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Tribunal international ou «Chambre étoilée»?

British Helsinki Human Rights Group
13 septembre 2004

Site web du BHHRG : http://www.bhhrg.org/.

Traduit par J-M. Flémal

Le 10 septembre 2004, le tribunal pénal international pour l'ancienne Yougoslavie a imposé un conseiller à la défense à son accusé le plus célèbre, Slobodan Milosevic. Cette décision annulait les précédentes réglementations : l'accusation avait tenté, au début du procès, d'imposer un avocat à Milosevic et les juges avaient examiné le problème à plusieurs reprises au cours des diverses séances.

Le 3 juillet 2001, premier jour du procès, le juge président, feu Sir Richard May, déclarait : « Monsieur Milosevic, je m'aperçois que vous n'êtes pas représenté par un conseiller, aujourd'hui. Nous comprenons qu'il s'agit de votre choix personnel. Vous avez le droit, naturellement, d'assurer vous-même votre défense. » (1)

Le 30 août, le juge May déclarait à nouveau : « L'accusé est habilité à se représenter lui-même. » (2) Le juge annonça que des amici curiae seraient désignés afin de garantir un procès équitable. May insista sur le fait que le rôle des amici curiae ne consistait nullement à représenter l'accusé.

En dépit de ces affimrations claires, l'accusation insista à nouveau pour qu'un conseil soit imposé à l'accusé. Bien que le juge May ait déjà statué sur la question, le juge Patrick Robinson intervint et fit la déclaration suivante :

« Monsieur Ryneveld, j'en entendu la requête que vous avez soumise. Toutefois, je ne considère pas qu'il soit approprié d'imposer un conseil à l'accusé. Nous devons agir en concordance avec les Statuts et avec nos réglementations, lesquels, en toute occasion, reflètent la position conforme à la législation internationale habituellement reconnue, qui est que l'accusé a droit à un conseil, mais qu'il a également le droit de ne pas en avoir. Il a le droit de se défendre lui-même et il est on ne peut plus clair qu'il a choisi d'assurer lui-même sa défense. Il l'a déclaré on ne peu plus clairement. La stratégie que le tribunal a utilisée, consistant à désigner un amicus curiae, tiendra compte des problèmes que vous avez soulignés, mais j'insiste sur le fait que le tribunal aurait tort d'imposer un conseil à l'accusé, parce que cela constituerait une infraction à la position conforme à la législation internaitonale généralement reconnue. » (3)

(Depuis, le juge Robinson est devenu juge président, après le décès du juge May.)

Après que Robinson eut fait son intervention, May revint sur la question une troisième fois, en disant : « Permettez-moi d'ajouter ceci, Monsieur Ryneveld : Oui, c'est le point de vue de le Tribunal de 1ère instance, qu'il ne serait pas pratique d'imposer un conseil à un accusé qui souhaite se défendre lui-même. » (4)

Comme si cela ne suffisait pas encore, le juge May revint sur le sujet une nouvelle fois, le 11 décembre. « Monsieur Milosevic », dit-il, « il y a une question que nous aimerions soulever avec vous. C'est celle-ci : Vous n'avez pas désigné de conseil pour vous défendre. Comme vous le savez, c'est votre droit de vous défendre vous-même si vous le souhaitez, bien que vous puissiez souhaiter reconsidérer la question à la lumière de la complexité et du sérieux de ces accusations. Mais c'est une question qui vous regarde. » (5)

La raison pour laquelle les juges ont gardé cette position réside naturellement dans le fait que le droit de la personne accusé d'assurer elle-même sa défense est, bien sûr, repris dans les statuts du Tribunal pénal international. L'article 21.4d stipule : « L'accusé sera habilité à assurer lui-même sa propre défense. » Aucune qualification ni exception ne sont ajoutées ici. Bien que le même article stipule également que l'accusé est habilité « à se voir désigner une assistance juridique dans tous les cas où lers intérêts de la justice le requerraient et sans paiement de sa part au cas où il ne disposerait pas de moyens suffisants pour ce faire », il est bien établi que cet article ne signifie pas que la Cour a le droit d'imposer un conseil, mais qu'en lieu et place, l'accusé a le droit d'avoir un avocat s'il en exprime le besoin. Cette interprétation est elle-même utilisée par les propres « directives » de l'TPIY « à propos de la désignation d'un conseil de défense », directives datées du 28 juillet 2004, lesquelles réaffirment le droit de l'accusé à se défendre lui-même (article 5). Cette directive stipule clairement que la désignation d'un conseil est un droit dont bénéficie l'accusé et non un droit de la Cour d'en désigner un si l'accusé souhaite assurer lui-même sa défense.

