Vladimir Caller
1 janvier 2017
Deux grandes opérations militaires se déroulent en parallèle actuellement; l'une à Alep, ville située au nord-est de la Syrie où les forces loyales au président Bachar el-Assad essaient de déloger les combattants salafistes postés à l'est de la ville et une autre à Mossoul, théâtre d'une offensive militaire organisée par ladite 'Coalition internationale' dirigée par les Etats Unis, visant à libérer cette ville des forces de l'Etat Islamique ou Daesh; cette coalition intègre une série de pays dont la France et les pays du Golfe. Les deux villes visées par ces opérations sont des villes très importantes dans leurs pays respectifs et sont habitées par des populations très nombreuses pareillement exposées aux actions militaires en cours. Ce qui les différencie, c'est le traitement que les médias donnent à ces opérations.
Le choix bien sélectif de mots
S'agissant de Mossoul, la radio, la télévision ou la presse écrite, parlera des "islamistes", des "terroristes" ou des "jihadistes", lorsque les journalistes de ces médias feront référence aux guerriers de Daesh qui résistent à l'avancée des forces de la coalition. Ces professionnels de l'information ne sont pas avares de mots non plus pour relater comment ces "fanatiques" s'organisent pour empêcher la population d'abandonner les lieux : ils forcent ces civils, sous peine d'égorgement, à rester sur place, servant ainsi de "boucliers humains" visant à dissuader l'adversaire militaire d’ouvrir le feu. Par contre, les mêmes journalistes qualifieront bien gentiment de "rebelles", de "combattants" ou d’ "opposants" pratiquement les mêmes combattants islamistes lorsqu'ils combattent à Alep-Est les forces du président syrien. Voilà donc que pour les besoins de la cause, la manipulation de l'information en l'occurrence, les terroristes sanguinaires de Mossoul deviennent "combattants" et "rebelles" sympas lorsqu'ils agissent à Alep.
Dans ce contexte, la question de la formation des "boucliers humains" à Mossoul, mais jamais mentionnés à Alep-est mérite que l'on s'y arrête un peu. En ce mois d'octobre, la Syrie et la Russie avaient décidé de manière unilatérale de suspendre leurs bombardements à Alep afin de faciliter l'exode des civils désireux de quitter la ville. Pour ce faire, ils avaient préparé 6 couloirs humanitaires. Cependant, une bonne semaine plus tard, pratiquement aucun exode digne de ce nom n’était constaté et ce, malgré que "..selon l'ONU, la moitié des civils souhaiteraient en effet partir d'Alep-Est" . Comment expliquer alors que personne ou presque parmi cette "moitié de civils" n'ait quitté la zone profitant de la trêve? La réponse vient peut-être d'une dépêche du correspondant de l'Agence France Presse (AFP) datée du 20.10 informant de "..combats dans un des couloirs humanitaires définis par Moscou". Par ailleurs, des sources de presse algériennes et russes informaient qu'il y avait eu des dizaines d'exécutions perpétrées par les "combattants modérés" contre des civils lorsque ceux-ci désiraient quitter les zones de guerre. Mais aux dires des médias visiblement sous consigne, Alep-Est ne connaît pas de boucliers humains.
Ni vu ni connu à l'Ouest d'Alep
Plus édifiant encore. Avec une remarquable persévérance, les médias nous parlent des bombardements meurtriers sur Alep-Est et le silence est total, ou presque, lorsqu'il s'agit des bombardements sur Alep-Ouest par les forces islamistes installées précisément à l'est de la ville. Largage de milliers de bombes, roquettes, artefacts explosifs divers y compris certains contenant des armes chimiques. Mais il y a une très importante différence: l'Ouest d'Alep n'est pas le bastion armé des forces pro-Assad alors que c’est le cas de l'Est d'Alep pour les forces jihadistes. Dans ce côté ouest de la ville vit une population de plus d'un million et demi d'habitants, protégée par les forces de police et militaires du gouvernement, non bunkerisés, avec des missions défensives. Les obus venant de l'Est ne tombent donc pratiquement que sur des civils; et à défaut d'une citadelle bien localisée, ils sont tirés à l'aveugle. Concernant les conditions de survie dans cette ville, les medias nous parlent des populations privées d’eau et d’électricité sans jamais dire que les "robinets" se trouvent dans le secteur est de la ville et donc ce sont les "modérés" de l'Est qui coupent les flux. Encore une fois, silence total des medias concernant ces "détails".
