Je reprends la rédaction de ce récit après avoir regardé sur France2 « le 13h15 : Vivre à Damas »[1] en me pinçant deux ou trois fois au cours de l’émission pour vérifier que je ne rêvais pas. France2 a bien envoyé des reporters faire un documentaire montrant des bribes de la vie à Damas telle qu’on la voit, en effet, quand on s’y rend[2]. Incroyable. Et (bonne) surprise, quand Zeina la jeune lycéenne et violoniste interviewée dans le reportage arrive chez elle : c’est Claudia T. qui lui ouvre la porte : nous l’avons rencontrée lundi 12 octobre (voir ci-dessous).
Je ne rêve pas. Comme disait l’autre, « ça n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Il fallait bien que nos médias pour tenter de nuancer l’énormité de leurs mensonges antérieurs commencent aussi à nous montrer le contraire de ce qu’ils nous ont ressassé depuis bientôt 5 ans. Zeina au journaliste qui lui demande si elle n’a pas peur en sachant que la guerre est si proche, à 10 Km : « mais non… l’Armée est ici, ils nous protègent ! ». Eh oui, l’Armée arabe syrienne sous le commandement du Président Bashar al-Assad protège la population ; on ne vous l’avait pas dit, on vous a même dit le contraire. Si vous l’avez cru, reprenez toute la logique de vos raisonnements en commençant par le postulat de base en vigueur ici : « Assad est un dictateur » ; tout le reste en découle. Ou bien France2 ment cette fois aussi, en allant interviewer des « propagandistes du régime » ?
  Dimanche matin 11 octobre, nous allons quitter le monastère et Qâra. Nous n’aurons pas eu le temps d’aller voir ce qui reste des fresques médiévales, ni Notre-Dame du Lait (dont nous a parlé le père de Brahim, historien de sa ville) à l’église des Saints Serge et Bacchus (du Père Georges[3]). Ce matin nous avons bavardé une dernière fois de la situation en Syrie avec le Père Daniel et les deux jeunes Frères (les parents de David, au téléphone depuis l’Ohio juste avant notre départ : « We love Poutine» !). Ils nous montrent quelques produits distribués à la population par l’UNFPA :
(Photo Dominique de France)
Pas les mêmes remontants que ce qu’on fournit à ceux d’en face. On n’aura pas eu le temps non plus de bavarder avec certaines religieuses ou novices, discrètes, souriantes, accueillantes dont Claire-Marie dans cette maison est l’autre mère, « qui sourit et pardonne » comme dit le cantique, et n’arrête pas de travailler.
   Avant de partir, photos de la communauté (avec Brahim et Abu Georges), Claire-Marie entonne la version de La Marseillaise qu’elle a écrite pour la situation syrienne actuelle.
(Photo Dominique de France)
 C’est à nouveau Georges qui va nous conduire jusqu’à la « pension de famille bon marché » recommandée par Claire-Marie : « un cousin de Brahim y travaille, vous serez bien et ça n’est pas cher ». En confiance, nous n’avons même pas réservé.
  Nous partons vers 14h, la route est assez dégagée, peu de barrages, toujours la même consigne : aux contrôles pas de photos, parler le moins possible, surtout français, pour ne pas compliquer les choses, passeports à portée de main. Nous n’aurons aucun problème pour franchir ces barrages, parfois assez lentement quand il y a du monde. Dans la voiture de Georges, un gros chapelet est suspendu au rétroviseur intérieur. On n’est pas dans le « Califat » ; quand même, ça me semble osé… Le pare-brise a quelques impacts : non, pas de balles. Mais on ne remplace pas aussi facilement que chez nous ; tant que ça tient.
On longe encore les montagnes, toujours pelées, en apercevant toutefois des plantations sur les collines, le reboisement est en cours. La route est quasiment droite, de temps en temps un peu de relief, ça monte et ça redescend, des bandes de béton rétrécissent la chaussée aux abords des barrages. Le trajet est rapide, sans encombre. Inconsciemment nous avons appliqué la consigne même en dehors des barrages, on ne parle quasiment pas ! Peut-être parce que nous voulons, chacune, profiter au maximum de ce que nous entrevoyons depuis la voiture. En approchant de Damas, sur le bord de la route des panneaux pour « rejoindre l’armée », jeune soldate au second  plan.