Le droit de se défendre soi-même est également repris dans d'autres documents. Reprenant les termes mêmes qui ont été intégrés depuis dans les statuts mêmes de l'TPIY, l'article 6.3c de la Convention européenne des droits de l'homme stipule : « Toute personne accusée d'un délit criminel dispose des droits minimaux suivants : (…) assurer soi-même sa propre défense. » Quant aux statuts de l'TPIY, aucune dérogation ou exception à ces statuts n'est prévue. Il est possible que l'TPIY, dut fait qu'il est un corps des Nations unies, ne pense pas qu'il est lié par la Convention européenne, même s'il a une force juridique directe dans de nombreux Etats européens. Mais même les documents propres aux Nations unies garantissent également ce droit. L'article 14.3d de la Charte internationale des droits civils et politiques utilise également le même langage : « Dans la détermination de toute accusation criminelle contre elle, toute personne sera habilitée à bénéficier des garanties minimales suivantes, en toute égalité (…) d'assurer elle-même sa propre défense. » Aucune exception ni aucune dérogation ne sont indiquées : en effet, le droit d'assurer soi-même sa propre défense est une « garantie minimale ». Il s'agit d'un droit fondamental.

Malgré cela, le 8 novembre 2002, l'accusation a de nouveau demandé que soit imposé un conseil de défense. Elle a argué du fait que l'accusé devrait bénéficier d'un conseil pour des raisons de santé. Une fois de plus, le Tribunal de 1ère instance a rejeté cette demande, au cours d'une annonce faite oralement le 18 décembre 2002. Le 4 avril 2003, le Tribunal de 1ère instance a sorti un long document exposant ses raisons dans le refus d'imposer un conseil.(6) Elle passait en revue les statuts mêmes de l'TPIY et concluait rapidement : « Une simple lecture de cette disposition (l'article 21.4d) indique qu'il existe bien un droit d'assurer soi-même sa propre défense et que le Tribunal de 1ère instance n'est pas habilitée, dans les circonstances présentes, à accepter la proposition de l'accusation de permettre la désignation d'un conseil de défense pour l'accusé contre le gré de ce dernier. »

le Tribunal de 1ère instance s'est alors lancée dans une longue discussion autour de la loi en question, citant des cas rencontrés dans le monde entier. Elle s'appuyait sur l'argument disant que le fait d'imposer un conseil était une caractéristique appartement seulement aux tribunaux d'inquisition et non aux systèmes à parties adverses en vigueur au sein de l'TPIY. Pour étayer son point de vue selon lequel le fait d'imposer un conseil était inacceptable, le Tribunal de 1ère instance cita l'affaire de la Cour suprême des Etats-Unis, Feretta contre l'Etat de Californie, 422 US 806 (1975), qui stipulait : « Nous sommes confrontés ici à une conviction presque universelle, de la part de notre peuple aussi bien que de nos tribunaux, qu'imposer un avocat à un accusé contre son gré est contraire à son droit fondamental à assurer lui-même sa propre défense s'il le souhaite. » La Cour suprême prétendit que le fait d'imposer un conseiller violerait l'esprit du 6 e amendement. le Tribunal de 1ère instance de l'TPIY y alla du commentaire suivant :

« Elle [c'est-à-dire la Cour suprême] a fait remarquer que seule la Chambre étoilée, au 16 e siècle, dans la longue histoire juridique de l'Angleterre, avait adopté la pratique d'imposer un conseiller à un accusé contre son gré, dans des procédures criminelles, et elle a rappelé le commentaire de Stephen à propos de cette procédure : ‘Il y a quelque chose de particulièrement répugnant, aux yeux de la justice, à recourir à des règles de pratique, de façon à interdire à un prisonnier de se défendre lui-même, particulièrement quand le but avoué de ces règles, telles qu'elles sont utilisées, est de lui fournir sa propre défense.' »

