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Après Bush, la paix ?

Roland Marounek
4 juillet 2009

"Aux terroristes qui sont contre nous, mon message est le même : nous vous vaincrons." B. Obama, 27 mars 2009

L'élection de Barack Obama a provoqué en Europe un très grand enthousiasme, engouement et espoir. Le capital de sympathie est incontestable, et on peu difficilement échapper au symbole du premier Noir à la Maison Blanche, dans un pays ou régnait il y a peu l'apartheid.

En particulier, l'espoir est immense que la fin de l'administration Bush a réellement éloigné le monde de la guerre, et le sentiment largement répandu dans l'opinion est que Obama oeuvre pour la paix

Il y a eu, de fait, quelques belles paroles et gestes symboliques de Barack Obama, - mais si on y regarde de plus près, les éléments factuels manquent malheureusement pour alimenter l'illusion.

Change we can believe in…

On a beaucoup mis en avant le retrait des troupes US d'Irak, qu'elles avaient envahi il y a 6 ans déjà. Le plan de retrait prévoit en réalité de conserver sur place une force de plusieurs dizaines de milliers de soldats (50.000 hommes d'après certaines estimations), pour continuer à entraîner les forces de sécurité irakiennes, combattre les "terroristes" étrangers, protéger les institutions américaines, et protéger le nouveau 'pouvoir' irakien... à sa demande bien sûr, - comment ne pourraient-ils pas demander ? La recrudescence actuelle des attentats meurtriers absurdes contre la population pourrait bien être l'action des services secrets états-uniens qui ont une longue pratique, et qui ont tout intérêt à rendre leur présence indéfiniment indispensable.

Un indicateur autrement plus parlant que les belles phrases, est le budget de la "défense". Obama a demandé au Congrès de débloquer 83,4 milliards de dollars supplémentaires pour financer les opérations militaires en Irak et en Afghanistan, soit plus que ce que n’avait demandé le va-t-en guerre G.W. Bush.

Les Etats-Unis ont accru leur présence en Afghanistan à 56.000 hommes actuellement, et devraient arriver à près de 70.000 d'ici l'automne. Le modèle suivi pour "pacifier" l'Afghanistan est ouvertement celui du surge irakien, une "déferlante" de force censée briser toute résistance – et permettre un hypothétique retrait ultérieur. Obama a été manifestement impressionné par la politique de "surge" de son prédécesseur au point de le qualifier sur Fox News de succès "au delà des rêves les plus fous" ["beyond our wildest dreams"].

Ce rêve fou est en train de déborder sur le Pakistan, pris dans le bain de sang de la guerre au terrorisme. Les drones US bombardent désormais régulièrement les régions pachtounes, ciblant les "terroristes" désignés, massacrant en passant les civils tout autour : selon certaines sources, 6% de militants sur plus de 700 victimes1. Les taliban se montrent plus sélectifs. Ce sont de biens singulières entrées en matière pour une administration supposée œuvrer pour la paix.

Bref il est assez difficile de voir où se situe vraiment le changement dans lequel on est tenu de "croire", où est la différence concrète entre les politiques guerrières des deux administrations

Par contre et cela est beaucoup plus inquiétant, l'emballement médiatique pour Obama permet de faire beaucoup mieux passer, chez nous, l'engagement européen dans ces guerres, et dans celles qui s'annoncent. Le discours sur la nouvelle attitude de coopération des USA avec les Alliés est en fait un appel à une plus grande implication de l'OTAN dans les guerres impériales. Au moins l'arrogance de Bush et de sa bande de néo-cons nous épargnait cela.

Les effets sont tout à fait réels : Quelque 33.000 soldats supplémentaires sont déployés en Afghanistan venant de l'Otan ou des pays alliés. Les ministres des affaires extérieurs des pays de l'Otan ont avalisé sans broncher le fait que l'Isaf passe sous commandement unifié US, coordonnant la stratégie de l'Isaf et de l'opération "Enduring Freedom". L'illusion de la force de maintien de la paix de l'Otan bien distincte de l'opération de guerre US est bien révolue.

Opération Mossadegh 2.0, j'ai foiré…

Les élections iraniennes ont été comme il fallait s'y attendre l'occasion d'une tentative de changement de régime selon le scénario bien rodé, entamé il y a bientôt 10 ans avec Otpor en Yougoslavie : le candidat choisi par l'Occident déclare sans aucune preuve que c'est lui qui a gagné et des provocateurs commencent à allumer les troubles. Dans la dernière mouture, le scénario s'est enrichi avec le recours aux technologies modernes, FaceBook, You Tube mis à contribution, des messages provocateurs notamment propagés par Twitter pour enflammer les esprits.

