Faillite de l'ONU et de l'OTAN au Kosovo

Philippe Scheller
3 septembre 2003

la liste de diffusion 'Damnés du Kosovo'
comité pour la paix en Yougoslavie
http://www.gael.ch/collectif/
3 sept 2003



Le rapport du CICR et l'ONU

Le vendredi 29 août 2003, le CICR avait invité les médias à un point de presse, destiné à présenter un rapport complet et précis sur la situation des personnes déplacées du Kosovo. Quelques Serbes, victimes de la guerre, accompagnés de sympathisants ont souhaité profiter de cet événement pour exprimer à la presse et aux médias leur indignation vis-à-vis du silence observé depuis plus de 4 ans sur cette question. En Serbie et au Monténégro, survivent, actuellement encore, 230 000 personnes chassées du Kosovo après l'entrée des forces de l'OTAN. Depuis juillet 1999, moins de 2% sont retournées dans leur foyer. En quatre ans, le Kosovo a connu 6 013 attaques contre des Serbes provoquant la mort de 1 021 d'entre eux.

Le rapport du CICR présente des chiffres accablants pour la MINUK, la mission intérimaire de l'ONU, responsable juridiquement du Kosovo depuis plus de 4 ans. Or, c'est précisément le jour de ce point de presse du CICR, qu'une cérémonie a été improvisée par l'ONU, rassemblant tous les médias au Palais des Nations pour un hommage majestueux aux 23 victimes de l'attentat de Bagdad : éclipsés les 1 021 morts du Kosovo ! Et qui trouve-t-on parmi les orateurs de la cérémonie du Palais de Nations : Bernard Kouchner, le premier administrateur du Kosovo occupé par l'OTAN! Joli coup : pas un seul représentant des médias n'était présent au point de presse du CICR. On utilise des morts pour en cacher d'autres, un concept qui vaut bien celui des "bombardements humanitaires".

Silence des médias

Comment expliquer ce silence des médias, depuis plus de quatre ans, sur la question du Kosovo ? La réponse est simple: le constat des faits objectifs constitue la démonstration flagrante que les buts réels, cachés derrière l'intervention militaire de l'OTAN en 1999, n'étaient, bien évidemment, pas « humanitaires », comme on a voulu le faire croire. Il s'agissait, bien au contraire, d'une guerre impérialiste de plus, sur un modèle qui a déjà fait ses preuves et qui continue à faire des victimes en Afghanistan et en Irak.

Objectifs cachés et erreurs d'analyse

Il y a pourtant une différence, et même une différence de taille : la guerre du Kosovo a été rendue possible grâce à la complicité des gouvernements sociaux-démocrates européens et accessoirement grâce à l'approbation, tacite au moins, d'une large frange de la gauche (?) réformiste. Ce désastre politique trouve son explication dans les erreurs d'analyse aux conséquences dramatiques, qui ont accompagné toute la période couvrant le démantèlement de la Yougoslavie, de 1991 à 1999.

La focalisation de l'analyse sur les caractéristiques intercommunautaires du conflit a occulté les enjeux réels visant le partage du territoire yougoslave. Cette dérive analytique a porté l'ensemble des mobilisations anti-guerre vers un soutien désordonné à l'une ou l'autre des communautés qui s'affrontaient sur le terrain, sans dénoncer les objectifs de partage de territoire et les ingérences. On a même entendu des théories sur le soutien à apporter aux pacifistes des «deux camps» à propos du Kosovo, ce qui revenait à dire que le conflit avait pour « origine » les désaccords entre Serbe et Albanais, justifiant, de ce fait, une intervention pour « aider ces communautés à se mettre d'accord » ...

Malheureusement, les buts étaient tout autres et l'agression militaire révèle, après 4 ans son vrai visage et des objectifs bien plus sordides: la base militaire US de Camp Bondsteel est bel et bien installée au Kosovo et l'entreprise de privatisations générale et massive des territoires disloqués de l'ex-Yougoslavie est lancée à pleine vitesse sous la pression conjointe du FMI, de l'OMC et de l'Union Européenne !

Responsabilités

L'autre différence de taille, réside dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui avait mis fin, rappelons-le, aux bombardements de 1999, et qui place depuis plus de quatre ans, le territoire du Kosovo sous responsabilité internationale. Nous sommes, de ce fait, directement impliqués et le silence des médias et des autorités devient coupable : nous avons donc le devoir de parler du Kosovo, des personnes qui en ont été chassés et des responsabilités engagées!

Philippe Scheller
Comité pour la paix en Yougoslavie
http://www.gael.ch/collectif/
pschelle@worldcom.ch