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Les Belges vers les zones de guerre afghanes...

Georges Spriet
21 juin 2008

Depuis la fin de la guerre froide, les États -Unis ont été impliqués dans une chaîne quasiment ininterrompue de guerres. On a eu d'abord l’Opération Desert Storm, la guerre du Golfe de 1991, puis l’Opération Restore Hope en Somalie. Ensuite, la guerre en Bosnie avec les bombardements OTAN en 1995. Pendant toute cette période et encore après, les sanctions contre l’Irak furent contrôlées par l'armée étatsunienne, et les chasseurs américains et britanniques imposaient des zones 'no fly' en Irak. En 1998 le Soudan et l'Afghanistan furent attaqués par des missiles américains comme représailles pour les attentats contre les ambassades US au Kenya et en Tanzanie. En 1999, les États-Unis et l'OTAN lançaient la guerre contre la Yougoslavie. La guerre contre l'Afghanistan a commencé en 2001 et celle contre l'Irak en 2003. Les deux dernières continuent à ce jour.

Par cette guerre sans fin les États Unis essaient de maintenir et sauvegarder leur position comme seule superpuissance dans le monde. La politique est devenue la continuation avec d'autres moyens de la guerre, pour la gloire et les bénéfices de l'industrie d'armement et pour le contrôle par les États -Unis des matières premières et les ressources énergétiques.

La guerre en Afghanistan est un bel exemple de l'ambition mondiale de l'Alliance atlantique, OTAN. L' Occident cherche à s'assurer un accès aux énormes ressources énergétiques de l' Asie Centrale. Des plans concrets de pipelines existent pour transporter le gaz de Turkménistan à travers l'Afghanistan vers les ports pakistanais d'où le marché mondial serait ravitaillé. Cette région est d'une importance géostratégique primordiale et est également sollicitée par d'autres acteurs mondiaux, telle la Shangai Cooperation Organisation.

Les soldats belges sont déjà depuis plusieurs années en Afghanistan pour sécuriser l'aéroport de Kaboul, mais aussi pour participer à certains PRTs (Provincial Reconstruction Teams) dans le cadre de la politique de coopération civilo-militaire (CIMIC, civil military cooperation). A partir du 1 septembre 2008 quatre avions F16 et 100 militaires belges seront déployés à Kandahar, en soutien des troupes hollandaises déjà sur place. Le ministre belge de la Défense, Pieter De Crem, a promis à son collègue US, Robert Gates, qu'ils fonctionneront sous les mêmes "règles opérationnelles" (rules of engagement) que leurs collègues hollandais. Si ceci est confirmé, les F16 pourront venir en aide aux troupes US ou britanniques de l' Opération Enduring Freedom (Liberté Immuable), avec des intrusions au Pakistan, au cas où celles-ci sollicitent leur assitance. Les soldats belges iront donc opérer directement dans les zones de guerres.

D'après le chercheur Kees Homan1 du "Clingendael Instituut" des Pays Bas, le programme de reconstruction des PRTs poursuit quatre objectifs.
Le premier est 'protection des forces', c'est à dire que la coopération civile avec le gouvernement afghan est avant tout fonction de la présence même de l'armée étrangère. Secundo, les PRTs veulent pouvoir stabiliser une région pour pouvoir atteindre le troisième but: l’acceptation des forces. Il s'agit ici de vouloir 'acheter' la population locale avec des projets de développements pour qu'elle accepte l'armée étrangère. Finalement, les PRTs traitent également d'activités de reconstruction à échelle limitée. Clingendael met ce point seulement en quatrième position et le qualifie lui-même d'échelle limitée. Ceci est largement confirmé dans les faits qui montrent que les fonds des gouvernements étrangers pour la guerre sont beaucoup plus élevés que ceux pour la reconstruction. Il est aussi vrai que la dépense de ces fonds est concentrée dans les zones dans lesquelles les militaires opèrent.

Cette coopération civilo-militaire est fortement contestée dans les cercles de développement2. Le plus grand problème se trouve dans la confusion créée par le fait qu'une seule instance est au même moment acteur de guerre et acteur d'aide. Les civils dans ces projets sont perçus par la population locale comme des ennemis. Le danger est réel que cette aide et tout contact social autour les projets, soient instrumentalisés pour des objectifs militaires.

Ensuite ces PRTs sont soutenus par IDEA - Integrated Development of Entrepreneurial Activities. Cela veut dire que cette reconstruction concerne aussi l'établissement d'un système économique de libre marché, lié à un régime politique qui se voit comme promoteur et defenseur de ce capitalisme de libre marché. Le modèle est neo-libéral avec une économie non - régulée, une démocratie libérale, la circulation libre des capitaux, la privatisation, l'absence de mesures protectrices. La 'bonne gestion' garantit le cadre pour que le marché libre puisse fonctionner au maximum avec un secteur privé international consolidé par l'élite nationale. Cette conception met la reconstruction ( 'nation building') au service du monde des affaires et du néolibéralisme.

Francine Mestrum (ULB) a déjà souvent expliqué comment la guerre et le développement ont une interaction malsaine. En appliquant son analyse à l'Afghanistan, on peut dire que la CIMIC est la négation du développement conçu comme un projet national d'émancipation collective grâce à une modernisation économique, un progrès social et une démocratisation. Cette coopération civilo-militaire en Afghanistan ne voit le développement qu'en fonction du sécuritaire et du militaire.

Les mouvements de paix doivent continuer à concentrer leurs protestations contre la guerre même, mais ne peuvent oublier le fond de recolonisation et néolibéralisme.
Du pain sur la planche pour sensibiliser nos concitoyens.

1. Maj.Gen.(ret) Kees Homan est l'ancien directeur du Collège de la Défense des Pays Bas. Au Clingendael Instituut ses recherches se concentrent sur des sujets de sécurité internationale et un large éventail d'études stratégiques et militaires. www.clingendael.nl/publications?id=6050
2 www.oxfam.org/en/policy/briefingnotes

Georges Spriet
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