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L’expansion de l’Otan avant et apres l’effondrement de l’URSS

Pierre Piérart
29 décembre 2007

1.- L’expansion de l’OTAN avant l’effondrement de l’URSS.

L’organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a été créée le 4 avril 1949. Les préliminaires des cette organisation ont été complexes.

L’idée d’une alliance défensive fut lancée par Winston Churchill dans sont discours alarmiste de Fulton en mars 1946 ; elle fut reprise quelques jours plus tard par Harry S. Truman et en septembre 1947 par le secrétaire d’Etat canadien aux Affaires étrangères. Des pourparlers ultra-secrets eurent lieu en mars 1948 au Pentagone entre les Etats-Unis, la Grande Bretagne et le Canada en vue de créer les statuts de l’Alliance. Au cours de l’été 1948 la France et le Benelux rejoignirent les trois leaders.

Il est intéressant de signaler qu’en novembre 1941 différents ministres réfugiés à Londres firent la promotion d’une alliance atlantique. Il s’agit, entre autres, des ministres norvégien et néerlandais des Affaires étrangères (T. Lie et E.N. Van Kleffens) auxquels s’associa le ministre belge C. Gutt.

Cette idée sera reprise le 22 octobre 1942 par le Conseil des ministres de Belgique présidé par H. Pierlot. Rappelons également le Traité franco-britannique de Dunkerque de mars 1947 ainsi que le Traité de Bruxelles signé le 17 mars 1948 par la Belgique, la France, le Luxembourg et le Royaume Uni qui stipulait, entre autres, qu’en cas d’agression armée d’un de ces Pays les autres signataires du Traité lui porteraient aide et assistance.

Pendant la guerre froide l’histoire de l’OTAN fut marquée par plusieurs évènements importants qu’il est bon de rappeler. Le 10 mai 1966 le gouvernement français fait part aux 14 membres de l’Alliance de sa décision de se retirer de l’organisation militaire de l’OTAN. Cette décision entraîna le transfert hors de France des quartiers généraux qui s’établirent en Belgique, à Casteau, près de Mons. Cette décision française se caractérisait par le retrait de l’Organisation sans pour cela rompre avec le Traité de l’Alliance ; elle était justifiée par la volonté du général de Gaulle de se détacher des Etats-Unis tout en essayant d’être le troisième « grand » suite à la mise sur pieds d’une force nucléaire nationale.

D’autres crises ont marqué l’histoire de l’OTAN, notamment le 21 septembre 1964 avec l’accession à l’indépendance de l’Ile de Malte, où se trouvaient des forces et des installations de l’OTAN. En effet, en juin 1971 des élections parlementaires dans cette île amenèrent au pouvoir un gouvernement qui demanda le départ du quartier général de l’OTAN (Narsouth fut transféré à Naples). Ce coup porté à la défense du flanc sud de l’OTAN sera neutralisé par l’adhésion de l’Espagne en 1981-82.

Toujours en Méditerranée après l’invasion , en juillet 1973, des troupes turques à Chypres, la Grèce se retire de l’Organisation estimant n’avoir pas été soutenue par les membres de l’OTAN et en 1962, suite à l’accession de l’Algérie à l’indépendance, l’Alliance ne bénéficiera plus de cette zone stratégique.

En 1976-1980 l’OTAN déclencha une crise grave dans la société européenne avec l’installation de missiles de moyenne portée, Cruise et Perching 2, auprès de certains de ses membres. Ces missiles à moyenne portée devaient en principe répondre aux équivalents soviétiques, les SS20 mobiles.

Signalons aussi que l’OTAN a participé avec la CIA à la déstabilisation de plusieurs pays européens et à la préparation d’une résistance en cas d’une invasion de l’Europe occidentale par l’Armée rouge. La « Commission Church » du Sénat américain avait révélé en 1976 l’existence de groupes « stay behind » afin d’organiser un réseau pour combattre le communisme en Europe Occidentale et spécialement en Italie, France, Belgique, Grèce, etc.

