la méthode suédoise. « Un maitre chien dort avec son chien. C’est la règle. Il a donc fallu le soir, à 23h, monter une tente près du chenil » précise un des artisans de la base. Sur le fond, cependant « nous n’avons pas de différence fondamentale dans la manière d’opérer. Nous travaillons déjà dans les structures de l’OTAN depuis des années » observe Ronald Hoppe. Mais, complète-t-il « Il y a des synergies à rechercher. Car aujourd’hui, il n’est plus possible pour une nation de travailler seule, le déploiement n’est possible qu’en multinational ».
La leçon de l’opération de Libye : la boucle courte
Un des enjeux de l’exercice était aussi de « tirer les premières leçons de l’opération en Libye » comme l’a détaillé le général Caspar Fille Lambie, notamment la “boucle rapide” mise en oeuvre lors de l’opération Harmattan. De la planification à la frappe, il n’y avait alors parfois que quelques heures, le plus long étant souvent de s’assurer que la cible visée est éloignée d’un centre urbain ou de civils, afin d’éviter les dégâts collatéraux. Un impératif des règles d’engagement modernes des derniers conflits menés par les occidentaux. Cela peut être nécessaire par exemple si un groupe terroriste s’infiltre ou une menace se fait jour ; « Il faut le détecter, le suivre, avoir le moyen adapté pour frapper » précise le général. « La multinationalité passe par exemple par une connaissance précise des armements des autres nations. Il s’agit en phase opérationnelle, de “boucle courte” de ne pas perdre de temps à aucun des moments de la chaîne. »
*) 1400 participants dont 42% d’étrangers, 64 aéronefs (chasse, ravitaillement, hélicoptères et transport tactique)