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L'élite et les moins que rien

Erik Rydberg
26 août 2024

Il y a deux camps. L'un pour la guerre, l'autre, pour la paix. D'un côté, le cercle des dirigeants, de l'autre, les gens d'en bas. Suivez le guide...

C'est une des marques prégnante de l'époque (celle où nous patouillons) que cet abîme creusé entre les "élites" des sociétés capitalistes contemporaines et la piétaille qui n'a rien à dire, en dessous. On peut le dire comme ça. On peut aussi le dire autrement: béance entre gouvernants et gouvernés, entre classes dominantes et les autres, subalternes, entre riches et pauvres en tout, etc.

Cela prend diverses formes dont celle d'un discrédit croissant, d'une défiance momifiée ciblant les nantis des corporations politique et de presse - qui s'en fichent royalement. Rien de très neuf dans ce constat. Cela a été dit et redit. Règne du "top-down" réduisant l'idée - démocratique - d'un "bottom-up" au rang des curiosités grammaticales.

Grand écart

Le conflit OTAN-Russie en Ukraine en est une des illustrations les plus frappantes.

Que les dirigeants d'Europe et des États-Unis rivalisent en déclarations matamoresques sur la nécessité d'écrabouiller l'agresseur russe, ce par un financement et un réarmement sans cesse accrus de l'Ukraine, de même qu'en appelant la population à se préparer à endosser l'uniforme du combattant, voilà qui n'aura pas échappé même au plus indifférent au grand cirque de l'actu politique. Moins connues du public, les décisions prises au Sommet de l'OTAN au début de juillet de cette année (voir ici, pp. 4 à 8) vont dans le même sens guerrier - et c'est donc signé de l'ensemble des dirigeants des pays membres de l'Otan, 32 pays, pas moins, avec une belle unanimité: tous pour la guerre à outrance.

Et que pensent de tout cela les gens "d'en bas"? On l'aura presque deviné. C'est du quasi diamétralement opposé. Comme relevait voici peu un article du Berliner Zeitung (6/7/24), 88 % des citoyens européens estiment que les pays de l'OTAN devraient faire pression en faveur d'un règlement négocié. Mieux: seulement 10 % des Européens, interrogés dans douze pays, jugent que l'armée ukrainienne peut vaincre la Russie - soit 90% qui ne le pensent pas.

On connaît l'expression: "il vit sur une autre planète". C'est une tournure diplomatique pour dire de quelqu'un qu'il est timbré, totalement à côté de la plaque. C'est naturellement un peu gênant quand le zozo loufdingue n'est autre que la classe dirigeante occidentale au complet. D'autant plus que, et cela tombe sous le sens, la qualité d'agité du bocal n'aura jamais empêché un décideur de décider (et après moi, le Déluge). Et là, ça ne fait pas un pli, il s'agit de décideurs très décidés.

Très décidés à ce que l'Ukraine "puisse remporter son combat" (c'est mot pour mot ce qu'on trouve dans la harangue finale du Sommet), tout en étant singulièrement évasifs sur ce qu'une Russie vaincue entraînerait comme lendemains.

Critique criminalisée

Ils ne sont, par contre, dans la même harangue, en rien évasifs sur le sort à réserver à celles et ceux "qui se font l'écho des campagnes de désinformation" de la Russie. Textuel: "Nous [les] condamnons". Ils et elles sont tous condamnables.

Il faut s'y arrêter, car l'accusation désigne implicitement les 88% des gens d'en bas en Europe qui sont en faveur de négociations, donc opposés à la guerre, et désigne les 90% qui ne croient pas à une victoire de l'Ukraine, bref désigne quiconque veut la paix - au risque d'être qualifié d'agent de Moscou, à ce titre condamnable et, le pas risque d'être vite franchi, en état d'arrestation et condamné.

On connaît le commentaire sarcastique de Bertolt Brecht au sujet des dirigeants qui ont affaire à un peuple mécontent et qui, pour résoudre ce petit problème, décident de "changer" de peuple. Comment l'OTAN va s'y prendre sera un des grands moments de la comédie humaine.

Sans surprise, ce sera en poussant à plein régime sa formidable machine de propagande. Le cas du journaliste Julian Assange, persécuté par cette machine, est une leçon à méditer. Comme montre l'excellente analyse de Laurent Dauré dans Le Monde diplomatique (août 2024, n° 845), quasi l'ensemble de la presse dite sérieuse, du Guardian au Monde en passant par le Canard enchaîné, le New York Times et la BBC, a relayé les fabrications mensongères sur Assange disséminées par cette propagande, avec les États-Unis en chef d'orchestre. C'est à cela, sur l'Ukraine, qu'il faut s'attendre.

Seul un fort mouvement pour la paix, lucide et critique, pourra y faire face.

Erik Rydberg
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