Panneau : « Rejoignez l’armée, l’armée c’est nous tous, hommes et femmes »
 Nous allons quitter la M5 et obliquer à droite pour contourner Douma ; détour d’environ 3/4 d’heure, par une sorte de bretelle qui rejoint rapidement une autre grande route revenant vers le Mont Qassioun. Là les barrages sont très rapprochés : et sur des remblais de part et d’autre de la route, « casemates en béton, sacs de sable, soldats postés avec des fusils mitrailleurs. C’est là que j’ai le plus ressenti l’atmosphère de guerre » m’écrit Dominique.
 L’ennemi est proche, installé à Douma, banlieue nord-ouest de Damas que l’aviation syrienne, contrairement à ce qui a été dit ici, ne bombarde pas aveuglément[4], sinon la situation serait réglée depuis longtemps. Mais il y a des civils, familles qui n’ont pas pu partir, ou associées aux terroristes ou otages. C’est de là notamment que les groupes armés bombardent certains quartiers de Damas à portée de leurs missiles et obus de mortiers. Tous les jours à certaines périodes sans qu’on n’en dise rien en Europe : pendant des mois, quasiment tous les jours quelques morts et dizaines de blessés. Armes lourdes amenées par des tunnels souterrains ; certains assez larges pour acheminer le matériel de guerre par camions. Construits bien avant la crise, à l’instigation de personnages haut placés dans l’exécutif pour conduire de tels chantiers discrètement et de façon efficiente, sans difficultés, pas à la pelle et à la pioche. En vue d’un coup d’état à leur profit. Bien sûr il y a eu des félons, au plus haut niveau, dans l'entourage y compris familial du président Hafez al-Assad[5]. Il y en a sans doute encore : pas facile de faire le ménage en temps de guerre.
 L’espace s’élargit et tout d’un coup -j’ai voyagé devant pour cette arrivée- « on est à Damas !». En 2011 je n’étais pas arrivée par cette route du Mont Qassioun : d’ici on domine une ville qui paraît immense. Il fait beau, le temps est très clair, doux, la vue splendide, on descend tranquillement : Georges -qui a été silencieux pendant tout le trajet- nous désigne surplombant la route un édifice officiel assez récent, où sont reçues les personnalités étrangères importantes. Il a dû percevoir notre émotion et il y participe : un geste et quelques mots, ça suffit pour qu’on sente sa fierté de nous montrer cette ville qui est arrivée à résister, à tenir debout.
  Surprenante et belle aussi, pour moi, cette présence du Qassioun dont je réalise que le panorama m’est devenu familier en quatre ans d’informations -vidéos, photos- recherchées presque quotidiennement sur la situation à Damas : comme si je revenais dans un lieu connu alors que je n’y suis restée que trois jours en novembre 2011.
(Photo Dominique de France)
En entrant dans les faubourgs modernes de la ville je reconnais quelques sites : pas endommagés, pas détruits. Des arbres et de la verdure, bien entretenus dans ces quartiers : rien n’indique une guerre, et surtout pas une guerre civile.
(Photo Dominique de France)
Le trafic est moins dense qu’il y a quatre ans. Mais peu à peu en pénétrant dans la ville, on est ralenti par les nombreux barrages sécuritaires qui, malgré la tranquillité apparente, rappellent la réalité : état de siège. Dans lequel les habitants vont et viennent, se prêtent aux contrôles militaires. Matériellement les barrages sont vraiment de bric et de broc, mais les contrôles sérieux. En apparence l’ambiance est banale chez les passants : évidemment, ça fait presque cinq ans qu’ils doivent vivre avec la guerre. Ou partir. Pas de tension palpable par des étrangers, en tous cas. Mais la circulation est moins affolée, moins de klaxons et de voitures qui se forcent le passage. Le danger a-t-il fait retomber les fausses urgences et rappelé quelques règles de la conduite (généralement sans ceinture : la loi avait été votée quelques mois avant le début de la crise, personne ne la fait appliquer depuis) ? L’état de nombreuses voitures -et taxis !- par contre, est pitoyable… Quelques files -jamais très longues- qui attendent aux stations service. Et les photos des soldats martyrs aux barrages où ils ont été tués.
Welcome Souria, toujours, quand les militaires examinent nos passeports aux contrôles. Et parfois quelques mots, après la surprise de voir des touristes Françaises. Le sérieux de la situation ne fait pas forcément perdre le sens de la courtoisie et de l’humour. On est bien à Damas ; et on y sera bien, à Damas.
