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L' Europe de la défense aux lendemains du sommet de Prague Jean-Sylvestre Mongrenier 1 mai 2003 source : Diplomatie-Magazine, mai-juin 2003 Si l'on en croit Hegel, « les peuples ne font époque qu'une fois
». En 1989, nombreux sont ceux qui étendent cette réflexion
aux alliances et estiment que l'OTAN ne devrait pas survivre à sa victoire
sur la Pacte de Varsovie. Et pourtant. Les 21 et 22 novembre 2002, le sommet
atlantique de Prague a porté sur les fonds baptismaux une « nouvelle
OTAN ». Telle qu'elle est pensée, conçue et mise en uvre,
l'« Europe de la défense » est l'une des dimensions de ce
nouvel atlantisme.
Les décisions prises lors du sommet atlantique de Prague sont d'une
portée majeure et pourraient initier un nouveau cycle pour l'Alliance
et l'OTAN. Dans la « course vers l'Est » amorcée aux lendemains
de la Guerre froide, le sommet de Prague marque une étape décisive.
Ainsi que Georges W. Bush l'avait recommandé lors de sa tournée
européenne de juin 2001, l'Alliance s'est engagée dans «
un élargissement robuste de la mer Baltique à l'Adriatique et
à la mer Noire ». D'ici mai 2004, avant même que l'Union
européenne n'outrepasse l'ancien « rideau de fer », les frontières
de l'atlantisme jouxteront celles de la Communauté des Etats Indépendants,
le Sud-Est européen constituant l'ultime espace à intégrer.
Les contours de l'OTAN et ceux de l'Union européenne sont donc amenés
à converger, les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale
faisant clairement le choix de l'euro-atlantisme.
On semble également s'acheminer vers une OTAN globalisée et réoutillée.
La Déclaration finale du sommet de Prague fait de la lutte contre le
terrorisme et la prolifération des ADM (Armes de destruction massive)
de nouvelles missions de l'Alliance atlantique :« L'OTAN, est-il
stipulé, doit pouvoir aligner des forces capables de se déployer
partout où elles sont nécessaires (...), de mener des opérations
à longue distance et dans la durée ». Tout comme l'Union
européenne, l'OTAN est désormais sans limitation géographique
dans ses fonctions et ce passage au « hors-zone » est
entériné par l'ensemble des Alliés (1).
Longtemps rétive, la diplomatie française elle-même s'y
est résignée, crise irakienne oblige : « La France
ne peut se battre sur tous les fronts ! » nous explique un observateur.
L'on rêvait d'une « Europe-puissance » déployant
« ses arts, ses armes et ses lois » face à une
OTAN strictement régionalisée... La perspective s'éloigne !
La réforme continue de l'OTAN est aussi celle des structures de commandement
et de force. Des deux commandements stratégiques de l'OTAN, SACEUR à
Mons (Belgique) et SACLANT à Norfolk (Etats-Unis), seul le premier demeure
opérationnel (2). Sous l'autorité du SACEUR,
les commandements régionaux de Naples (Italie) et Brunsum (Pays-Bas)
- Afsouth et Afnorth - représentent le niveau opératif. Les niveaux
inférieurs seraient à terme remplacés, une fois les états-majors
des High Readiness Forces mis sur pied (six corps d'armée européens,
dont l'Eurocorps).
Au total, une organisation plus souple et flexible. En cas d'opération
européenne, le commandement stratégique est assuré par
"Deputy-SACEUR, l'adjoint du Commandant suprême des forces alliées
en Europe, le général américain James Jones, Les états-majors
de force seraient formés à partir des commandements régionaux
de Naples et Brunssum, selon le principe des GFIM.
Autre décision à suivre, la création d'une Force de réaction
de l'OTAN (FRO), ou NATO Response Force. D'un haut niveau de préparation
et de disponibilité, cette force de 21.000 soldats sera composée
d'unités européennes.
Apte à intervenir en 3 à 5 jours « partout où il
le faudra »,elle devra être capable de «tenir» le terrain
par elle-même pendant 30 jours au moins. Dotée de moyens de haute
technologie et de capacités de commandement et de contrôle, cette
force interarmées est dédiée aux « nouvelles menaces
du XXIme siècle » et donc amenée à intervenir aux
côtés des unités américaines, aux quatre coins du
monde.
Bien que la FRO et l'« objectif global » d'Helsinki (60.000 hommes
« projetables » en 2 mois) soient présentés comme
complémentaires, ces projets peuvent se concurrencer. Les deux forces
puiseront dans le même « réservoir opérationnel »
et ce double objectif guidera l'effort militaire des Européens. Cependant,
les engagements passés dans le cadre de la planification de défense
de l'OTAN sont plus exigeants que ceux contractés dans le cadre de l'Union
européenne. Par ailleurs, les lacunes européennes en termes d'état-major
mais aussi de transport stratégique (aérien et maritime) limitent
la portée de l'« objectif global ». L'EMUE (état-major
de l'Union européenne) travaille aujourd'hui à améliorer
la réactivité de la Force européenne.
L'Europe de la défense passe par l'Alliance atlantique et les moyens
et capacités de l'OTAN : états-majors et capacités logistiques.
Ainsi la signature d'un partenariat stratégique entre l'Union européenne
et l'OTAN a-t-elle précédé le lancement de l'opération
Concordia en République de Macédoine. Il faut donc peser dans
l'OTAN pour peser dans l'Europe de la défense. C'est tout le problème
de la France qui n'est que partiellement intégrée aux structures
militaires atlantiques. Le Deputy-SACEUR est alternativement britannique et
allemand ; les officiers français auprès du SACEUR et des commandements
régionaux sont en nombre insuffisant. S'achemine-t-on vers un aggiornamento
?
Jean-Sylvestre Mongrenier
Chercheur à l'Institut Français de Géopolitique (Université
de Paris VIII)
in Diplomatie-Magazine, mai-juin 2003 / n°3
Notes:
(1) Le 16 avril, l'Alliance atlantique a décidé
d'assumer, à partir d'août 2003, le commandement de l'ISAF (Force
internationale d'assistance à la sécurité, en Afghanistan).
(2) Le SACLANT est devenu le « Commandement
de la transformation». Il a pour mission de penser l'avenir de l'OTAN.
La proximité à Norfolk d'un centre doctrinal de l'armée
américaine pourrait l'y aider... Jean-Sylvestre Mongrenier
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