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HIROSHIMA ET LE TRAITÉ DE NON PROLIFÉRATION Pierre Piérart 28 juillet 2003
Le 6 août 1945, dans la ville de Hiroshima, préservée des
bombardements, il reste encore 300.000 habitants sur environ 400.000. A 8H15,
la bombe, larguée par un B-29 , explose dans un ciel radieux à
600m de haut provoquant flash radioactif, onde thermique et déplacement
dair incendiant et détruisant 70.000 maisons sur un ensemble de
78.000. Le jour même, il y aura 45.000 morts et 130.000 blessés
dont 43.000 grièvement qui ne pourront être assistés que
par une dizaine de médecins et quelques infirmières encore plus
ou moins valides. Le 1er septembre le nombre de décès était
déjà de 70.000, de 140.000 à la fin de 1945 pour atteindre
200.000 à la fin de 1950. La bombe, pouvant remplacer 2000 forteresses
volantes, est présentée au public comme le moyen de hâter
la fin de la guerre. Pendant les deux premières semaines du drame les
morts étaient principalement causées par les brûlures et
les traumatismes provoqués par les incendies et les effondrements des
diverses constructions. Les médecins constatèrent ensuite que
de nombreuses personnes décédaient indépendamment des blessures
et des brûlures soit plus de 35.000 correspondant à la moitié
des décès pour la période allant du 1er septembre au 31
décembre 1945.Testée sur des dizaines de milliers dhommes,
de femmes et denfants, la maladie des rayons allait satténuer
pour être remplacée pendant des dizaines dannées par
de nombreux cancers induits par les radiations ionisantes.
La fabrication des 2 bombes, de Hiroshima ( à l uranium) et de
Nagasaki ( au plutonium), programmée dès 1942 par le projet Manhattan,
mobilisa dans le plus grand secret des centaines de scientifiques et dingénieurs
et plus de 130.000 travailleurs.
Lextrême confidentialité du projet, dont le vice-Président
Truman ignorait tout, nempêchera pas la production darmes
nucléaires par les Soviétiques dès 1949, par les Anglais
en 1952, les Français en 1960 et les Chinois en 1964. Au cours de cette
même année, lAssemblée générale des
Nations Unies réclamera un traité pour mettre fin à la
prolifération horizontale ( augmentation démesurée des
armes nucléaires et du nombre de pays détenteurs ) et verticale
( perfectionnement de larmes nucléaire par les cinq du club atomique
). Le Traité de Non Prolifération (TNP) verra le jour en juin
1968 et sera signé à Londres, Moscou et Washington le 1er juillet
de la même année; il entrera en vigueur le 5 mars 1970. Le TNP,
bien que discriminatoire entre les 5 puissances nucléaires «de
jure» et les autres pays, incomplet au sujet de la définition
des armes nucléaires, imprécis concernant lentreposage de
ces dernières et tout à fait insuffisant par manque de sanctions,
constitue néanmoins un premier outil de droit international qui empêche
tant bien que mal le développement de ces armes. Après un terme
de 25 ans, le TNP a été renouvelé en 1995 pour une durée
illimitée et légèrement consolidé en 2000, lors
de la 6ème Conférence de révision, par lengagement
des 5 grands en faveur dune élimination ultime
des armes
nucléaires sans toutefois en fixer le moindre agenda.
Sous la pression des républicains américains le régime
de non prolifération a déjà commencé à se
dégrader en 1999 quand le congrès a refusé de ratifier
le Traité dinterdiction totale des essais nucléaires (CTBT).
La situation sest aggravée avec larrivée du Président
G.W. Bush. Lors de la Conférence du Comité préparatoire
(PrepCom) de la révision du TNP en 2002, les Etats-Unis ont fait savoir
quils ne désiraient plus souscrire à larticle VI du
TNP qui demande la fin de la course aux armements et une convention de désarmement
nucléaire sous contrôle international strict et efficace. La volonté
américaine de vouloir affaiblir ou même abroger le TNP sest
manifestée par un ensemble de signaux parmi lesquels lon peut relever
le retrait du traité sur les missiles antibalistiques (traité
ABM), le refus de ratifier le CTBT, le projet «National Missile Defense»
(NMD) ou bouclier antimissile rendu possible par labrogation du traité
ABM, la militarisation de lespace, les bombes nucléaires miniaturisées
(mininukes) et celles plus puissantes et à pouvoir pénétrant
élevé pour la destruction des abris souterrains. Lavenir
du TNP est bien sombre, car on a oublié les promesses de la Conférence
de révision du TNP de lan 2000. Sont systématiquement rejetés
lentrée en vigueur du CTBT, linterdiction de produire du
matériel fissile à usage militaire, le principe dirréversibilité
pour les conventions de désarmement nucléaire, la réduction
réelle des arsenaux nucléaires, lapplication des traités
existants, la reprise des entretiens sur la réduction des arsenaux stratégiques
et spécialement tactiques, larrêt de la production de plutonium,
de tritium, etc
..