Le Chambre du procès de l'TPIY poursuivit : « Il y a une raison pratique supplémentaire au droit de se représenter soi-même, dans la loi de droit commun. Alors qu'il se pourrait que dans des systèmes juridiques civils, il soit approprié de désigner un conseil de défense pour un accusé qui souhaite se représenter lui-même, dans de tels systèmes, la Cour remplit un rôle davantage investigateur dans ses tentatives d'établir la vérité. Dans les systèmes à parties adverses, il est de la responsabilité des parties d'exposer le cas, et non de la responsabilité de la Cour, dont la fonction est de juger. Par conséquent, dans un système à parties adverses, le fait d'imposer un conseil de défense à un accusé qui n'en veut pas priverait effectivement cet accusé de la possibilité de faire valoir son propre système de défense. » Elle concluait également : « L'obligation de présenter une cause, c'est-à-dire de faire valoir la version des faits de la défense, si celle-ci diffère de celle exposée par un témoin, se reflète dans la règle 90 (H) des réglementations. Comme le font remarquer les amici curiae, une telle obligation ne peut être remplie par un conseil qui ne reçoit pas ses directives d'un accusé quant à la défense à faire valoir. »

le Tribunal de 1ère instance passait ensuite en revue certains des autres documents internationaux qui défendent le droit d'un accusé à assurer lui-même sa propre défense, y compris la Charte internationale des droits de l'Homme (susmentionnée) et les statuts du nouveau tribunal pénal international (art. 67.1d). Dans ces statuts, le droit à assurer soi-même sa propre défense n'est limité que lorsque l'accusé se comporte de façon obstructive à l'audience même. (Le tribuanl pour le Rwanda, en effet, a imposé un conseil à un accusé pour cette même raison). le Tribunal de 1ère instance a débattu de l'imposition d'un conseiller dans une affaire en Allemagne, une affaire qui fut soumise ensuite à la Cour européenne des Droits de l'Homme (7) mais, à juste titre, elle estima que cette affaire n'était nullement pertinente dans l'affaire Milosevic, parce que l'accusé n'assurait pas lui-même sa défense. En discutant d'autres affaires encore, le Tribunal de 1ère instance conclut que le seul cas pertinent ne permettait pas des exceptions au droit général d'assurer soi-même sa proppre défense (paragraphe 36). « Les conventions internationales et régionales (ici, nous paraphrasons quelque peu) expriment simplement un droit à assurer soi-même sa propre défense. Selon le point de vue de le Tribunal de 1ère instance, il est approprié de se référer à l'ICCPR et à son interprétation par la Commission des droits de l'Homme, laquelle confirme le droit à assurer soi-même sa défense et rejette l'imposition d'un conseil de défense à un accusé qui n'en veut pas. » (paragraphe 37)

Ensuite, le Tribunal de 1ère instance passa aux détails pratiques et conclut que le fait d'imposer un conseil ne pourrait tout simplement pas fonctionner, puisque l'accusé refuserait d'instruire son conseil (paragraphe 38). En terminant sa discussion, elle déclare que l'imposition d'un conseil peut se faire uniquement lorsque l'accusé se conduit d'une façon obstructive au point qu'il faille le sortir de la salle d'audience (paragraphe 40) et elle conclut (paragraphe 41) que, bien que le Tribunal de 1ère instance ait de devoir de veiller à ce que le procès se déroule dans les délais les plus brefs, elle ne peut agir de la sorte qu'en respectant les droits de l'accusé tels qu'ils sont stipulés dans l'article 21 de ses propres statuts, c'est-à-dire en respectant le droit d'un accusé à assurer lui-même sa propre défense.

