Alerte Otan n° 88 - Octobre 2023
78e session de l'Assemblée Générale des Nations Unies

Le désir des pays de l'OTAN et de l'UE de faire des Nations Unies une tribune pour mettre en accusation la Russie, se heurte à la réalité du "reste du monde", dont nombre de représentants ont fait comprendre dans leur prise de parole que le monde ne tourne pas - et même de moins en moins -, autour de l'agenda occidental, et que le conflit  Russie-OTAN est loin d'être le seul, dénonçant plus ou moins explicitement le deux-poids, deux-mesure dans les indignations et dénonciations de certains.

Bien entendu,  nous n'avons eu ici que des échos de propos "OTAN-compatibles" de cette session.

Contrairement à nos grands médias le CSO ne pense pas que la  Communauté Internationale se  limite aux seuls porte-voix de l'OTAN. Tout en étant parfaitement conscients que nous sommes aspirés de plus en plus dans un climat de guerre chaude, nous persistons à penser qu'essayer de comprendre ou simplement d'écouter les propos de l'autre ne s'apparente pas  à de l'"intelligence avec ennemi",  mais est la seule attitude raisonnable et devrait être la seule ligne de conduite pour un mouvement de paix.

Fidèle à ce principe, nous reproduisons ci-dessous des extraits de certaines interventions "inaudibles" par ici

Tous les discours de cette assemblée générale se retrouvent sur le site des Nations-Unies à l’adresse https://gadebate.un.org/fr

Aleksandar Vučič, Serbie

« Ici, dans cette salle, il y a seulement deux jours, nous pouvions entendre le président des États-Unis parler du principe le plus important dans les relations entre les pays, à savoir le respect de leur intégrité territoriale et de leur souveraineté, et seulement comme troisième facteur le plus important, il mentionné les droits de l’homme. Et il m’a semblé que tout le monde dans cette salle pouvait soutenir cela. En tant que Président de la Serbie, j’ai soutenu cela avec une joie non dissimulée. Le seul problème dans tout cela était que, quelques heures après son discours, j'ai dû voir le président du soi-disant "Kosovo", qui est considéré par la partie la plus puissante de l'Occident comme le président d'un pays indépendant, originaire, en passant, par la sécession du territoire de la République de Serbie.

Dans le même temps, à seulement quelques mètres de cette salle, le ministre allemand a déclaré que l'Allemagne respectait fermement la Charte des Nations Unies ainsi que les décisions et documents de l'ONU et qu'elle n'y renoncerait jamais. Tout cela serait bien si c'était vrai. En effet, presque toutes les puissances occidentales ont brutalement violé à la fois la Charte des Nations Unies et la résolution 1244 de l’ONU, adoptée au sein de cette célèbre organisation, en niant et en violant précisément les principes qu’elles défendent aujourd’hui, et cela s’est produit il y a exactement 24 ans. Pour la première fois, sans précédent dans l'histoire du monde, les 19 pays les plus puissants ont pris la décision, sans l'implication du Conseil de sécurité de l'ONU, je le répète, sans aucune décision du Conseil de sécurité de l'ONU, d'attaquer et de punir brutalement un pays souverain sur le sol européen, pour, prétendaient-ils, éviter un désastre humanitaire.

Ils n’ont pas éclaté de rire lorsque le président russe a utilisé exactement  les mêmes mots pour justifier son attaque contre l’Ukraine. Ils oubliaient qu’ils avaient eux-mêmes utilisé le même récit, les mêmes mots et les mêmes explications. Par conséquent, je voudrais vous informer que la Serbie n'a pas mis les pieds sur le territoire d'un autre pays et n'a pas non plus mis son existence en danger ; mais il y a 24 ans, les 19 plus puissants et les plus forts n'avaient aucune pitié pour la petite Serbie. »

Bassolma Bazie, Burkina-Faso

« L’honnêteté intellectuelle recommande que nous devons présenter nos sincères excuses au peuple libyen pour avoir été, collectivement et individuellement, par passivité condamnable ou par complicité active et inacceptable, aux côtés des bourreaux qui ont été la première catastrophe anthropique en Libye. C’est cette catastrophe qui a mis la Libye à genoux en la saccageant et tuant son guide, avant que les eaux du déluge ne viennent l’endeuiller davantage. Et malheureusement, à la tête de cette catastrophe humaine étaient l’ONU sous la résolution 19-70 et le silence coupable voire la complicité de la CEDEAO et de l’Union Africaine. Cette macabre intervention, avec la France de Nicolas Sarkozy en tête, a liquidé le Colonel Mouammar Kadhafi, le 20 octobre 2011. Si les condoléances au peuple Libyen avaient un minimum de bon sens et sans hypocrisie, cette diplomatie macabre n’aurait jamais lieu autour du cas du Niger pour y créer une Libye bis.(...).

