Des missiles hypersoniques USA en Europe à 5 minutes de Moscou
Source : il manifesto Manlio Dinucci 23 mars 2021 Quand il y a presque six ans nous titrions sur il manifesto (9 juin 2015) « Les missiles reviennent-ils à Comiso ? », notre hypothèse que les USA voulaient ramener leurs missiles nucléaires en Europe fut ignorée par tout l’arc politico-médiatique. Les événements successifs ont démontré que l’alarme, malheureusement, était fondée. À présent, pour la première fois, nous en avons la confirmation officielle. Elle a été donnée il y a quelques jours, le 11 mars, par une des plus hautes autorités militaires étasuniennes, le général James C. McConville, chef d’état-major de l’Armée des États-Unis. Non pas dans une interview à CNN, mais dans une intervention —dont nous avons la transcription officielle ici [1] — à une réunion d’experts à la George Washington School of Media and Public Affairs. Le général McConville non seulement communique que l’U.S. Army est en train de se préparer à installer de nouveaux missiles en Europe, d’une façon évidente dirigés contre la Russie, mais révèle que ce seront des missiles hypersoniques, un nouveau système d’arme d’extrême dangerosité. Cela crée une situation à très haut risque, analogue si ce n’est pire que celle dans laquelle se trouvait l’Europe pendant la guerre froide, comme première ligne de confrontation nucléaire entre États-Unis et Union Soviétique. Les missiles hypersoniques —de vitesse supérieure à 5 fois celle du son (Mach 5), c’est-à-dire plus de 6000 km/h— constituent en effet un nouveau système d’arme avec capacité d’attaque nucléaire supérieure à celle des missiles balistiques. Tandis que ces derniers suivent une trajectoire en arc de cercle pour la plus grande partie au-dessus de l’atmosphère, les missiles hypersoniques suivent par contre une trajectoire à basse altitude dans l’atmosphère directement vers l’objectif, qu’ils atteignent en un temps inférieur en pénétrant dans les défenses ennemies (voir schéma). Dans son intervention à la George Washington School of Media and Public Affairs —un sommet d’experts—, le général McConville révèle que l’U.S. Army est en train de préparer une « task force » dotée de « capacités de feu de précision à longue portée qui peut arriver n’importe où, composée de missiles hypersoniques, missiles à moyenne portée, missiles pour attaques de précision » et que « ces systèmes sont en mesure de pénétrer l’espace du barrage anti-aérien ». Le général précise ensuite que « nous prévoyons de déployer une de ces task force en Europe et probablement deux dans le Pacifique » (évidemment dirigées contre la Chine). Il souligne enfin que « nous sommes en train de les construire en ce moment, au moment où nous parlons ». Ceci est confirmé par la Darpa (Agence pour les projets de recherche avancée de la Défense). Dans un communiqué officiel [2] elle informe avoir chargé Lockheed Martin de fabriquer « un système de missile hypersonique à moyenne portée avec lancement du sol », c’est-à-dire des missiles avec une portée entre 500 et 5500 km de la catégorie qui avait été interdite par le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires signé en 1987 par les présidents Gorbatchev et Reagan, déchiré par le président Trump en 2019. Selon les spécifications techniques fournies par la Darpa, « le nouveau système permet à des armes hypersoniques à propulsion par fusée et largage d’une tête planante de frapper avec rapidité et précision des objectifs d’importance critique et prioritaire, en pénétrant des défenses aériennes ennemies modernes. La propulsion avancée par fusée peut transporter diverses charges offensives à plus de distance et elle est compatible avec des plateformes terrestres de lanceur mobiles, qui peuvent être déployées rapidement ». Le chef d’état-major de l’Armée et l’Agence de recherche du Pentagone informent donc que sous peu les États-Unis déploieront en Europe (on parle d’une probable première base en Pologne ou Roumanie) des missiles armés de « diverses charges