Trois mois ont passé depuis ce jour fatidique où le parlement belge a voté à la quasi unanimité l’engagement de notre pays dans la guerre de l’Otan contre la Libye. Maintenant, certaines voix s’élèvent parmi les parlementaires pour émettre des doutes sur la poursuite de cette participation et sur les objectifs de celle-ci. Mais le parlement, en votant l’intervention de la Belgique, le 21 mars dernier, s’est délibérément privé de tout moyen d'avoir une quelconque influence sur la poursuite de la guerre. Le gouvernement belge en affaires courantes s’est fait fort de ce soutien pour poursuivre des objectifs qui étaient déjà clairs depuis des mois : le renversement du gouvernement de Kadhafi et la mise en place d’un nouveau "pouvoir". Il n’est pas vrai que l’intervention militaire otanienne a changé de nature, comme le disent aujourd’hui certains parlementaires. Ce qui est vrai, c’est que l’Otan n’a pas atteint son but après trois mois de bombardements intensifs et chaque jour plus meurtriers contre les populations civiles qu’on était censé protéger. Et cela oblige à ouvrir un peu les yeux.
L’engrenage de la guerre est en marche. Le gouvernement belge, toujours en affaires courantes, a prolongé de trois mois (et peut-être même "indéfiniment", comme vient de le proclamer le ministre De Crem) la participation belge aux frappes de l’Otan, et ne tardera pas à faire allégeance politique : la reconnaissance du Conseil National de Transition (les rebelles de Benghazi) comme "représentant légitime du peuple libyen" n’est pas loin. Déjà 13 pays membres de l’Otan ont franchi le pas.
Un seul missile coûte 350 000 euros, une bombe coûte entre 15.000 et 25.000 euros pièce. Les estimations minimales du ministère de la "défense" sont de près de 15 millions d'euros pour 3 mois, cela alors que les menaces d’économies dans les budgets sociaux se font de plus en plus pressantes.
Quand des partis se disant partisans d’un idéal progressiste, rejettent toute solution diplomatique et politique et s’engagent dans une guerre comme celle contre la Libye, ils enterrent eux-mêmes la démocratie dont ils se revendiquent. Certains avaient ces derniers mois pris des positions certes tardives, mais remarquables contre l'engagement de la Belgique dans la guerre d'Afghanistan, dénonçant l'hypocrisie des motifs humanitaro-sécuritaires officiels, et réclamant explicitement le rapatriement des bombardiers belges. Mais ce sont les mêmes qui ont signé des deux mains l'entrée de la Belgique dans cette guerre, qui a tout d'un bourbier annoncé. Faudra t'il attendre dix autres années pour qu'ils réalisent qu'ils se sont laissés duper encore une fois par le miroitement humanitaire de l'«intervention» ?
Notre pays est l'un des pays les plus lourdement engagés dans cette guerre. Outre un navire de guerre croisant au large de la Libye, six chasseurs-bombardiers F-16 participent aux bombardements et ils ont déjà largué plus d'une centaine de bombes. Après 3 mois de bombardements quotidiens, c'est ici un silence radio quasi-total sur cette guerre où est impliquée à ce point la Belgique. Notre empêtrement militaire a été couvert par des monceaux d'infos médiatiques et divertissantes, mariage princier, béatification d'un pape, nième mort de Ben Laden – le jour même où l'Otan ciblait un fils et 3 petits-enfants de Kadhafi. Manifestement la population doit être tenue à l'écart de sujets aussi futiles que la guerre menée par notre propre pays. Curieuse conception de la démocratie, qu'on prétend aller exporter là-bas à coup de bombes.