Il serait criminel dabandonner le TNP dont larticle VI a été
renforcé par la Cour Internationale de Justice de la Haye le 8 juillet
1996, dans la recommandation suivante: «Il existe une obligation de
poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant
au désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle
international strict et efficace»
Pour sortir de lenlisement du TNP et des très nombreuses résolutions
à lAssemblée Générale des Nations Unies qui
condamnent lemploi de larme nucléaire sans aboutir à
un résultat concret, plusieurs ONG se préparent à soutenir
un agenda de désarmement nucléaire. Dautres initiatives
sont prises par des coalitions locales. Des responsables britanniques et français
du réseau international Abolition 2000 organisent, pour octobre 2003,
les journées du désarmement à Vénissieux près
de Lyon. Un projet de désarmement nucléaire français et
britannique devrait y être présenté dans lespoir dinciter
Américains et Russes à enfin sortir du bois pour démanteler
leurs arsenaux qui représentent toujours 90% des armes nucléaires
de la planète. Une campagne dans ce sens sera probablement accueillie
avec beaucoup de condescendance par les officiels mais elle pourrait être
soutenue par lopinion publique afin de débloquer une situation
figée. Cette initiative apportera sa contribution aux actions menées
pour sauver le TNP.
Une autre initiative pourrait être prise par les 5 pays de lOTAN
qui hébergent gracieusement les bombes nucléaires à gravité
américaines B-61.Ces pays, lAllemagne, la Belgique, lItalie,
les Pays- Bas et la Turquie seraient en infraction vis-à-vis de larticle
II du TNP qui interdit à un pays non détenteur darmes nucléaires
daccepter sur son territoire de telles armes. Ce point de vue est contesté
par certains juristes officiels qui considèrent quil ny a
pas de cession mais tout simplement «stationnement» même
si les propriétaires des lieux participent activement , sur des avions
à double capacité, aux missions programmées pour une dissuasion
nucléaire de riposte graduée. En temps de guerre ces 5 pays deviendraient
des puissances nucléaires de facto . Ces membres très zélés
de lOTAN sont coupables, du moins en esprit si pas à la lettre,
de violation de larticle II du TNP auquel quatre dentre eux ont
adhéré en 1975 et la Turquie en 1980..
Ces membres de lOTAN peuvent refuser toute participation aux missions
nucléaires pour raison dordre moral, de sécurité
et de respect du droit international. Ces pays devraient non seulement réclamer
le retour des 150 bombes B-61 aux Etats-Unis mais également la destruction
des 214 bunkers souterrains des bases de lOTAN. Ces abris permettent à
lAlliance des transferts dune base à lautre comme cela
a dû se passer lors du retrait , en 2001, des bombes de la base grecque
dAraxos. Une délocalisation de ces bombes vers les nouveaux membres
de lOTAN, bien que non prévue aujourdhui, serait en cas de
«prétenduenécessité» considérée
comme un véritable «casus belli» pour la Russie et donnerait
raison à Georges Kennan qui considérait lextension de lAlliance
comme «la pire erreur que les Américains ont faite avec ce pays
depuis 50 ans».
Indépendamment des subtilités juridiques concernant linterprétation
de larticle II du TNP et à linstar de certains membres comme
le Danemark et la Norvège, les cinq pays complices de la prolifération
nucléaire en Europe ont parfaitement le droit dexiger collectivement
le retour à lexpéditeur des 150 bombes B-61. La présence
de celles-ci dépend entièrement de la complaisance des gouvernements
soumis à la pression de Washington qui contrôle le groupe de planification
nucléaire de lOTAN où siègent nos ministres responsables.
Un projet adressé à Lord Robertson, ou à son successeur,
ainsi quau gouvernement américain pour information, par les cinq
pays ou une partie dentre eux, constituerait un premier exemple européen
dapplication de larticle VII du TNP qui reconnaît explicitement
le droit pour un groupe quelconque dÉtats de préparer une
convention
en vue de créer une zone de dénucléarisation. Ce serait
un rappel utile du plan Rapacki de 1957 pour sauver un TNP moribond.
Prof. Pierre Piérart
Vice-Président de lAssociation
Médicale pour la Prévention de la
Guerre Nucléaire (AMPGN).
Pierre Piérart Autres textes de Pierre Piérart sur le site du CSO
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