Après la rupture de toute relation lors de la proclamation d'indépendance de Pristina, le "dialogue" entre représentants serbes et kosovars a débuté à Bruxelles en mars 2011, sous la conduite d'un "médiateur" européen et d'un "observateur" étatsunien. D'emblée, ces derniers ont refusé que les pourparlers abordent la question du statut du Kosovo, comme le demandait Belgrade, mais uniquement les problèmes concrets rencontrés par les citoyens du Kosovo. Un premier accord a été conclu en juillet, Belgrade acceptant la circulation de véhicules immatriculés par Pristina et remettant des copies des registres de naissance. Mais les négociations butaient sur la reconnaissance des cachets de douane. Depuis 2008, les rares marchandises exportées par le Kosovo ne portaient plus le cachet de la Mission de l'ONU déployée, encore aujourd'hui, sur le territoire, mais un sceau faisant référence à un Etat kosovar, en violation d'accords régionaux en vigueur. La Serbie, mais aussi la Bosnie-Herzégovine, n'ont dès lors plus rien importé du Kosovo. Alors que le sujet était discuté à Bruxelles, Pristina a voulu forcer la décision, en appliquant à son tour un embargo commercial contre Belgrade. Puis, comme cet embargo n'était pas respecté dans le Nord, majoritairement serbe, y compris parmi la police, le gouvernement de Thaci a investi les "deux postes-frontières" du Nord au moyen d'une unité spéciale de police. La population locale s'est soulevée, a incendié un des deux postes et repoussé les hommes de Pristina, dont un a été tué.
Durant les semaines suivantes, la KFOR a pris le contrôle des deux postes, tout en interdisant le passage de marchandises, ce qui a néanmoins fait baisser quelque peu la tension. Jusqu'à ce que, le 2 septembre, le "dialogue" accouche d'un accord sur les cachets de douane : Belgrade reconnaîtra un cachet marqué uniquement "Kosovo", tandis que Pristina lèvera son embargo. Cependant, cette dernière a interprété l'accord, d'abord comme une reconnaissance de son indépendance par la Serbie, mais surtout comme un feu vert pour déployer policiers et douaniers "loyaux", c'est-à-dire albanophones, aux deux postes litigieux. L'opération a effectivement été menée le 16 septembre, grâce aux hélicoptères de la KFOR. Les Serbes ont réagi en ouvrant des routes alternatives et en édifiant quantité de barricades sur les axes officiels, en particulier à proximité des deux postes dont Pristina venait de prendre le contrôle. C'est après avoir rendu impraticable une de ces routes alternatives et alors qu'ils voulaient abattre une barricade que, le 27 septembre, des soldats allemands de la KFOR ont d'abord tiré des gaz lacrymogènes sur la foule qui la gardait, puis à balles réelles quand elle a riposté en les caillassant, échange qui a fait un total de 11 blessés, 7 Serbes et 4 Allemands.
Le "dialogue" a ensuite été suspendu, Bruxelles, Washington et Pristina exigeant que la session prévue fin septembre soit consacrée comme prévu aux télécoms et aux forums régionaux, sans qu'il soit même question de la situation explosive du Nord du Kosovo, comme le demandaient les autorités serbes. Ce qui fait sans doute le plus enrager ces dernières est probablement le fait que jamais auparavant EULEX et la KFOR n'ont violé si ouvertement la clause de leurs mandats respectifs, émanant du Conseil de sécurité de l'ONU, leur imposant la neutralité envers le statut du Kosovo.
Mais l'action concertée de l'OTAN, l'UE et Pristina va au-delà de l'instauration par la force de frontières qu'ailleurs on dit vouloir abattre. En visite à Belgrade le 23 août, la chancelière allemande, Angela Merkel, a clairement indiqué qu'aucun progrès vers l'UE ne sera plus possible tant que les "structures parallèles" serbes au Kosovo continueraient à être actives. Or, c'est grâce à ces "structures" (écoles, hôpitaux, administration, pensions...) que survit la majorité des Serbes restés au Kosovo, dans le Nord, mais aussi dans les enclaves du Sud. Alors que les dirigeants de Belgrade s'attendaient plutôt à ce qu'on leur signifie que les portes de l'UE leur étaient grandes ouvertes après qu'ils aient extradé les deux derniers inculpés du Tribunal de La Haye, cette nouvelle condition a fait l'effet d'une douche froide. Et il ne faut pas être prophète pour deviner que, très bientôt, c'est une reconnaissance pure et simple du Kosovo indépendant qui sera exigée, sous prétexte qu'on ne peut pas admettre une "deuxième Chypre" ou un "conflit gelé" dans le club européen. La montée en flèche de l'"euroscepticisme" dans la population serbe n'est dès lors pas surprenante et s'assimile plutôt à un réflexe de survie.