offensives », c’est-à-dire de têtes nucléaires et conventionnelles. Les missiles hypersoniques nucléaires à portée intermédiaire installés sur « des plate-formes terrestres mobiles », c’est-à-dire sur des véhicules spéciaux, pourront être rapidement déployés dans les pays de l’OTAN les plus proches de la Russie (par exemple les républiques baltes). Ayant déjà aujourd’hui la capacité de voler à environ 10.000 km/h, les missiles hypersoniques seront en mesure d’atteindre Moscou en 5 minutes environ. La Russie aussi est en train de réaliser des missiles hypersoniques à moyenne portée mais, en les lançant de son propre territoire, elle ne peut pas frapper Washington. Les missiles hypersoniques russes pourront cependant atteindre en quelques minutes les bases USA, avant tout celles nucléaires comme les bases de Ghedi et Aviano, et d’autres objectifs en Europe. La Russie, comme les États-Unis et d’autres, est en train de déployer de nouveaux missiles intercontinentaux : l’Avangard est un véhicule hypersonique avec portée de 11.000 km et armé de plusieurs têtes nucléaires qui, après une trajectoire balistique, plane sur plus de 6000 km à la vitesse de presque 25.000 km/h. Des missiles hypersoniques sont aussi en train d’être réalisés par la Chine. Les missiles hypersoniques étant guidés par des systèmes satellites, la confrontation-réaction se déroule de plus en plus dans l’espace : à cet effet a été créé en 2019 par l’administration Trump la Force Spatiale des États-Unis. Les armes hypersoniques, dont sont dotées aussi les forces aériennes et navales qui ont une plus grande mobilité, ouvrent une nouvelle phase de la course aux armements nucléaires, rendant en grande partie dépassé le traité New Start à peine rénové par USA et Russie. La course passe de plus en plus du plan quantitatif (nombre et puissance des têtes nucléaires) à celui qualitatif (vitesse, capacité pénétrante et délocalisation géographique des vecteurs nucléaires). La riposte, en cas d’attaque ou présumée telle, se trouve de plus en plus confiée à l’intelligence artificielle, qui doit décider le lancement des missiles nucléaires en quelques secondes ou fractions de seconde. Ainsi augmente de façon exponentielle la possibilité d’une guerre nucléaire par erreur, plusieurs fois risquée pendant la guerre froide. Le « Docteur Folamour » ne sera pas un général fou, mais un super-ordinateur devenu fou. L’intelligence humaine manquant pour arrêter cette folle course à la catastrophe, il faudrait au moins que se déclenche l’instinct de survie, qui jusqu’ici ne s’est réveillé que pour le Covid-19. Les divers types de missiles hypersoniques Ceux avec propulsion par fusée larguent une tête planante, qui évolue à vitesse hypersonique entre 50 et 100 km d’altitude, en manœuvrant pour éviter les missiles intercepteurs. Ceux dotés d’un propulseur de type statoréacteur à combustion supersonique volent à basse altitude, à vitesse hypersonique, en suivant le contour du relief et en manoeuvrant comme des missiles de croisière. À cause de la courbure de la Terre, ils ne sont repérés par les radars terrestres que quand ils sont à 1-2 minutes de l’objectif. Leur repérage radar est rendu plus difficile du fait qu’à vitesse hypersonique, se forme autour de la tête une gaine de plasma à haute température. Les USA sont en train de réaliser les missiles hypersoniques suivants :
Édition de mardi 23 mars 2021 d’il manifesto https://ilmanifesto.it/in-europa-i-missili-ipersonici-degli-usa-e-corsa-al-riarmo/ Traduit de l’italien par M-A P. Le lecteur averti jugera de la part de “communication” dans les annonces étasuniennes dont l’objectif est aussi de drainer les budgets nécessaires à ces réalisations. [1] McConville, James. Project for M e dia and National Security [https://cpb-us-e1.wpmucdn.com/blogs.gwu.edu/dist/2/672/files/2018/02/DWG-McConville-210311.pdf]. DARPA, 11 mars 2021. [2] DARPA’s Operational Fires Ground-Launched Hypersonics Program Enters New Phase [https://www.darpa.mil/news-events/2021-01-21]. DARPA, 11 janvier 2021. |