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Le bouclier se construit Georges Spriet 3 avril 2011 Lors du sommet de Lisbonne en novembre 2010, l' OTAN s'est dotée d'un nouveau concept stratégique, l'engageant, tant qu'il restera des armes nucléaires dans le monde, à protéger les populations......Le gouvernement belge en affaires courantes a signé ce concept sans débat parlementaire.
Nucléaire
Ce qui est clair: l'OTAN estime que la sécurité de ses membres repose fondamentalement sur les armes nucléaires. Le document s'inscrit dans la ligne du Nuclear Posture des Etats-Unis d' il y a un an. Obama s'y engageait à ne pas utiliser d' armes nucléaires contre des états qui respectent le Traité de Non Prolifération, même s'ils attaquaient les Etats-Unis avec des armes chimiques ou biologiques. Font exceptions a cette règle l'Iran et la Corée du Nord, des pays qui "violent" ou renoncent au TNP, alors que les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité ne respectent pas eux-mêmes le TNP. On pourrait y voir une amélioration comparativement au passé mais, dans la politique de défense du US Nuclear Posture de l'OTAN, l'option nucléaire reste d'actualité, ainsi que la stratégie de première frappe nucléaire.
On nous présente le bouclier anti-missiles comme une défense des troupes et des territoires. Une analyse profonde des menaces manque, dans l'histoire des armes nucléaires, les missiles font toujours partie d'une stratégie offensive et non défensive. C'est la raison pour laquelle pendant la guerre froide Washington et Moscou avaient convenu de l'ABM Treaty (anti-ballistic missiles treaty) duquel G.W. Bush s'est retiré en 2002, pour développer le bouclier ! La stratégie de première frappe consiste en une attaque nucléaire massive visant à annihiler les missiles de l'adversaire. Le faible potentiel de riposte qu'il resterait pourrait être retenu par un bouclier anti-missiles. Ce bouclier a donc surtout du sens dans une stratégie offensive.
Cohésion politique
Le bouclier anti-missiles entre aussi dans une stratégie supplémentaire. Ses éléments doivent être mis au point sur le plan technologique et technique, et il faut une coordination opérationnelle. Cela représente donc des contrats d'études, de recherches et d'achats garantis pour l'industrie militaire, surtout états-unienne. En plus dans le nouveau concept stratégique il est dit: “le bouclier est un des éléments centraux de notre défense collective qui contribue à notre sécurité indivisible” ce qui suggère que le bouclier sert à concrétiser l'assurance morale et politique que Washington reste engagé dans la défense de l'Europe, un rôle qui jusqu'à maintenant était réservé aux armes nucléaires non-stratégiques. Est-ce un signe qu' à court terme les têtes nucléaires de Kleine Brogel, Volkel, Büchel, Aviano et Incirlik vont disparaître?
Le bouclier que l'OTAN installera n'est plus du tout le bouclier dont parlait G.W.Bush.
L'OTAN prépare depuis plusieurs années une défense multicouche active. L'objectif de cette capacité est de protéger les forces déployées par l'OTAN contre la menace que représentent les missiles balistiques à courte et moyenne portée, jusqu'à 3 000 kilomètres. Afin de gérer le risque associé au développement d’une capacité d'une telle complexité, son déploiement s'effectuera en plusieurs phases. Dans sa forme complète, la capacité consistera en un système multicouche, comprenant des défenses à basse et haute altitude (on parle aussi de défenses de la couche inférieure et de la couche supérieure), et aussi d' un système de commandement, de contrôle, de communication et de renseignement pour la gestion tactique, des capteurs de détection lointaine, des radars et divers intercepteurs. Les pays membres de l'OTAN mettront à disposition les capteurs et les systèmes d'armes, tandis que l'OTAN mettra au point le segment 'gestion' et l'intégration de tous ces éléments dans une architecture cohérente et efficace.
