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L’ICTY et la décimation de la Yougoslavie – Une histoire de famille

Ian Johnson
2 septembre 2004
source : CDSM-UK

Traduction Jean-Marie Flémal

« Messieurs, vous ne pouvez imaginer quel privilège c’est, même dans les conditions que vous m’avez imposées, d’avoir la vérité et la justice de mon côté. »
SLOBODAN Milosevic, 1er septembre 2004.

C’est une histoire de famille, et il s’agit d’une grosse famille. Elle comprend les puissances de l’Otan qui ont bombardé la Yougoslavie et le tribunal de La Haye qui traîne en justice les victimes mêmes de ces bombardements.

Les gouvernements occidentaux, non contents d’effacer l’Etat souverain de la Yougoslavie de la carte du monde, ont même instauré, financé et doté de personnel un tribunal illégal chargé de régler définitivement la question. Le procureur en chef du tribunal international pour l’ancienne Yougoslavie (ICTY) est originaire de l’Amérique du Nord, comme l’était également son prédécesseur. La prétendue « mère » du tribunal est américaine, le principal juge dans le procès intenté contre Slobodan Milosevic est britannique, à l’instar de son prédécesseur. L’accusateur dans cette même affaire est britannique également, les 1.300 personnes attachées au tribunal sont en grande majorité des Britanniques et des Américains et ce sont les gouvernements de l’Otan et leurs services de renseignements qui sont chargés de rassembler les « preuves » et de dénicher des « témoins » afin de satisfaire le tribunal.

Etant donné les faits énoncés ci-dessus, de même que le fait que les puissances se trouvant derrière la création de ce tribunal ont un intérêt direct dans le résultat de la procédure, quelle personne saine d’esprit pourrait vraiment affirmer que ces accusés auront un procès équitable ?

En décembre 2001, The Guardian demandait à un juriste britannique si le tribunal de La Haye assurait un système de justice qui condamnait correctement les coupables et acquittait de même les innocents.

Le juriste répondit : « (…) Si on revenait en arrière et qu’on y regardait de plus près, le jugement de tout observateur impartial serait qu’il s’agit d’un forum assurant un procès équitable. »

Ce juriste britannique s’appelait Stephen Kay.

Monsieur Stephen Kay, qui exerce ses talents au tribunal de Grays Inn, à Londres, vient tout juste d’être désigné comme conseiller de la défense de Slobodan Milosevic, à l’encontre des souhaits particuliers de l’ancien président yougoslave.

Monsieur Kay est devenu tellement apprécié par le tribunal de La Haye qu’il avait également été désigné comme conseiller de la défense dans le premier procès à spectacle contre Dusko Tadic, en 1996. Après que Monsieur Kay eut assuré la défense de Monsieur Tadic, le tribunal avait infligé à ce dernier une sentence d’emprisonnement de 20 ans.

Monsieur Kay également été actif au tribunal d’Arusha, le tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR), jumeau du tribunal de La Haye.

Au tribunal d’Arusha, il travailla pour Alfred Musema, le premier civil à avoir été accusé de génocide. Après que Monsieur Kay se fut chargé de la défense de Monsieur Musema, la cour infligea à ce dernier une sentence d’emprisonnement à vie.

Le résultat final, par conséquent, a été que les deux clients de Monsieur Kay ont été condamnés pour les principaux chefs d’accusation relevés contre eux.

Monsieur Kay n’est pas un étranger, pour Monsieur Milosevic, puisqu’il fait partie des amici curiae (les amis de la curie) désignés par le tribunal dans la partie des poursuites du procès. Dans une telle situation, Monsieur Kay a été parfaitement mis au courant de l’insistance de Monsieur Milosevic quant à ses droits légaux à assurer lui-même sa propre défense. En dépit de cette connaissance, il appert que Monsieur Kay n’a, à aucun moment, hésité à tremper dans cette récriture des lois internationales.

