Bruno Drweski
12 janvier 2014
L'Ukraine est donc de nouveau et plus que jamais divisée en deux, à l'image des événements de 2004. Si les médias occidentaux bombardent avec des images des « Ukrainiens désireux d'intégration avec l'UE », les autres citoyens, n'étant pourtant pas minoritaires, bien au contraire, aux yeux du mainstream médiatique ne méritent pas (ou très peu) l'attention.
Pourtant, fait récent qui a été mis sous silence à l'Ouest, c'est la pétition (organisée par le Parti communiste d'Ukraine KPU) signée déjà par 3,5 millions de citoyens ukrainiens contre l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne et réclamant un référendum sur cette question. Parallèlement, ces citoyens ukrainiens qui s'opposent à l'intégration de l'Ukraine à l'UE, l'OTAN (la suite logique) et compagnie, expriment ouvertement leur volonté d'une intégration à l'Union douanière Russie-Bélarus-Kazakhstan, que rejoindront également courant 2014-2015 l'Arménie, le Kirghizistan et le Tadjikistan notamment. Ils dénoncent également les agissements de l'Union européenne qui vise à « détruire l'Ukraine en tant que pays uni ». A noter par ailleurs que cette mobilisation à l'opposé des nouveaux « orangistes » se fait au cour des régions leaders économiques du pays et des grands centres industriels.
Quant au gouvernement ukrainien, qui a compris le danger pour le pays d'être tout simplement avalé par Bruxelles et comprenant le danger de perdre la Russie, son problème c'est qu'il a trop longtemps voulu avoir le beurre et l'argent du beurre. En l'occurrence l'argent du beurre étant la Russie (de loin le principal partenaire économique du pays) et le beurre dans la tête d'un certain nombre de partisans pro-occidentaux étant l'UE. Bien que et vu l'état actuel des choses, notamment du point de vue économique, il faut dire que ce beurre est de moins en moins bio.
Parlons maintenant du respect de la souveraineté de l'Ukraine. Bien que et globalement parlant, les liens entre les peuples ukrainien et russe soient beaucoup plus forts qu'avec qui que ce soit, que Kiev soit le berceau de la Russie, que des millions de citoyens ukrainiens soient d'origine russe de même que des millions de citoyens de Russie aient des origines ukrainiennes, malgré tout cela, la Russie a montré beaucoup plus de respect vis-à-vis de la souveraineté ukrainienne que les technocrates de Bruxelles. D'ailleurs, a-t-on vu ne serait-ce qu'un représentant du pouvoir russe au centre des manifestations anti-UE à Kiev et dans d'autres villes ukrainiennes ? Aucun. A l'inverse des « démocrates » de l'UE, venus « soutenir » les partisans pro-UE et ainsi mettre de l'huile sur le feu et contribuer à accroitre la division du pays.
De même, la réaction de Moscou a été exprimée sans hystérie, à l'inverse là aussi des représentants du « rêve européen » bruxellois. Quant au désir de la Russie de défendre ses intérêts, ainsi que ceux de ses amis et partenaires, il n'y a absolument rien de quoi être étonné. Il est évident que toute union d'Etats ne pourrait accepter en son sein un Etat qui s'allie parallèlement à une autre union ayant des intérêts politiques, économiques et géopolitiques très différents.
Concernant l'hystérie de Bruxelles alimentée par Washington, là aussi pas de quoi s'étonner.Lorsque des Etats vendent leurs indépendances et leurs souverainetés au profit d'intérêts outre-Atlantique, comment peut-on attendre d'eux le respect de la souveraineté des autres ?
La situation actuelle en Ukraine n'est que suite des événements des derniers mois, et ce au niveau mondial. Le bloc atlantiste occidental a toujours du mal à accepter le fait qu'il ne constitue plus (au niveau global) un pôle d'attractivité majeur dans un monde dorénavant multipolaire. Ils ont également toujours autant de mal à accepter le fait qu'un Etat libre, indépendant et souverain puisse choisir le bloc qui l'intéresse et que ce bloc ne soit pas occidental.
En ce qui concerne le projet eurasiatique qui se crée autour de la Russie et de ses alliés, et pour se rappeler de la position occidentale sur la question, reprenons la citation de décembre 2012 de la désormais ex-Secrétaire d'Etat étasunienne Hillary Clinton : « Cela ne portera pas le nom d'URSS. Cela portera le nom d'Union douanière, d'Union eurasiatique, etc. mais ne nous y trompons pas. Nous en connaissons les buts et nous essayons de trouver le meilleur moyen de ralentir ou d'empêcher son établissement ». Une déclaration qui veut tout dire, surtout venant d'un représentant politique aussi haut placé qu'Hillary Clinton.
Cela étonne-t-il encore quelqu'un qu'après les affaires de Julian Assange et d'Edward Snowden, le rejet et la résistance à la domination étasunienne sur pratiquement tout le territoire d'Amérique latine, la débâcle en Syrie, la remise en question du modèle occidental (USA-OTAN-UE) dans le monde entier et la gifle que les Occidentaux comptaient donner à la Russie en Ukraine et se retrouver ainsi aux portes des frontières russes, mais qui s'est retournée contre eux, que la réaction soit aussi hystérique à Washington comme à Bruxelles ?