En Italie le réseau connu sous la dénomination Gladio a collaboré avec les Services secrets de l’OTAN à l’aide de groupes d’extrême droite ou d’extrême gauche. Citons l’assassinat de trois carabiniers le 31 mai 1972 à Peteano (Frioul). Ils avaient été appelés par un coup de téléphone anonyme pour inspecter une Fiat 500 blanche ; au moment où les carabiniers ouvraient le coffre de la voiture ils ont été tués par la déflagration d’un explosif T4 utilisé par l’OTAN (instruction du juge Casson en 1984). De nombreux autres attentats ont eu lieu, rappelons, entre autres, l’attentat de la gare de Bologne en 1980 qui a fait de très nombreuses victimes (85 morts et 200 blessés). L’instruction judiciaire a encore prouvé que le T4 avait été utilisé par les terroristes.

On pourrait citer des dizaines d’exemples de déstabilisation en Italie, en Belgique et dans d’autres pays. Il n’est pas exclu que les tueurs du Brabant, en Belgique, n’aient pas été commandités par les Services secrets de l’OTAN. En outre des centaines de caches ont été découvertes lors d’instructions judiciaires, dans tous les pays de l’Europe occidentale contenant des armes, des munitions programmées par l’OTAN, en vue d’une résistance à l’occupation des territoires par les Soviétiques.

2.- La mutation de l’OTAN après l’effondrement de l’Union Soviétique et l’effacement du Pacte de Varsovie.

La politique de l’OTAN, après l’effondrement de l’URSS et l’effacement du Pacte de Varsovie (conclu en 1955 et rompu le 1er juillet 1991), a été non seulement de se maintenir et de ne pas baisser la garde mais au contraire de s’étendre vers l’Est malgré les accords de Mikhaïl Gorbatchev avec Helmut Kohl. Rappelons les conventions prises par les quatre puissances occupantes de Berlin – Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et URSS – et les deux Allemagnes, connues sous le nom de « Deux plus quatre », et stipulant que les troupes américaines ne s’étendraient pas dans l’ex-RDA. Le 12 septembre 1990 la négociation « Deux plus quatre » stipulait que l’Allemagne retrouvait sa souveraineté, garantissait le respect des frontières, renonçait aux armes de destruction massive, s’engageait à ne pas permettre l’extension de l’OTAN et le stationnement d’armes nucléaires sur le territoire de l’ex-RDA.

Dès 1992 on observe déjà une dégradation dans les relations entre les Etats-Unis et la Russie. En 1993 sous l’administration Clinton la décision de procéder à l’élargissement de l’OTAN à l’Est de l’Europe est déjà prise à l’instigation de Henry Kissinger, Zbignev Brzezinski et Helmut Kohl.

La mutation brutale aura lieu avec l’intervention militaire de l’OTAN, sans mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en Serbie avec des moyens absolument disproportionnés et des infractions au droit international, en bombardant les infrastructures de la région de Belgrade et le Kosovo qui provoquèrent la fuite de dizaines de milliers d’habitants. Cette guerre a été rendue nécessaire suite aux exigences de dernière minute proposées à la réunion de Rambouillet qui stipulaient que la Yougoslavie serait occupée militairement et dans sa totalité par des troupes de l’OTAN. A l’heure actuelle il y a toujours 17.000 Américains au Kosovo et des bases militaires extrêmement importantes. D’autre part, aidée par plusieurs membres (Allemagne, Belgique, Hollande, Canada, Grande-Bretagne), l’Alliance développe avec des moyens de plus en plus puissants la guerre en Afghanistan dont on ne voit pas la fin et dont les civils sont les principales victimes (bombes à uranium appauvri et à fragmentation).

Actuellement l’OTAN regroupe 29 membres et des nombreux pays opérant dans le cadre du Partenariat pour la Paix. Même des pays comme la Finlande, la Suède, l’Irlande et l’Autriche font partie de ce dernier. Les responsables de l’OTAN envisagent même de faire entrer l’Albanie, l’Ukraine et la Georgie dans leur organisation à l’occasion du prochain sommet à Bucarest, l’année prochaine, ce qui pourrait renforcer le projet d’indépendance du Kosovo soutenu par le ministre albanais des Affaires étrangères, Monsieur Bacha et son homologue français Monsieur Koushner.