La chose est expliquée dans la lettre (intitulée « Le fait d’imposer un conseiller à Slobodan Milosevic menace l’avenir des lois internationales et la vie même de l’accusé ») qui a été adressée aux Nations unies et a, depuis lors, été signée par plus de cent avocats et juristes. Voici ce que dit cette lettre :

« Le droit de se défense soi-même contre des accusations criminelles revêt une place importante à la fois dans la législation internationale et dans la structure même du système à deux parties adverses. Les droits fondamentaux minimaux accordés à un accusé, conformément aux statuts de Rome du Tribunal international pénal, ainsi qu’aux statuts des tribunaux internationaux pénaux pour le Rwanda et la Yougoslavie, comprennent le droit d’assurer soi-même sa propre défense. »

La lettre contient également cette mise en garde :

« Dans la longue histoire de la juridiction britannique, il n’y eut jamais qu’un seul tribunal à avoir adopté la pratique consistant à imposer contre son gré un conseiller à un accusé lors d’une procédure criminelle. Ce tribunal n’était autre que la Chambre étoilée. Cette institution bizarre, qui fut très florissante à la fin du 16e siècle et au début du 17e, présentait un caractère mixte : exécutif et judiciaire et, de façon caractéristique, elle s’éloignait de la tradition du droit commun. Pour ces raisons et du fait qu’elle s’était spécialisée dans le jugement de délits « politiques », la Chambre étoilée a symbolisé durant des siècles le mépris des droits individuels fondamentaux. »

Correctement, la lettre dégage la conclusion suivante :

« (…) puisque l’accusé est amené à présenter des preuves essentielles et potentiellement embarrassantes, la hâte d’en finir est manifestement devenue la préoccupation première du tribunal. »

Avant que Stephen Kay n’accepte la charge de conseiller de la défense, un autre ancien amicus curiae du procès de La Haye, Branislav Tapuskovic, s’est vu demander s’il ne désirait pas assumer la charge de conseiller de la défense.

Il répondit : « J’ai respecté la c lause de l’article 21, point 4/d des statuts de l’ICTY, selon laquelle tout accusé se voit garantir le droit d’être jugé en sa propre présence et d’assurer lui-même sa propre défense. » (dans le quotidien allemand Junge Welt, 30 août 2004.)

Le journal posait une question supplémentaire : « Des voix critiques disent que le fait d’imposer un conseiller à Monsieur Milosevic constitue une tentative d’empêcher de dernier de présenter ses faits et ses témoins. Commentaire, s’il vous plaît ? »

Monsieur Tapuskovic de répondre : « Le procès ne peut être valable si Slobodan Milosevic ne présente pas ses preuves. » (ibidem.)

Une réponse de principe et des principes qui, de toute évidence, ne sont pas partagés par certains de ses collègues.

Dans son nouveau rôle, Stephen Kay bénéficiera de l’assistance d’un autre avocat, Gilian Higgins.

Bien que son nom soit connu depuis quelques années, son non complet est en fait Gilian Kay Higgins. Elle est la fille de Stephen Kay. Il s’agit donc bien d’une affaire de famille, effectivement.

Le fait d’imposer un conseiller à la défense viole non seulement les droits légaux de Monsieur Milosevic, mais il vise également à saboter la cause même de la défense.

Dans sa déclaration d’ouverture, au début de sa défense, Slobodan Milosevic a dénoncé par le menu les violations répétées de la souveraineté yougoslave au cours de la décennie écoulée, violations qui, en fin de compte, ont débouché sur la guerre illégale de l’Otan. Slobodan Milosevic a désagréablement surpris la cour par l’étendue de ses connaissances et son souci du détail, lesquels ont démontré avec vigueur les actions illégales des puissances occidentales. Manifestement, il fallait le réduire au silence.

Ian Johnson,
Coordinateur du CDSM-UK,
2 septembre 2004.

Ian Johnson

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