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Le grand retour du militarisme nippon ? Vladimir Caller 18 mars 2007 « Nous avons l’obligation de développer davantage notre
partenariat stratégique avec ce pays qui est devenu un acteur de plus en plus
important sur la scène mondiale, de l’Irak aux Balkans ». Tels furent les
termes choisis par José Manuel Barroso pour qualifier la signification de la
visite bruxelloise du Premier ministre du Japon Shinzo Abe. « Une visite
historique destinée à promouvoir la paix et la sécurité dans le monde »,
souligna-t-il encore.
La tournée européenne de l’homme politique japonais et, en
particulier, ses visites aux sièges de l’UE et de l’OTAN, méritent probablement
le qualificatif d’historique. En effet, c’est la première fois qu’un chef d’un
gouvernement supposé observer, par mandat constitutionnel, une vocation
pacifiste, se rend en visite officielle au siège d’une alliance militaire avec
l’objectif – certes, encore non avoué – de préparer l’entrée du Japon comme
membre à part entière de cette alliance.
Lourde tâche pour un homme qui semble prédisposé à de
dangereuses évolutions. Il est le fils de Shintano Abe, longtemps président du
Parti Libéral, le parti de la droite musclée nippone1 et homme fort du régime jusqu’à sa chute dans la tourmente
d’un scandale de corruption où on le trouva associé à Ryoichi Sasakawa, parrain
de la maffia locale et financier de toute mouvance d’extrême droite au Japon ou
ailleurs. Son grand-père, Nobosuke Kishi, ne fut pas moins notoire :
ministre dans le gouvernement du général fasciste Hideki Tojo, il fut, en 1940,
un des pères fondateurs du « pacte tri-partite » signé avec l’Italie
de Mussolini et l’Allemagne nazie. Emprisonné à la capitulation par les
Américains, il fut, comme tant d’autres criminels de guerre, récupéré par ses
capteurs pour mieux les servir en réactualisant le traité d’assistance
nippo-états-unien.
Il n’est donc pas surprenant que ce fils et petit-fils prodige
ait axé sa campagne électorale sur des thèmes comme la révision de la
Constitution, qui interdit toute intervention militaire au pays, ou
l’enseignement obligatoire du « patriotisme » dans les écoles. Ni
qu’une de ses premières mesures ait été le retour, après plus de 60 ans, d’un
ministère de la Défense2. En fait ce
« nationalisme » affiché par Abe est de nature à mieux cacher sa
réelle soumission aux intérêts américains. Ainsi, confronté à une opposition
grandissante à sa participation en Irak et en Afghanistan, Abe prépare le retour
de ses troupes « japonaises » pour repartir cette fois sous uniforme
otanien mettant ainsi en Å“uvre les instructions que Jaap de Hoop Scheffer, le
secrétaire général de l’OTAN, avait proclamées au sommet de novembre Ã
Riga : « S’il doit y avoir un minimum d’ordre et de sécurité dans le
monde d’aujourd’hui, la communauté transatlantique doit accepter la
responsabilité d’agir là où l’action est requise»3.
Dans le contexte de la nouvelle vocation planétaire de l’OTAN
et de sa prétention à se substituer à terme aux Nations Unies, cette visite est
significative et confirme un processus de militarisation déjà entamé4 : le directeur de l’Institut japonais des
relations internationales, Makio Miyagawa, a confirmé le projet de
« partenariat renforcé » en déclarant que « Les deux parties se
rapprochent de plus en plus ». Et à titre d’application immédiate, il a
affirmé : « Ce que les pays de l’OTAN attendent du Japon, ce sont des
engagements supplémentaires tel l’envoi de troupes en Afghanistan »5.
Pour sa part, le chef du gouvernement japonais a proposé que le
Japon et l’OTAN tiennent des « réunions régulières » et annoncé que
« l’OTAN et le Japon allaient entamer des consultations, dans les jours Ã
venir, au sujet de leur coopération concrète ». Il a souligné également que
le Japon « n'hésiterait pas à envoyer la Force d'Autodéfense (l'armée
japonaise) à l'étranger, pour la paix et la stabilité internationales ».
Voilà comment Shinzo Abe, Javier Solana et José-Manuel Barroso
conçoivent la « promotion de la paix » dans le pays d’Hiroshima.
1 Il n'y a pas, Ã
proprement parler, de parti d'extrême droite au Japon ; nul besoin tant le PLD a
bien intégré ces forces. 2 Le rétablissement d'un
ministère de la Défense est accompagné d'un texte qui fait des opérations Ã
l'étranger une de ses missions prioritaires. Il semble que le prochain pas sera
le rétablissement du service militaire. 3 Tokyo
apporte déjà un soutien logistique à l’ISAF, la force internationale sous
commandement de l’OTAN en Afghanistan et participe à un programme de désarmement
des anciens talibans. Pour sa participation en Afghanistan et en Irak (où 600
militaires japonais ont été déployés jusqu’en juillet dernier), Tokyo a dû
aménager sa Constitution de 1947. 4 Bien
qu’officiellement pacifiste, le Japon a l’un des plus importants budgets
militaires au monde avec 32 milliards de dollars (cinquième au rang
mondial). 5 Le Monde, 15 décembre 2006
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