Roland Marounek
11 décembre 2019
18 ans après, 18 ans trop tard, la réalité commence seulement à être dite ouvertement. Le lundi 9, le Washington Post a publié une enquête basée sur 2000 pages d'interviews déclassifiées de 400 responsables politiques et militaires états-uniens. Cette enquête, reprise ensuite par les médias du monde entier, ne fait qu'exposer ce qui était une évidence pour des militants et des organisations de gauche dès le début: la guerre, les bombardements, l'occupation, le soutien à une caste corrompue... ne sont évidemment pas une réponse, ni à la fabuleuse 'lutte contre le terrorisme', ni au développement et au progrès des peuples occupés.
Le Washington Post, et les autres médias derrière lui, démontrent comment les gouvernements US successifs ont littéralement menti aux citoyens, vantant sans vergogne année après année, les merveilleux progrès qu'enregistrait l'Afghanistan sous occupation de l'Otan, en allant jusqu'à manipuler directement les chiffres. L'essentiel c’est que l'opinion publique croit que la guerre vaut d'être menée - en Afghanistan et partout ailleurs
C'était évidemment la même politique dans tous les pays de l'Otan : on se souvient en particulier du plaidoyer des ministres belges De Gucht et De Crem, qui, en 2008, n'hésitaient pas à lancer effrontément les chiffres et les affirmations fantaisistes:
« Même si les défis restent énormes, des progrès ont été accomplis. Aujourd'hui, 80 % des Afghans ont accès aux soins de santé, alors que ce chiffre était de 8 % sous les talibans. Le taux de mortalité infantile a baissé de 25 %. Le produit national brut a doublé. Quatre millions de réfugiés afghans sont rentrés dans leur pays. Cinq millions d'enfants afghans vont à l'école, dont 38 % de filles. [...] L'Otan a défini très clairement sa "stratégie du succès". Le but est d'édifier et de construire un état de droit afghan indépendant et durable auquel la communauté internationale pourra transférer les responsabilités. [...] La Belgique veut assumer ses responsabilités pour la défense de la paix, de la sécurité, de la démocratie et des droits de l'Homme dans le monde entier, dans notre intérêt à tous. » (cf http://csotan.org/textes/texte2.php?art_id=396&theme=F)
Résultat, après 18 ans de cette merveilleuse stratégie du succès ? 82 % de l’offre mondiale d'opium en 2018 (selon l’ONUDC), des dizaines de milliers de morts, une corruption généralisée des autorités afghanes, un taux de mortalité infantile de 108/1000 parmi les plus élevées du monde, un taux d'alphabétisation de 29% (PNUD)... et les Taliban plus puissants que jamais! Le rapport des Nations unies publié en octobre dernier révèle qu'en 2019 il y avait eu depuis le début de l'année 2.500 morts et 5.600 blessés. 8000 victimes civiles par an. 18 de guerre et d'occupation pour en arriver là...
Comme l'exprimait avec une magnifique lucidité la militante Malalai Joya de passage dans notre pays à l'invitation de VREDE, "l’occupation des États-Unis et de l’Otan n’a fait qu’empirer nos problèmes" :
« Cela fait 18 ans que le gouvernement américain nous impose la guerre, la destruction et le terrorisme d’Etat. L’Afghanistan n’est pas la seule victime, c’est la même chose en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen… Des millions de personnes ont été tuées à cause de cette "guerre contre le terrorisme" qui, selon moi, est le plus gros mensonge du siècle. Les Afghans en sont les témoins directs : les États-Unis et l’Otan soutiennent et arment – directement ou indirectement – les plus dangereux terroristes. Pour les États-Unis, le terrorisme est une arme stratégique dont ils usent pour déstabiliser l’Asie et bloquer les progrès économiques et militaires de la Russie et de la Chine, qu’ils jugent menaçants. L’un des premiers cadeaux de Trump aux Afghans a été de lâcher la "Mother of all bombs", "mère de toutes les bombes" sur notre sol. Cela n’a fait que prouver une fois de plus que la démocratie ne pourra jamais être acquise à coup de bombe ou grâce à des guerres imposées par des envahisseurs. En quittant le pays, la colonne vertébrale terroriste se brisera. Oh bien sûr, nous devrons faire face à d’autres problèmes. Ce sera même peut-être plus difficile à court terme. Mais à long terme, nous ne pouvons trouver la paix qu’avec le départ de l’occupant. » (extrait de l’interview de Malalai Joya dans Le Soir du 9 décembre)
Exposer clairement les mensonges et les résultats désastreux de cette guerre ci, devrait aider les mouvements de la Paix, chez nous et dans les autres pays de l’Otan, de ne plus se laisser avoir, enfin !, par les discours sur les droits de l’homme, de la femme, la défense de la Démocratie, de la Liberté, etc, etc, tous ces leurres dont l’impérialisme se sert pour nous faire accepter ses agressions, hier en Libye ou en Syrie, et demain en Iran ou ailleurs