 La pension de famille recommandée est dans Bab Touma, le coeur historique de la ville, où nous arrivons assez rapidement. Je reconnais la vieille Porte, debout, on prend la rue par laquelle j’étais arrivée il y a quatre ans, Georges tourne dans la ruelle à droite et s’arrête : devant l’hôtel où notre groupe avait été logé en novembre 2011 ?!
 En fait de « pension de famille bon marché » : Hôtel ***** (cinq). Elle est comme ça, notre Soeur Claire-Marie, elle fait confiance, la Providence… De toutes façons on décharge les bagages, Georges doit repartir au plus vite, il a toute la route à refaire en sens inverse avant la nuit. Inutile de vous rapporter ici et maintenant la série de questions, discussions entre nous puis négociations à la réception pour savoir ce qui nous attendait financièrement. Sans aucun doute, pour moi, le moment de plus grande inquiétude de tout notre séjour en Syrie ! Et petit aperçu fugace du lot quotidien de la majorité des Syriens au fur et à mesure que leur pays a été plongé dans la crise et attaqué par l’embargo occidental, arme de destruction massive illégale, et contraire aux plus élémentaires droits de l’homme.
 Bref : la guerre ayant changé beaucoup de choses, et en particulier évidemment la fréquentation de l’hôtellerie de luxe, donc ses prix, notre inquiétude retombe assez vite[6]. Pour le confort et la qualité du service, je savais que ce serait parfait.
 Dans le fond Claire-Marie avait raison. Nous allons rester, non seulement cette nuit mais, tous comptes faits rapidement le soir même, toute la semaine : chouchoutées par le personnel, dont certains -ceux qui servent le petit déjeuner le matin- me disent « vous êtes venue en 2011, non ? » : il faut dire qu’il y a eu peu d’étrangers ces quatre dernières années.
 On est chez nous.
(Photo Dominique de France)
Et nous aurons des chambres au rez-de-chaussée, donnant sur les patios avec le chuchotement agréable des petites fontaines, ça calme entre deux bombardements. Au demeurant assez espacés, n’exagérons rien : ça n’est pas ça qui nous a pas empêchées de dormir… Ni de sortir seules le soir pour aller manger dans les restaurants populaires (donnés, pour nous) du quartier ; où il faut parfois attendre qu’une table se libère. Les Damascènes viennent manger, fêter le premier anniversaire du petit bébé, regarder la télé, jouer aux cartes…
(Photo Dominique de France)
Dans les ruelles on sort son téléphone portable car l’éclairage public est réduit, éventuellement à rien du tout. Aucune inquiétude pour circuler, même en pleine nuit (on n’est pas en France), le quartier est tranquille et on ne risque même pas de glisser sur les trottoirs : il n’y a pas, ou plus, de chien dans les rues (qui sont propres, rien à voir avec certaines de nos villes).
Des chats, oui :
(Photo Dominique de France)
vrais chats de gouttière qui inspectent les poubelles utilisées par les cantonniers (combinaison orange type guantanamo) qu’on voit vaquer à leur travail tout le long de la journée. Les chats ne sont pas insensibles à nos appels en français mais gardent leurs distances. Sauf dans le patio d’une maison privée où nous sommes entrées, un jour, pour admirer l’architecture : où la minette de la maison s’est laissée caresser puis tout d’un coup a fait volte face et m’a mordue : félin félon !? Ou affranchi : « la main que tu ne peux pas mordre embrasse-la, et prie pour qu’elle s’en aille »[7].
 Voilà pour « brosser le background », comme disait Saramago. Dans les rues principales de Bab Touma il y a toujours les mêmes petits commerces, épiceries avec leurs cageots de fruits et légumes exposés sur le trottoir, et négoces où on trouve de tout. Par exemple des pantoufles 5 étoiles made in SAR, 3 euros, strass et cuir véritable :
Mais pas de t-shirt avec le portrait du Président Assad que je voulais ramener à mon petit-fils, je m’y suis prise trop tard, il aurait fallu aller dans un autre quartier[8] : le « culte de la personnalité » serait-il en perte de vitesse ?! Pas dans les vitrines du quartier,
ni dans les ruelles où les vieux s’installent pour la journée :
Si vous ne voulez pas aller au restaurant, les nombreuses dînettes proposent à toute heure petits pains, sandwichs, feuilletés, pizzas syriens etc. tout frais (et tout chauds) pour quelques dizaines de centimes d’euros. Le verre de jus de grenade fait sous vos yeux, quelques centimes d’euros. Et Welcome Souria à la place de « vous n’avez pas la monnaie ?! ».