Le comble est que les Etats-Unis ont passé des accords bilatéraux avec la Pologne et la République Tchèque pour y installer des infrastructures d’un bouclier anti-missiles, à savoir, une dizaine d’intercepteurs de missiles en Pologne et des radars très puissants à une vingtaine de kilomètres à l’Ouest de Prague. Ces accords se sont faits sans l’avis de l’Union Européenne et de ses membres qui ferment les yeux sur cette situation inadmissible.

Ce projet d’installation d’un bouclier anti-missiles en Europe centrale par les Américains ne fera qu’aggraver le régime de nucléarisation de l’Europe. Le ministère des Affaires étrangères russe par la voie de son ministre a déclaré à plusieurs reprises qu’il arrêtait les programmes START I et START II, c’est-à-dire le démantèlement des armes nucléaires et même conventionnelles, tant que les Américains, l’OTAN, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et les Pays-Bas ne se décidaient pas à retirer les centaines de bombes nucléaires à gravité déployées en Europe, c.-à-d. en dehors du territoire national américain.

L’OTAN est devenue une véritable pieuvre qui étend ses tentacules autour de la Russie et de la Chine et même autour de l’Afrique où se déroulent des manœuvres navales de l’Alliance. Le secrétaire américain à la Défense Robert Gates a de nouveau insisté pour que les Etats membres de l’OTAN engagent plus de moyens et de troupes dans la guerre en Afghanistan qui tourne à la catastrophe. Il y a déjà 37.000 soldats dans la Force d’assistance à la sécurité (Isaf) sous commandement de l’OTAN dans ce pays.

La situation en Afghanistan est devenue épouvantable, la misère s’est installée à Kaboul et dans de nombreuses provinces. Les principales victimes sont souvent des orphelins qui sont livrés à eux-mêmes pour survivre, qui sont kidnappés par des organisations criminelles et vendus dans le monde entier à des pédophiles mais aussi à des entreprises militaires américaines (Blackwater, Brown and Root, etc.). De nombreux réfugiés au Pakistan et en Iran ont été contraints de revenir en Afghanistan où ils se retrouvent dans une situation encore plus terrible qu’avant. L’aide humanitaire devient de plus en plus difficile à cause des opérations militaires. Comme au Kosovo les bombardiers utilisent des quantités énormes de bombes à uranium appauvri, de nombreux cancers sont déjà apparus. Quant à Monsieur de Hoop Scheffer, secrétaire général de l’OTAN, il a le culot de déclarer que l’Alliance n’est pas une organisation de développement mais qu’elle se contente de créer un milieu dans lequel la reconstruction et le développement sont possibles. Cela le conduit à demander à l’OTAN et à l’Union Européenne de redoubler leurs efforts pour développer un partenariat stratégique efficace.

En conclusion il n’est pas inutile de rappeler le message de George Kennan, célèbre diplomate américain, né en 1904 et qui vient de mourir en 2005, bien connu pour sa doctrine du « containment » publiée en 1947 et qui proposait une diplomatie et une stratégie militaire très souple. Récemment il avait déclaré que l’extension de l’OTAN vers l’Est serait la plus grande erreur politique des Etats-Unis depuis la 2ème guerre mondiale. Les prédictions de George Kennan se révèlent une réalité, l’Afghanistan en constitue un exemple, probablement plus effarant que ce qu’il avait prévu. Il est grand temps que les responsables européens prennent des mesures efficaces pour mettre un terme à cette situation inadmissible.


Pour en savoir plus :

- Gilbert Achcar – La nouvelle Guerre froide – Le Monde après le Kosovo – Presses
Universitaires de France, 1999.
- Claude Delmas – l’OTAN – Presses Universitaires de France, 1981.
- Daniel Ganser – NATO’s secret Armies – Frank Cass-London and New York, 2005.
- Jan Willems (ouvrage collectif) – Gladio – éditions EPO.
- Charles Zorgbibe – L’Après-guerre froide en Europe – Presses Universitaires de France, 1993.
- Charles Zorgbibe – Histoire de l’OTAN – Editions Complexe, 2002.

Pierre Piérart
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