Le MIT et les sommets du mensonge
Le 21 août 2013 fut un tournant de la guerre, lorsqu’une attaque chimique de grande ampleur eut lieu dans les faubourgs de Damas. Tout de suite, la (presque) totalité des médias de masse pro-occidentaux désignèrent Bachar el-Assad comme le responsable; c'est lui qui aurait donné l’ordre de cette ignoble attaque. Le président Obama décréta que sa ligne rouge ("non usage des armes chimiques") avait été franchie; le président Hollande, devançant toujours ses donneurs d'ordre de l'OTAN, se prépara à bombarder Damas. Bombardement qui finalement n'a pas eu lieu parce que, selon Hollande, Obama aurait lâchement faibli. C'est ainsi que la "vérité" officielle fut consacrée.
Ce que ces médias, et surtout Hollande-Fabius, ne disent pas, c’est que le "volte face" d'Obama n’était pas dû à une quelconque faiblesse. Selon le célèbre journaliste d'investigation Seymour Hersh , le changement d’avis du président serait dû au fait que le 20 juin 2013, le DIA (Defense Intelligence Agency), à savoir ses propres services d'intelligence, lui avaient envoyé un rapport faisant état de la production de gaz sarin par les djihadistes (le Front Al-Nosra; ceux dont Fabius disait qu'ils "faisaient du bon boulot") avec l'aide de la Turquie et de l'Arabie Saoudite et que c'était là que pouvait se trouver l'origine des méfaits. Les recherches faites par le MI6 (Security Service) du Royaume Uni allaient dans le même sens et leurs responsables mirent au courant leurs collègues américains. A tout cela s'ajoute le fait qu'une équipe de spécialistes de la Massachusetts Institute of Technology (MIT), la fameuse université américaine considérée comme la meilleure au monde sur le plan des sciences et des technologies, avait publié le 14.01.2014 un rapport particulièrement rigoureux (dirigé par Richard Lloyd, ancien directeur du département d'armements des Nations Unies) dont les conclusions portaient à croire que la fameuse attaque au gaz sarin venait du camp des ennemis d'Assad et non de son camp. Autrement dit, on a échappé de peu à une grande conflagration aux conséquences tragiques et ce sur la base de mensonges éhontés, totalement fabriqués par nos "jihadistes", bien rasés et en costume cravate de l'Elysée, du Quai d'Orsay ou des bureaux du Pentagone. L'impudence de ces gens ne connaissant pas de limites, le Président Hollande et l'ancien Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, osent confirmer leurs mensonges et se vantent de leur esprit guerrier, dans leurs derniers livres.
Les absents de la scène du crime
Il faudrait beaucoup de place pour faire la liste des mensonges proférés concernant cette guerre et aussi celle des vérités cachées. La version officielle cherche à faire croire que tout a commencé lorsque des manifestants pacifiques furent massacrés par le régime. Mais, heureusement, l'Amérique a aussi des personnalités illustres qui nous apportent des visions plus honnêtes des choses et n'hésitent pas à dénoncer les responsabilités et les fautes de leur propre pays. C'est le cas, entre autre, de Robert Kennedy Jr., le neveu du président John Kennedy dont le père a été assassiné par un étudiant palestinien, ce qui l'a porté à approfondir la problématique du Moyen-Orient. Il a publié une longue analyse sur ce qu'il appelle la guerre entre son pays et la Syrie et où il affirme et démontre que ce sont les Etats-Unis qui ont organisé, bien avant les manifs anti-Assad de la ville de Deraa en 2011, le projet de faire tomber Bachar el-Assad pour la simple raison que les politiques du président syrien ne convenaient pas aux intérêts des grands groupes pétroliers américains. Autre grand, et énorme, silence: le rôle, très intelligent et discret comme toujours, d'Israël dans ce conflit. Personne d'autre que Hillary Clinton ne pouvait mieux le démontrer, même si c’est bien malgré elle, puisque c'est grâce à Julian Assange que l'on découvre un mail dans lequel la Secrétaire d'Etat déclare très clairement que "c'est dans l'intérêt d'Israël que les Etats Unis sont occupés à chasser Assad du pouvoir en Syrie" et qu'une fois la tâche accomplie, il sera possible de mieux régler le dossier iranien et de faire en sorte qu'Israël garde le monopole de la bombe atomique dans la région. Et elle finit cette pièce d'anthologie en insinuant la possibilité de la mort pour Assad et sa famille. Beau portrait de celle qui failllt être présidente de la première puissance militaire du monde !