 J’oubliais. Comme partout dans Damas, à chacune des portes historiques par lesquelles on entre dans le quartier de Bab Touma, il y a des postes de contrôles, méticuleux, pour les voitures et pour les piétons : d’un côté, des militaires, de l’autre -pour les femmes qui préfèreraient- femmes soldates ou des comités de défense populaire : on ouvre ses sacs en passant. Les filles sont jeunes, en treillis, tête nue, souvent maquillées ; un jour une des « contrôleuses » avait un tatouage –rien de patriotique- dans le cou, et joli noeud « panthère » dans les cheveux : rigolote et énergique ! Et accueillante, j’aurais bien fait la photo.
 Le dimanche soir nous retrouvons Thierry Meyssan et «Serge M.» comme ils disent dans L’Express : plaisir des retrouvailles mais pas le temps de s’attarder, nous avons rendez-vous avec un des principaux conseillers du Président (son épouse est venue avec lui) dans un restaurant en ville, où les gens de la tablée voisine les salueront familièrement. Pour venir nous avons pris un taxi à la Porte de Bab Touma, stationnement à peu près rangé en file ; prudemment  renseignées sur le tarif à la réception de l’hôtel, Rafqa demande le prix de la course en montant dans la voiture : « ce que vous voulez »... Nous continuons à nous appliquer notre consigne : pas de conversation en français dans la voiture. Pour rentrer vers 1 heure du matin, avec la bonne humeur de la soirée, nous ferons ce qu’on nous avait recommandé de ne pas faire, héler un taxi qui passe : retour tranquille et en donnant la même somme sans rien demander cette fois, 400 LS (1,50 euros environ). Dernières centaines de mètres à pied dans les ruelles, sous les étoiles qu’on voit mieux sans éclairage urbain.
  Avant de venir j’avais demandé à Thierry s’il pouvait nous aider à rencontrer des gens travaillant dans le domaine de la santé ou de la santé mentale. Nous devions parler des rencontres dans la semaine, mais plusieurs choses sont incertaines à cause de… tout un tas de raisons. Elles n’auront finalement pas lieu, pas cette fois du moins. Mais l’épouse du conseiller avec qui nous avons bavardé amicalement - est-ce la situation de crise qui peut faire rapidement tomber les barrières mondaines, ou les qualités des gens rencontrés- me dit en nous quittant « il y a beaucoup de travail, avec les familles des martyrs, avec les enfants mutilés, traumatisés, on est démuni ». De nombreux professionnels (pas seulement industriels et artisans d’art : des praticiens, thérapeutes, médecins, universitaires) ont fui la crise, pas à pied par les Balkans. Nous parlerons plus loin de l’obtention des visas.
  Le lendemain matin nous avons rendez-vous dans un centre pour « enfants handicapés » : deux sections, autistes et malentendants[9]. Nous sommes reçues par Claudia Touma (qu’on aperçoit dans « Vivre à Damas ») qui dirige le centre. Présentation mutuelle de nos expériences, puis exposé précis de leurs méthodes et praxis, populations accueillies, moyens techniques et références théoriques. La discussion est très intéressante, ouverte et approfondie, avec les points communs et les différences d’approches théoriques et pratiques. On fait ensuite une visite des deux sections. Je suis surprise immédiatement par la présence des familles qu’on croise dans les lieux de « récréation » de l’institution : pas n’importe où mais pas tenues à l’écart des praticiens et des enfants. On en reparle ensuite, à la fin de notre visite : la famille a une place centrale dans la société syrienne. On revient sur le temps accordé pour la réflexion quotidienne après les séances tenues : prise de notes requise à chaque praticien tous les soirs. Sur la fréquence des réunions pluridisciplinaires et bilans pour évaluer le travail mis en oeuvre : rien à voir avec ce que j’ai connu en France, centres (dits) pilotes ou pas. Le centre est en lien direct avec l’université et d’autres lieux de formation, y compris -maintenant- à l’étranger, par skype : la recherche et la formation sont présentes dans la praxis quotidienne. Et si je vous dis que la directrice connaît -vraiment- chaque enfant qu’elle croise, et que tous ces enfants que nous avons croisés, dans les deux sections, sont venus spontanément vers elle avec entrain, je complète notre impression. Elle remplace régulièrement des gens absents : pas pour garder les gosses, pour travailler avec eux. Cette institution donne l’impression d’être en travail, allant devenant, comme disait Dolto.
