Pierre Galand
1 novembre 2019
Aujourd’hui, l’Europe devrait avoir conscience de ce que l’OTAN est avant tout un reliquat encombrant de la guerre froide car l’OTAN conçoit la paix selon « si vis pacem para bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre).
Cette conception entraîne d’ailleurs chez nous certains hommes politiques à plaider pour une Europe forte disposant de ses propres moyens intégrés de défense en mesure d’évaluer elle-même les risques pour sa sécurité. Cette vision otanienne versus la vision défense européenne ne règle absolument pas l’impérieuse nécessité de concevoir que notre sécurité commune, comme celle des autres peuples, repose avant tout sur l’obligation de réduire le risque de l’usage des armes de destruction massive, de plus en plus performantes et de plus en plus miniaturisées. Pour y arriver, mettons en avant la tout aussi impérieuse urgence de réhabiliter les instruments d’arbitrage internationaux reposant sur le droit international et la Déclaration universelle des droits humains afin d’anticiper les conflits et de les désamorcer dans les plus brefs délais.
Les différents comités de désarmement et de contrôle des armes, siégeant à Genève, sont aujourd’hui en état de mort cérébrale. Pire, les rapports des Occidentaux avec les Russes et les Chinois relèvent plus de l’invective et de l’insulte. Nous sommes donc loin de ce que Russes et Américains étaient en mesure de négocier dans les années 80 pour réduire les risques de l’usage des armes de destruction massive. Même en Europe, il fut un temps où des personnalités comme les Belges Henri Rollin et Pierre Harmel ou… le Soviétique Vadim Zagladine avaient largement contribués à finaliser les Accords paneuropéens d’Helsinki, accords de sécurité et de coopération européenne fondés sur les progrès auxquels s’engageaient les différentes parties.
Rappelons que ces accords réunissant 35 pays portaient sur 10 principes régissant les relations entre les Etats et reposant sur la reconnaissance des droits humains comme facteur essentiel de la paix, de la justice et du bien-être pour assurer le développement de relations amicales et de coopération entre tous les Etats. Ces accords ont été répartis dans trois corbeilles différentes et vont fonder les bases de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Première corbeille : les mesures de confiance, de la sécurité et du désarmement. Deuxième corbeille : la coopération dans les domaines de l’économie, de la science, de la technique et de l’environnement ; troisième corbeille : coopération dans les domaines humanitaires, c’est-à-dire liberté de la presse, échanges culturels et en matière d’éducation. Ces Accords signés en août 1975 en pleine guerre froide marquèrent un tournant historique donnant une dimension universelle à la défense des droits humains et des libertés fondamentales comme facteurs essentiels de la paix.
Aujourd’hui, M. Emmanuel Macron suscite des inquiétudes du côté de l’OTAN en avançant la nécessité d’un pilier européen de la défense plus indépendant des Etats-Unis. Cela ne résout en rien la question du surarmement ni de la conception même de la sécurité européenne encore moins de celle du reste du monde. Il faut de toute urgence réhabiliter et renforcer tous les lieux et institutions capables de recréer les mécanismes de sécurité fondés non sur la défiance mais sur la coopération.
Les grandes et moyennes puissances sont généralement peu enclines à ce genre d’exercice et il appartient donc aux petits pays de prendre les initiatives qui permettront de freiner et d’inverser la tendance actuelle qui réserve de plus en plus de moyens budgétaires à l’armement et à la recherche développement en armements de pointe. Ces initiatives doivent permettre de reconstruire le difficile chemin d’un monde capable de limiter la course et le commerce des armements qui permettront de dégager les ressources nécessaires pour relancer les mécanismes multilatéraux de sauvegarde de la paix et de la coopération pour développer le bien-être commun dont sont privés encore aujourd’hui la majorité des êtres humains peuplant notre planète.
C’est, à mon sens, le rôle auquel la Belgique doit s’employer en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies durant l’année 2020.
Pierre Galand
Ancien sénateur et membre du Comité pour la Sécurité et la Coopération européenne.
Novembre 2019