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Déploiement du système antimissile américain en Pologne et en République tchèque, ainsi que ses implications Nicolas Bárdos-Féltoronyi 18 mars 2007
Ce texte est un chapitre d’un article
de Nicolas Bardos-Feltoronyi paru dans la revue EURASIA- mars 2007, diffusée
par Internet, sous le titre : « Géopolitique des pays
euro-asiatiques du point de vue de l’UE ». Complété par l’auteur, nous le
publions dans ce bulletin dans le but de développer le débat sur cette grave
question et d’engager le mouvement de la paix dans son ensemble à prendre
position contre un tel projet. Pour le CSO, ce système antimissiles est un pas
de plus vers la guerre mondiale ou du moins d’une nouvelle « guerre
froide », qu’il soit sous contrôle états-uniens ou sous le contrôle de
l’Otan. Nous y reviendrons dans un prochain Alerte Otan.
Le débat à propos de l'installation d'un système américain de
défense antimissile au RU, ainsi qu’en Pologne et en République tchèque rappelle
les années de la guerre froide quand l'Europe était un enjeu de la rivalité
Est-Ouest. Poutine a violemment dénoncé la décision unilatérale de Washington
tandis qu'un de ses généraux menace de pointer ses fusées sur les sites dans les
deux pays. Les EUA affirment que la Russie avait été informée de leurs
intentions. Ils soutiennent aussi que ce système sophistiqué composé de missiles
intercepteurs et de radars n'est pas dirigé contre la Russie, mais contre une
menace venant d'Iran ou d'ailleurs. Depuis l'effondrement du bloc communiste, la
Russie s'inquiète de l'expansion de l'OTAN jusqu'à ses frontières. Le ministre
tchèque des affaires étrangères, le prince Karl von Schwarzenberg, insiste que
son pays (sic !) n'appartenait pas à la zone d'influence russe et qu'il
était libre de ses décisions. La Pologne comme la Tchécoslovaquie semblent
oublier que les EUA n’ont jamais rien fait pour ces deux pays quel que soit le
moment durant le 20e siècle. Plutôt, il faudrait parler d’abandons à Versailles
ou à Yalta ou lors des insurrections variées.
Faisant suite à une rencontre entre dirigeants de Varsovie et
de Prague en février 2007, ceux-ci s’accordaient pour affirmer que la décision
en question « n’est pas adaptée pour qu’elle soit soumise à un
référendum », autrement dit ils craignent à juste titre d’en être démentis
par les populations des deux pays qui s’opposent à ces implantations. Les Verts
tchèques qui font partie de la coalition gouvernementale exigent que les
installations en jeu soient soumises au contrôle de l’OTAN et non pas de l’armée
américaine. La Hongrie est entrain d’accueillir un système fixe de radars.
Récemment, un officier supérieur américain évoque la possibilité d’installer un
puissant radar mobile en Géorgie ou en Azrbaïdjan. Egalement en février 2007,
plusieurs ministres allemands expriment leur désaccord face aux EUA qui
n’auraient pas consulté avec la Russie à propos de ces projets. Selon eux, ces
projets n’améliorent guère la sécurité européenne ou allemande. Et en tout état
de cause, ils ne sont concevables que dans le cadre de l’OTAN, s’agissant du
territoire européen. Enfin, la Russie par la bouche d’un de ses dirigeants
militaires envisage d’installer des fusées à portée moyenne à la frontière
occidentale du Bélarus et dont le cible est les installations américaines
futures dans les deux pays concernés, et de sortir de l’accord sur le
démantèlement des fusées balistiques à portée moyenne conclu entre Washington et
Moscou dans les années 1980.