 Dans le bureau où nous revenons boire du thé, je vois la photo de l’inauguration du centre en 2006 par la femme du Président, Asma al-Assad. Sans aucun doute toutes les institutions syriennes (s’il y en a d’autres) n’ont-elles pas les mêmes moyens financiers et humains ; mais on peut avoir ces moyens-là et pas la dynamique d’ouverture et de recherche qui semble être à l’oeuvre ici.
 De fil en aiguille Claudia T. nous dit qu’elle dirige la chorale d’enfants du Père Elias Zahlaoui, à Notre-Dame de Damas.
m-a : Vous connaissez le Père Zahlaoui ?! - oui, vous voulez le voir ? téléphone au Père Elias, rendez-vous demain après-midi. Thierry qui est venu visiter le centre avec nous viendra aussi, il ne l’a jamais rencontré.
 La chorale : 10 concerts prévus en France en mars 2016, enfants de 8 à 15 ans, toutes obédiences chrétiennes, répertoire pas seulement syrien (dont chants traditionnels). On parle musique ; et musique en Syrie. « A cause de la crise, des musiciens sont partis : un chef d’orchestre [qu’on voit dans « Vivre à Damas »] a décidé d’embaucher des jeunes pour les remplacer, il est allé au Conservatoire, a écouté, et a choisi des musiciennes. Que des filles, c’est un orchestre de femmes ! ». Je découvrirai en regardant le documentaire de France2 qu’une fille de Claudia, Zeina, fait elle-même partie des musiciennes (violoniste) qui jouent maintenant dans cet orchestre. Toute cette famille est musicienne. J’avais apporté en Syrie le petit harmonica avec lequel j’ai travaillé pendant des années -en particulier- avec les sujets autistes ; on est sur un terrain commun.
 A propos de cet orchestre et de la chorale Claudia nous dit : « c'est pour la continuité de la culture et ça soutient la résistance ». Tout ça rapidement, de parenthèse en parenthèse, on aurait envie de suivre tous ces fils qui se présentent mais on a conscience de la charge de travail de nos hôtes : à leur poste, et dans leurs activités annexes, et leur famille. Le tout, depuis presque cinq ans, en essayant de passer entre les explosions.
 Ceux que nous rencontrons en Syrie sont vraiment en vie, c’est-à -dire conscients, lucides. Quand la mort et le malheur surgissent beaucoup plus fréquemment et moins raisonnablement qu’on ne s’y attend, on finit par être obligé d’aller chercher ce qu’est l’intérêt de la vie et où on le trouve, avec et malgré l’adversité[10]. Epicure, enseigne dans « Vivre à Damas » le professeur de philosophie français retraité, revenu au lycée Charles de Gaulle. Oui, L’art d’être heureux par gros temps[11].
 Avec les espoirs : « les espoirs qui ont un destin à accomplir, qui est de naître les uns des autres, cela explique que malgré tant de déceptions ils n’aient pas encore disparu du monde »[12].
marie-ange patrizio,
Marseille, 18 décembre 2015
Merci encore à Dominique de France et Rafqa F., pour la mémoire des faits, et à Dora et Souha (réseau des amies syriennes) pour les précisions et traductions de dernière minute : Internet fonctionne bien avec la Syrie.
Photos libres de diffusion avec le texte et mention des auteurs (D. de France ou M-A Patrizio).
Post scriptum au 5ème épisode, pour corrections de quelques données erronées.
Reçu de Dora, Damas : « l’école primaire française à Mazzé n’a pas fermé, ma cousine y travaille ; elle est dirigée par un Syrien, et ce sont d’anciennes élèves qui enseignent maintenant ».
Et le lycée Charles de Gaulle avait non pas 2000 mais un millier d’élèves environ avant la crise et maintenant à peu près 300 ; il est dirigé par un ancien proviseur, Monsieur Leprêtre, retraité revenu travailler à Damas après que le ministère français des Affaires étrangères a fermé ou lâché ses institutions sur place. Proviseur-adjointe syrienne. Voir : http://lcdgdamas.org .
Nous regrettons de ne pas être allées rendre visite à ceux qui continuent à faire fonctionner le lycée : élèves, enseignants, administration et parents d’élèves.