Approche adaptative phasée
A Lisbonne les pays membres ont convenu d'une défense territoriale contre les missiles. A l'exception des systèmes existants ou en cours de développement européens comme SAMP (Sol Air Moyenne Portée) de la France, et le MEADS (Medium Extended Air Defense System) où les Etats-unis viennent de se retirer en laissant l'Allemagne et l'Italie seules, il y a plusieurs pays qui s'étaient déjà procurés des missiles Patriot de la firme américaine Raytheon. Par la décision de Lisbonne s'y joindra l'approche adaptative phasée des États-Unis.
Dans la première phase, qui sera terminée en 2011, les USA déploieront en Europe des missiles intercepteurs SM-3 à bord de navires de guerre. Le 8 mars 2011 l' USS Monterrey a quitté la base de Norfolk en Virginie pour faire route vers l'Europe. Dans la seconde, qui deviendra opérationnelle vers 2015, ils installeront, en Europe centrale et méridionale, une version potentialisée de ce missile avec base terrestre . La Roumanie et la Bulgarie ont déjà mis à disposition leur propre territoire. En Pologne l‘installation est déjà en cours d’une batterie de missiles Patriot, gérée par une escadre de soldats états-uniens, dans la ville baltique de Morag, à environ 50 Kms de la frontière russe. Les SM-3 arriveront donc à bord de vaisseaux états-uniens, déployés en Mer Baltique et, ensuite, les missiles potentialisés avec des bases à terre. Le radar fixe, qui aurait dû être installé en République tchèque, sera remplacé par un système plus efficient fondé sur des avions, satellites et senseurs terrestres.
Tensions
On parle beaucoup du rôle de la Turquie dans ce programme anti-missiles. Des observateurs nous disent que la Turquie a manoeuvré pour que le document de Lisbonne ne mentionne pas l'Iran comme 'ennemi'. Il parait qu' Ankara n'est pas favorable au radar sur son territoire. En effet les relations économiques entre la Turquie et l'Iran se sont fortement développées: pipelines, tourisme, études d'investissements dans l'exploitation gazière de l'Iran. La Turquie jouait un rôle important dans la proposition du Brésil pour l'enrichissement nucléaire de l' Iran, en acceptant que son territoire puisse assurer les échanges de l'uranium. Il y a donc eu une réticence nette de la part du gouvernement turque pour adhérer à la stratégie américaine. Wikileaks a révélé la pression que met les Etats Unis sur Ankara pour qu'ils acceptent l'installation de radar anti-missiles.
Et puis, Medvedev avait accepté l'invitation au sommet OTAN de Lisbonne. “J'ai présenté nos propositions pour la construction d'une infrastructure anti-missiles européenne dans laquelle la Russie et l' OTAN combinent leurs connaissances et efforts pour défendre l'Europe contre des attaques par missiles balistiques,” expliquait le Président russe. Depuis, il est clair que l'OTAN ne veut pas d'un système commun, avec co-décision, mais d'une connexion entre le système OTAN et le système russe, ce qui ne plait pas du tout à Moscou. Une réunion en juin 2011 devrait trancher à ce sujet.
Le coût
Le prix de la facture pour ce bouclier n'est pas clair.....Le secrétaire-général de l'OTAN Rasmussen parle de 200 millions d'euros repartis sur 10 ans. Le gouvernement sortant a déclaré au Parlement que le prix se situe à 147 millions sur une période de 7 ans. Des experts en armement avertissent pourtant que les frais d'entretien pourraient atteindre les milliards. La Belgique s'engagerait selon le Ministre démissionnaire De Crem à payer 3,5 millions d'euros sur 7 ans, ce qui reviendrait à 500.000 euros par an. D'autres parlent d'un million par an. A la question si une décision pareille peut être considérée comme une affaire courante le Ministre des Affaires Etrangères, Steven Vanackere (CD&V), estime qu'en suivant le consensus otanien cette décision tombe en effet dans cette catégorie.
N'est-ce pas payer cher pour simplement prouver que 'nous' sommes des alliés ? Georges Spriet Autres textes de Georges Spriet sur le site du CSO
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