Au lieu de nous aider à arrêter cette saignée humaine, ce sont des accusations fallacieuses, des mensonges éhontés d’État englobées dans une diplomatie d’hypocrisie et des menaces voilées pour nous indiquer des partenaires à fréquenter et des conduites à tenir ! Nous disons non ! Au nom de la même Charte des Nations Unies et du Droit International que vous évoquez tous et toutes ici à cette Tribune, les peuples Africains en Général et Sahéliens en particulier sont résolument engagés à assumer absolument et pleinement leur émancipation totale pour un progrès social véritable.  »

Yvan Gil Pinto, Venezuela

« L'ONU n'a pas réussi à vaincre l'unilatéralisme de pays qui, reproduisant des logiques coloniales et impériales, cherchent à s'imposer par rapport aux principes inscrits dans la Charte fondatrice de cette Organisation. La solution aux défis nouveaux et complexes auxquels l'humanité est confrontée aujourd'hui ne pourra pas être trouvée tant que le multilatéralisme inclusif, la démocratisation des relations internationales et un système multipolaire ne seront pas consolidés.

Nous constatons aujourd'hui que de nombreuses agences, programmes et fonds du système des Nations unies ne remplissent pas leur mandat et finissent par être instrumentalisés par les intérêts des États-Unis d'Amérique et de leurs complices. Nous devons refonder l'Organisation pour qu'elle devienne une institution démocratique, où tous ses membres ont voix au chapitre et participent à la prise de décision sur un pied d'égalité (...) Les (mal nommées) sanctions, qui violent toutes les règles du droit international ainsi que les buts et principes inscrits dans la Charte des Nations unies, constituent des violations massives des droits humains de millions de personnes et sont appliquées précisément par ceux qui prétendent ensuite se présenter comme les champions de la défense des droits humains.

Elles constituent également une attaque délibérée contre le droit au développement de peuples entiers et un obstacle à la réalisation de l'Agenda 2030, dont on a tant parlé cette semaine. Ces mesures illégales ont créé une crise dans le système des relations internationales et nous exigeons leur levée totale, immédiate et inconditionnelle.

Il est inacceptable pour nos peuples, qui résistent jour après jour aux effets d'une politique criminelle de blocus, que cette Assemblée générale feigne d'ignorer dans ses documents politiques un tel outrage, raison pour laquelle nous ne pouvons approuver aucune déclaration qui ignore ou omet cette question transcendantale pour la vie et l'existence de centaines de millions d'êtres humains.  »

Sergueï Lavrov, Russie

« En 2021, nos propositions de conclure des accords sur des garanties mutuelles de sécurité en Europe sans changer le statut non aligné de l'Ukraine ont été arrogamment rejetées. L'Occident a continué à militariser progressivement le régime russophobe de Kiev, qui a été amené au pouvoir à la suite d'un coup d'État sanglant et a été utilisé pour préparer le déclenchement d'une guerre hybride contre notre pays.

Depuis la fin de la Guerre froide, une série récente d'exercices conjoints entre les États-Unis et leurs alliés européens de l'OTAN a été sans précédent, notamment avec des scénarios d'utilisation d'armes nucléaires contre le territoire de la Fédération de Russie. L'objectif déclaré est d'infliger à la Russie une "défaite stratégique". Cette obsession finit par aveugler les politiciens irresponsables qui ont perdu tout sens de la préservation de soi.

Les pays de l'OTAN menés par Washington ne se contentent pas d'augmenter et de moderniser leurs potentiels offensifs, mais tentent également de transférer la confrontation armée dans l'espace extra-atmosphérique et l'espace de l'information. La tentative d'étendre la zone de responsabilité de l'Alliance à tout l'hémisphère oriental sous le slogan trompeur de "sécurité indivisible de l'Euro-Atlantique et de la région Indo-Pacifique" est une nouvelle manifestation dangereuse de l'expansionnisme de l'OTAN. À ces fins, Washington crée des mini-alliances militaro-politiques sous son contrôle, à l'instar d'Aukus, le "trio" États-Unis-Japon-République de Corée, la "quatuor" Tokyo-Séoul-Canberra-Wellington, en les incitant à la coopération pratique avec l'OTAN, qui installe son infrastructure dans le théâtre du Pacifique. L'orientation flagrante de ces efforts contre la Russie et la Chine, et la destruction de l'architecture régionale inclusive établie autour de l'Asean, génèrent des risques de création d'un nouveau foyer d'instabilité géopolitique explosive, en plus de l'Europe déjà surchauffée.

Cela donne l'impression que les États-Unis et le "collectif occidental" qui leur est entièrement soumis ont décidé de donner une projection globale à la doctrine Monroe. Des projets aussi illusoires que dangereux, mais cela n'arrête pas les idéologues de la nouvelle édition de la Pax Americana.

La minorité mondiale fait tout son possible pour arrêter le cours naturel des choses. Dans la déclaration de Vilnius de l'OTAN, le "partenariat qui se renforce entre la Russie et la Chine" est caractérisé comme une "menace pour l'OTAN". S'exprimant récemment devant ses ambassadeurs à l'étranger, le président Emmanuel Macron a exprimé une préoccupation sincère quant à l'expansion des Brics, considérant cet évènement comme un témoignage de "la complication de la situation sur la scène internationale, qui menace d'affaiblir l'Occident et, en particulier, l'Europe... Une révision de l'ordre mondial est en cours, de ses principes, de ses différentes formes d'organisation, où l'Occident occupe et continue d'occuper des positions dominantes". Quelles révélations: si quelqu'un, quelque part, se rassemble sans nous, se lie d'amitié sans nous ou sans notre permission, alors cela est considéré comme une menace pour notre domination. Le déploiement de l'OTAN en Asie-Pacifique est un "bien", tandis que l'expansion des Brics est dangereuse.  »