Le débarquement dans le port de la Rochelle de matériels de guerre provenant des USA, surtout des hélicoptères et des chars, est sans doute significatif à plus d’un titre.
Un porte-conteneurs immense arrive à La Rochelle le 7 juillet. Son chargement invisible de l’extérieur, se compose, entre autres, de 63 hélicoptères de combat, 500 véhicules, 250 conteneurs, 350 militaires de la 101st Combat Aviation Brigade de l’US Army. L’occasion pour l’armée américaine de tester les ports maritimes de l’Europe de l’Ouest, comme celui de La Rochelle. Les États-Unis veulent s’assurer que les ports des façades atlantique et baltique sont en capacité d’accueillir des quantités importantes de soldats et de matériels et d’en assurer la logistique.
Rappelons que ces transferts actuels sont placés dans le cadre des grandes manœuvres « Europ Defender 20 », de mars à mai 2020, dont l’objectif est de vérifier que des troupes US et leur matériel peuvent très rapidement atteindre la frontière russe en traversant l’océan atlantique et l’Europe occidentale. 37 000 soldats (dont 20 000 Américains) de 18 pays (dont la France) sont censés y avoir participé. Les équipements de ces unités sont soit transportés des USA (20 000 pièces) soit prélevés sur les stocks prépositionnés de 5 APS européens (13 000 pièces).
Cette volonté d’interopérabilité des pays de l’OTAN a fait l’objet d’un accord entre l’UE et l’OTAN, la PESCO, coopération structurée permanente, signé au sommet de l’OTAN de Newport, et financé par l’UE. Nous en avons donné les informations au début de cette année, notamment dans le numéro de Planète Paix d’avril 2020. Ces manœuvres avaient été interrompues par la pandémie du Covid-19. Même si tous les pays de l’OTAN étaient impliqués, dont la France, les transferts d’équipements par voie maritime venant des USA se sont faits dans des ports de la partie nord de l’Europe occidentale, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Pologne et pays baltes essentiellement.
On peut évidemment se poser la question des raisons de ce changement de pratiques mettant en France pour la première fois l’OTAN en pleine lumière depuis qu’elle avait quitté ses instances dirigeantes en 1966 (mais elle en est restée membre et elle avait réintégré subrepticement ces instances en 2009 sous le présidence de N. Sarkozy !) Les liens entre l’armée française et les USA via l’OTAN ne se sont jamais interrompues même s’ils étaient surtout présentés comme relevant d’accords bilatéraux avec certains de ses membres, dont la Grande-Bretagne et l’Allemagne : par exemple la base, franco-allemande, de transports aérien d’Évreux (27), les travaux sur l’arme nucléaire de Valduc près de Dijon conjoints avec le Royaume-Uni, les aménagements annoncés sur la base de Châteauroux, etc. Le drapeau de l’OTAN flotte à côté du drapeau français dans tous les bâtiments militaires, y compris dans le foyer interarmées des officiers Place St Augustin à Paris.
On aurait pu choisir un port moins voyant que celui de La Rochelle, peu utilisé pour des activités militaires : en période estivale, cela ne pouvait pas se faire discrètement dans une région touristique. Surtout en cette année de crise sanitaire et pour le 14 juillet. E. Macron aurait-il pensé que la « mort cérébrale » de l’OTAN, comme il l’avait dit, avait été guérie ? Les USA auraient-ils imposé à la France cette démonstration de subordination ? Est-ce le début de l’installation officielle plus importante de bases militaires étrangères en France, sous l’égide des USA/OTAN ? est-ce une réponse aux propos erratiques de D. Trump ? Pour le moment, on se perd en conjectures ! Mais nous devons rester très vigilants sur des initiatives à venir.
Des annonces récentes montrent des changements dans la répartition des effectifs et la localisation des responsabilités : diminution des effectifs US en Allemagne au profit de la Pologne, déménagement de l’État-Major US de Ramstein en Allemagne vers Mons en Belgique où se trouve déjà l’État-Major Suprême des Forces Alliées en Europe, le SHAPE, bras armé de l’OTAN (Les 2 ont à leur tête le même Général US !).
Et surtout, il ne faut pas perdre de vue la dangerosité de telles manifestations de force aux frontières de la Russie et indirectement contre la Chine qui reste la principale cible des USA. Des manœuvres ont déjà eu lieu et sont encore prévues dans l’ouest de l’Océan Pacifique.
Dans une tribune sur le site « Défendre la Défense » le 1er mai 2020, une dizaine de militaires français de haut rang ayant quitté le service et regroupés au sein du Cercle de réflexion interarmées (CRI), s’inquiètent de la participation de la France à l'exercice militaire de l’OTAN. Pour eux, « organiser des manœuvres de l’OTAN, au XXIème siècle, sous le nez de Moscou, plus de trente ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique confinant à la provocation irresponsable ». Ces anciens militaires déclarent que « y participer (Defender-Europe 20, Atlantic Resolve) révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique ».
Pour le Général français Dominique Delawarde, ancien chef « Situation-Renseignement-Guerre électronique 19 » à l’état-major interarmées de planification opérationnelle, expert de la guerre cybernétique, contacté par Observateur Continental, « ce débarquement est plus symbolique, dérisoire et pathétique qu'important compte tenu des évolutions des équilibres mondiaux post-Covid que nous allons connaître ». Les troupes débarquées à la Rochelle, à Bordeaux, en Grèce, prennent toutes la route de la Pologne. L’engagement américain en Europe et leur volonté « d'accentuer la dissuasion à l’égard de la Russie [permet de] renforcer l’OTAN, de rassurer les alliés ». Depuis Reagan, c'est le même combat : l’ennemi reste le Russe, le méchant n'admettant pas que le camp du bien est celui des Américains. L’OTAN glisse vers l'est, vers la Pologne et vers les alliés fidèles, prêts à payer le prix de leur défense et à prêter allégeance à leur suzerain américain. Le Huffington Post annonce même que Trump veut élargir l’Alliance Atlantique à certaines nations du Moyen-Orient.
Seul varie le centre nerveux de l’Alliance Atlantique. Il n’y a donc pas de désengagement américain d’Europe, mais a contrario, une avancée des moyens lourds au contact de la Russie.
Rappelons qu'aujourd'hui l'OTAN se trouve en Pologne, dans les Pays Baltes, juste sur les frontières avec la Russie alors qu'en 1990 les Américains avaient promis aux Russes de ne pas élargir l’OTAN à l’Est.
Rappelons que les USA ont réaffirmé leur changement de stratégie en s’autorisant l’emploi des armes atomiques en première frappe et « sur le champ de bataille » et non plus en riposte à une attaque nucléaire et, de plus, ils se retirent de plusieurs traités internationaux limitant l’usage des bombes atomiques et des missiles.
Rappelons aussi que le budget militaire de la Russie en 2019, 65,10 Md$ selon le SIPRI, est certes supérieur de 30% à celui de la France (50,10 Md$), mais il est plus de 11 fois inférieur à celui des USA (732 Md$), et près de 16 fois inférieur à celui de l’OTAN (1035 Md$) !
Une synthèse sur ce qu’est l’OTAN fait l’objet du flyer « non à la guerre, non à l’OTAN » disponible sur le site internet du Mouvement de la Paix www.mvtpaix.org et sur le site internet du collectif français « Non à l’OTAN, Non à la guerre », coordonné par le Mouvement de la paix, regroupant plus de 60 organisations, www.otan-non.org