En 2006 l'administration états-unienne avait, de manière tout à fait officielle, consacré un budget de 85 millions de $ pour le 'changement de régime' en Iran2. On imagine que cet argent a été bien utilisé. "15 millions de $ seront dévolus au financement d'organisations US qui soutiendront des syndicats iraniens et des activités civiles, et pour financer des groupes iraniens. …5 millions de $ de plus iront pour entrer en contact avec les Iraniens qui ont Internet et utilisent les messageries instantanées...." précisait-on…

On ne peut qu'admirer ici aussi la belle continuité avec l'administration précédente, et, en fait avec beaucoup de celles qui ont précédés. On a aujourd'hui du mal à imaginer par exemple que l'opinion occidentale a pu croire en 1953 que Mossadegh avait été renversé par la rue.

World War III, yes we can ?

Que cette tentative de renversement ait échoué ne doit pas masquer le fait que cela a été aussi une formidable occasion ici de donner un coup d'accélérateur à la propagande de guerre contre l'Iran. Au bruit de fond usuel sur la bombe nucléaire iranienne, s'ajoute maintenant le thème porteur des droits de l'homme et de la démocratie. La vidéo suspecte de la jeune iranienne "massacrée par les Bassidjis" est utilisée pour créer la même émotion irraisonnée que l'histoire du massacre de Racak, Kosovo. Au-delà de ce thème, d'autres "informations" paraissent, telle celle selon laquelle l'Iran serait en train d'armer les insurgés afghans, sapant le bel effort de l'Otan pour aider ce pays. Colombani, l'ancien directeur du Monde, fantasme sur "le pouvoir acculé [qui] pourrait être tenté par une aventure extérieure." « Et dans les mains d'un pouvoir aussi irrationnel …ce n'est pas seulement la région mais une bonne partie du monde qui s'en trouverait mise en danger. Le nucléaire au service d'une forme de fascisme est une menace majeure qu'il ne faut pas perdre de vue. »3 : Tout est en train de se mettre en place pour justifier une "légitime défense" contre ce danger.

Le plus inquiétant est le fait que cette propagande gagne le camp 'progressiste', voire même certaines parties du mouvement de la paix4, à nouveau affolé par le discours sur les droits de l'homme. Cela nous rappelle de bien mauvais souvenirs yougoslaves.

Si un tel scénario se confirmait, l’Otan serait plus que probablement partie prenante. Outre la présence physique des troupes de l’Otan aujourd’hui tout autour de l’Iran, les déclarations successives des Sommets de l’Alliance n’omettent jamais de mentionner la profonde préoccupation de ses membres sur le danger nucléaire que présenterait l’Iran, et leur engagement à faire respecter les accords de non-prolifération et les résolutions de l’ONU par lesquels ils sont liés5 ; enfin la France qui vient de réintégrer l’Otan à part entière a posté une base militaire à Abu Dhabi , à 200km juste en face de l’Iran et signé un accord de défense avec les Émirats arabes unis : « La France au premier rang d'un éventuel conflit avec l'Iran » annonce fièrement Le Figaro, qui précise qu’« une attaque de l'Iran pourrait être considérée comme portant atteinte aux intérêts vitaux de Paris », … et donc entraîner automatiquement les Alliés de l’Otan.

« Le ‘containment’ (l’encerclement) de l'Iran a commencé. Alors que Téhéran n'a pas donné suite aux propositions de négociations faites par Washington, les grandes capitales se préparent désormais à tous les scénarios. … À Paris comme à Tel Aviv et à Washington, on n'exclut pas qu'un échec des négociations ouvertes entre la nouvelle Administration américaine et Téhéran se solde un jour par un bombardement de l'Iran » écrit notamment ce journal.

Nous sommes actuellement soumis à une propagande tous azimuts contre l’Iran : démocratie, danger nucléaire, droit des hommes, droit des femmes, liberté d’expression, burqa, liberté de mœurs, négationnisme, anti-sémitisme… tout y passe, et cela ressemble fort à la préparation psychologique de l’opinion à une guerre nécessaire contre ces affreux. Le charme de Barack Obama, et le beau sourire de sa femme, autrement glamour que Laura Bush, pourraient malheureusement être l’un des éléments de l’adhésion de l’opinion publique à la guerre.

1. Eric Margolis, Winnipeg Sun
2. Boston Globe, traduit sur Planète non-violence
3. "Que faut-il faire avec l'Iran", www.slate.fr
4. cf. Le Mouvement de la Paix
5. cf. la déclaration finale du Sommet de Bucarest

Roland Marounek
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