Le système de défense antimissile américain pose une autre
question aux Européens. Ce bouclier a pour objet de placer les EUA à l'abri
d'une attaque lancée par un pays doté d'armes de destruction massive et
insensible à la rationalité de la dissuasion. Les Américains affirment que ce
système antimissile pourra également servir, en cas de besoin, à la défense de
l'Europe, sans le préciser comment. Selon Washington, ce bouclier resterait
purement américain et les Européens se trouveront plus que jamais tributaires
des Etats-Unis pour leur défense. Certes, en l'absence d'une forte volonté
politique, l'Europe de la PESD qui s'esquisse fait totalement l'impasse sur la
dimension nucléaire de la sécurité mais cela est peut-être un avantage pour une
« puissance tranquille ».
Les EUA annoncent en fait qu’ils se sont entendus avec la
République tchèque pour qu’elle accueille sur son territoire un radar faisant
partie du système de défense antimissile américain comprenant des radars Ã
longue portée et des missiles intercepteurs et ayant pour objectif de détecter
et d’abattre les missiles balistiques. Le gouvernement polonais a aussi annoncé
qu’il est ouvert à l’idée que les EUA utilisent une base sur son territoire pour
y héberger un grand silo capable de lancer des missiles intercepteurs. Le
bouclier antimissile américain est conçu pour donner un avantage nucléaire
décisif à Washington. Le développement d’un réseau efficace de radars, de
satellites et d’intercepteurs de missiles intercontinentaux balistiques pourra Ã
terme réduire à néant toute tentative d’une puissance nucléaire rivale de lancer
une contre-offensive en réponse à une frappe nucléaire américaine. Cette
circonstance augmente évidemment le risque de guerre nucléaire dans le
monde.
La Pologne a déjà accepté d’héberger d’autres bases militaires
américaines conventionnelles sur son territoire. Le premier ministre tchèque a
accueilli la demande américaine en soulignant : « Nous sommes
convaincus que la possibilité du déploiement d’un radar sur notre territoire est
dans notre intérêt. Cela renforcera la sécurité de la République tchèque et de
l’Europe. » Le Pentagone a insisté pour dire que les deux bases
deviendraient des territoires américains souverains et que les quelque 500
Américains qui y travailleraient ne seraient pas soumis aux lois polonaises ou
tchèques. Le coût estimé de la dépense américaine pour ces deux bases s’élèvera
à € 1,3 milliard environ lorsqu’elles seront en état de fonctionner en 2011. Le
ministre tchèque de la Défense a reconnu que la population était opposée à ce
que la République tchèque s’implique dans le programme américain antimissile
mais a insisté sur le fait que le gouvernement irait néanmoins de l’avant. Des
sondages indiquent que deux tiers des Polonais et des Tchèques s’opposent à une
participation au bouclier antimissile.
Signalons que les EUA ont déjà construit des sites
d’interception de missiles en Alaska et en Californie, mais ils affirment qu’ils
doivent étendre cette couverture à l’Europe afin de contrer des « menaces
croissantes ». Washington a insisté sur le fait que son bouclier
antimissile sera utilisé pour assurer sa défense et celle de ses alliés contre
les attaques d’« Etats voyous », une expression régulièrement employée
par le gouvernement américain pour décrire l’Iran et la Corée du Nord.
Toutefois, ni l’Iran, qui n’a pas encore mené d’essai d’explosion nucléaire, et
ni la Corée du Nord, qui possède un armement nucléaire très rudimentaire, ne
constituent des cibles crédibles pour un système défensif si complexe et majeur.
L’intention première du bouclier américain est de neutraliser le potentiel
d’attaque des pays rivaux qui possèdent de véritables systèmes de lancement
nucléaires capables de frapper les EUA ou de menacer sérieusement ses
importantes bases étrangères avancées – c’est à dire la Russie et la Chine,
ainsi que de poursuivre leur tentation de contrôler l’UE.
Nicolas Bárdos-Féltoronyi Professeur émérite de
l’UCL Nicolas Bárdos-Féltoronyi Autres textes de Nicolas Bárdos-Féltoronyi sur le site du CSO
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