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La guerre contre la Libye et le « nouveau concept stratégique » de l’Otan

Claudine Pôlet
30 juin 2011

Le Sommet de l’Otan de Lisbonne – novembre 2010 – s’est félicité de l’adoption de son Nouveau Concept Stratégique, considérant, dans sa Déclaration Finale, que celui-ci rend l’Alliance « apte à défendre ses pays membres contre toute la gamme des menaces, capable de gérer les crises les plus difficiles et mieux à même d’œuvrer avec d’autres pays et d’autres organisations pour promouvoir la stabilité internationale ».

La Déclaration finale du Sommet dit aussi que « La stabilité et la fiabilité des approvisionnements énergétiques, la diversification des itinéraires d’acheminement, des fournisseurs et des ressources énergétiques et l’interconnexion des réseaux énergétiques demeurent d’une importance capitale… et nous intégrerons, s’il y a lieu, les considérations de sécurité énergétique dans les politiques et les activités de l’Otan ».

« La paix et la stabilité dans la région méditerranéenne sont essentielles pour la sécurité euro-atlantique. Nous entendons développer encore le Dialogue Méditerranéen, en accroissant ses dimensions politiques et pratique, afin de renforcer la confiance mutuelle et de relever ensemble les défis de sécurité communs dans cette région.  ».

L’agression militaire de l’Otan contre la Libye s’inscrit dans la mise en œuvre du Nouveau Concept Stratégique. Ce que le Sommet de l’Otan appelle la stabilité et la sécurité des approvisionnements énergétiques concerne plutôt la sécurité des intérêts des multinationales et la stabilité des politiques libérales qui dirigent nos pays. La Libye, l’Iran ou la Syrie, qui sont toujours dans le collimateur de l’Alliance, sont considérés comme des « menaces » car leurs gouvernements ont cherché et essaient de défendre une politique d’indépendance et souveraineté et veulent disposer des ressources énergétiques pour développer leur pays. L’Arabie saoudite, les autres pays du Golfe ne sont certes pas des « menaces », puisque leurs gouvernements laissent grand ouvertes les portes à l’Occident.

Les grandes luttes populaires de ces derniers mois ont déjà porté des coups importants aux gouvernements alliés de l’Otan dans la région au travers du « Dialogue Méditerranéen », dont l’Égypte, la Tunisie, le Maroc. Le principal allié, Israël, se trouve affaibli. Depuis les débuts des mobilisations dans plusieurs pays du Golfe et du Maghreb, l’Otan a augmenté ses actions de surveillance, et de mises en alerte tous azimuts. La Libye était une des cibles potentielles.

Début février, l’Otan crée un nouveau partenariat avec le Qatar, le Secrétaire Général Rasmussen y déclare « nous pouvons faire beaucoup ensemble, en particulier en ce qui concerne la sécurité énergétique, qui est un défi pour nous tous ». Quelques semaines plus tard, on voit le rôle charnière rempli par le Qatar pour instaurer le Conseil National de Ben Ghazi, pour servir de banquier , et de représentant politique du « monde arabe », et fournir sa part d’appui militaire à l’Otan dans ses bombardements criminels. Début mars, bien avant le vote de la Résolution 1973, l’Otan concentre son système aérien de surveillance AWACS pour contrôler le ciel libyen 24h sur 24 et préparer ainsi la « no fly zone ».

Le Nouveau Concept Stratégique relègue l’ONU au rang de simple partenaire. La Déclaration du Sommet de Lisbonne affirme « sa volonté d’ approfondir la coopération pratique et développer le dialogue politique sur des questions d’intérêt commun… notamment pour la gestion des crises dans lesquelles les deux organisations interviennent ».

L’Otan s’arroge le droit de faire appliquer des résolutions de l’ONU. La Résolution 1973 du Conseil de Sécurité est kidnappée par l’Otan qui se déclare le meilleur prestataire de sécurité et le seule capable de garantir l’embargo sur les armes vers la Libye et d’assurer la protection des civils !

L’Otan dispose des bases militaires des pays membres, dans tout le pourtour de la Méditerranée. Elle procède régulièrement à des manœuvres navales et des entraînements dits de lutte anti-terroriste comme l’Operation Active Endeavour, et à des vols d’entraînement des F-16 et autres bombardiers à partir des aéroports grecs, italiens ou turcs.

Les principaux États qui poussaient à la guerre pour renverser le gouvernement de Kadhafi sont les États Unis, la France, la Grande Bretagne. Mais aucun d’eux ne pouvait se permettre d’agir pour son propre compte. Les autres pays membres de l’Otan, en particulier l’Italie, la Turquie et l’Allemagne après avoir manifesté beaucoup d’hésitations, se sont quand même tous ralliés à la grande croisade otanienne. La Belgique a fait du zèle et se trouve parmi les plus impliqués. Aujourd’hui, l’Otan est tout entière engagée On dirait que cette guerre est un exercice de mise en pratique des capacités de l’Otan à lancer sur mer et dans les cieux, des engins de guerre les plus sophistiqués et à coordonner des forces armées de différents pays. Une sorte de laboratoire aussi sur sa capacité de détruire un pays, sans y envoyer de troupes au sol. Toutes sortes d’armes sont essayées. Dont très probablement des armes à uranium appauvri. On est loin de toutes les justifications morales, type droit de l’homme, défense de la démocratie, responsabilité de protéger les civils. La 3e guerre de l’Otan est envoyée et ce ne sera pas la dernière. C’est un engrenage infernal, et on ne pourra s’en libérer que par une politique de rupture avec l’OTAN !

Claudine Pôlet
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