Tous les points principaux de ce raisonnement ont été sommairement écartés quand la défense de Milosevic a débuté. Le 10 septembre 2004, le Tribunal de 1ère instance décida que le conseil serait imposé. (8) Les raisons avancées pour justifier cette étonnante volte-face sont tout simplement hypocrites. Faisant référence à la réglementation du 4 avril 2003, le juge Robinson déclara : « Tout en maintenant que l'accusé a le droit d'assurer lui-même sa propre défense, le Tribunal de 1ère instance prétendait également dans le paragraphe 40 que le droit d'assurer soi-même sa propre défense n'est pas absolu. » C'est hypocrite, parce que le Tribunal de 1ère instance a exposé explicitement les circonstances dans lesquelles ce droit peut être restreint (comportement obstructif débouchant sur l'expulsion de la salle d'audience). Même si la santé de Milosevic avait constitué un problème dès le début du procès, au début de 2002, le Tribunal de 1ère instance n'a fait aucune mention de ce fait comme étant une raison possible pour imposer un conseil, le 4 avril 2003.

En septembre 2004, le Tribunal de 1ère instance adoptait brusquement l'argument de l'accusation selon lequel Milosevic n'avait pas pris ses médicaments comme on les lui avait prescrits, mais elle semblait ne pas se soucier du fait que c'est manifestement un droit de l'homme que de prendre des médicaments si on le juge utile – à moins que l'accusé soit mentalement incompétent, soit de subir un procès, soit de gérer sa prise de médicaments. Fait important, le Tribunal de 1ère instance n'a proposé aucun argument juridique, c'est-à-dire en citant des précédents ou des lois – d'utiliser la santé de l'accusé comme une raison de lui imposer un conseil. Elle a simplement annulé toutes ses décisions antérieures qui s'étaient appuyées sur des lois et des précédents, elle déclara que les lois internationales et domestiques fournissaient des précédents permettant d'imposer un conseil, sans toutefois en citer un seul, et elle dit que c'était « dans les intérêts de la justice » d'imposer un conseil. Aucune définition n'a été donnée de ces intérêts. Et le Tribunal de 1ère instance de conclure : « Le devoir fondamental de le Tribunal de 1ère instance est de faire en sorte que le procès soit loyal et rapide », mais, en fait, l'imposition d'un conseil reposait uniquement sur la nécessité d'aller vite en besogne, au détriment de toute équité dans le procès.

Il faudrait aussi rappeler que la magistrature, dans le procès Milosevic, a permis à l'accusation de discourir interminablement, des mois durant, avec des témoignages d'« experts » totalement inappropriés, gaspillant ainsi d'innombrables sessions, allant loin au-delà du temps imparti pendant que les accusateurs tentaient d'introduire quelqu'un – n'importe qui, en fait – de Serbie, afin de plaider l'incrimination directe de Milosevic – tout cela, sans le moindre succès.

Même en fonction des statuts dégoûtants de l'TPIY, le caractère unilatéral de cette décision d'imposer un conseil de défense (après avoir réduit le temps disponible au plaidoyer de l'accusé à environ la moitié du temps accordé à l'accusation) est une chose choquante. En allant à l' encontre de toutes les précédentes stipulations en la matière, la décision du tribunal est un pur exemple de pouvoir arbitraire. En tant que tel, l'TPIY a prouvé qu'il méprisait le pouvoir de la loi. Il suggère qu'obtenir un verdict est la préoccupation primordiale du tribunal et, étant donné que c'est l'accusation qui a réclamé qu'on impose un conseil à Monsieur Milosevic, il est difficile d'éviter la conclusion que la culpabilité à tout prix est devenue le principe directeur de ce tribunal.

[1] http://www.un.org/icty/transe54/010703IA.htm , page 1
[2] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 7
[3] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 17
[4] http://www.un.org/icty/transe54/010830SC.htm , page 18
[5] http://www.un.org/icty/transe54/011211MH.htm , page 149
[6] http://www.un.org/icty/milosevic/trialc/decision-e/040403.htm paragraph 8
[7] Croissant contre l'Allemagne, Cour européenne des Droits de l'Homme ("CEDH"), Affaire n° 62/1001/314/385, Jugement, 25 septembre ("Croissant contre l'Allemagne").
[8] http://www.un.org/icty/milosevic/trialc/order-e/040910.htm

British Helsinki Human Rights Group

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