Vladimir Caller
1 avril 2013
Difficile de trouver des exemples d’une plus grande irrationalité dans la conduite d’une politique extérieure que celle dont le gouvernement français nous fait, aujourd’hui, la démonstration éclatante. Après avoir décidé de lancer, sous la présidence de Sarkozy, une brutale intervention militaire en Libye sous prétexte de l’imminence d’un massacre contre la population de Benghazi par le gouvernement de Kadhafi, voilà que le gouvernement français, cette fois sous la direction de François Hollande, décide d’intervenir militairement au Mali. Or il saute aux yeux du plus modeste observateur que la crise malienne est, dans une large mesure, une résultante de l’intervention, plus exactement de l’agression, concoctée par la diplomatie franco-britannique, activement soutenue par les Etats-Unis et l’Otan. Cette agression militaire qui a duré plus de 8 mois a été non seulement à l’origine d’un important flux d’armements de tout genre provenant des pays agresseurs dont, en plus des pays mentionnées, ceux des pétromonarchies du Golfe mais également du gigantesque pillage des stocks d’armes du gouvernement dans le contexte de la destruction de l'Etat libyen et l'installation au pouvoir de groupes mafieux et de mercenaires islamistes d'Al-Qaeda.
Si à cela s’ajoute le fait que des centaines de milliers de travailleurs venant de l’Afrique subsaharienne dont de très nombreux touaregs ont du fuir le pays en détresse dans le contexte de l’agression et, en particulier, suite à la victoire des forces anti-Kadhafi, il n’est pas difficile d’imaginer un débordement migratoire, qui a alimenté le flux d’armes et de combattants vers le Mali où des mouvements islamistes radicaux et des nationalistes touareg sont en révolte contre le gouvernement du pays. Et c’est, en particulier, contre les forces islamistes qui sont dans une grande mesure les mêmes que la France soutenait pour se débarrasser de Kadhafi qu’aujourd’hui elle lance une violente opération militaire. Cette impressionnante incohérence se voit confirmée par l’actuelle politique française consistant à soutenir et armer les rebelles syriens, dont la composante islamique est chaque fois plus hégémonique, tout en combattant les mêmes (ou très semblables) islamistes au Mali.
Cela dit, un examen sérieux du cas malien nous oblige à éviter des approximations trop faciles. Indépendamment du fait que la crise dans ce pays ait été largement provoquée par l’agression contre la Libye, il est indéniable que, sans l’intervention française, les forces les plus obscurantistes de l’islam africain auraient rapidement pris le contrôle de la capitale Bamako et de l’ensemble du pays. Dans cette région de l’ouest africain, marquée par une instabilité chronique et dont les frontières, peu sûres, sont connues par leur porosité, la perspective d’une expansion de cette tendance particulièrement rétrograde et répressive des mouvements islamistes ne pouvait pas être exclue si Bamako devait chuter. Ce fait, ainsi que le soutien visible, plus exactement le soulagement, que la population malienne à manifesté suite à l’intervention française ne peuvent pas être ignorés et font que l’on ne peut pas assimiler cette intervention aux agressions que l’Occident a perpétré dans d’autres pays comme l’Irak, la Libye, la Syrie et encore moins, pour rester dans le continent africain, avec celle dont fut victime le peuple ivoirien et son président Gbagbo.
Ce constat ne doit pas non plus nous faire oublier que le geste français n’est pas dépourvu des motivations les plus égoïstes en termes de géopolitique et de défense de leurs intérêts économiques. Certes, le Mali ne possède pas, en tout cas pour le moment, des ressources aussi visibles que ses voisins le Niger ou la Côte d’Ivoire, mais il reste un pays aux grandes dimensions, très peu exploré, et dont il est raisonnable de supposer que, puisque d’importantes prospections sont en cours, il détienne des richesses minière importantes comme l’or et l’uranium. Mais il est situé dans une région où les intérêts de grands investisseurs français sont bien présents et dont l’apaisement institutionnel et politique est une condition majeure pour la rentabilité de leurs opérations. Apaisement et rentabilité qui ne se conjuguent pas très bien avec les projets des groupes perturbateurs comme ceux opérant dans le nord du pays et dont l’opération militaire française cherche à mettre fin le plus rapidement possible.