Poutine détourne les « smart sanctions » d'Obama
Source : INDIAN PUNCHLINE M K Bhadrakumar 30 avril 2014 Contrairement à des indications antérieures selon lesquelles la Russie riposterait avec des mesures « douloureuses» aux sanctions coordonnées de l'Occident, le président Vladimir Poutine a opté pour une réponse non conflictuelle. C'est ce qu'il a déclaré aux médias mardi [29 avril] à Minsk après la réunion au sommet du Conseil Économique Eurasien: " Le Gouvernement de la Fédération de Russie a déjà proposé quelques contre-mesures. Je ne vois pas la nécessité pour nous de prendre des contre-mesures, mais si ce genre de situation continue, bien sûr nous devrons commencer à regarder qui fait quoi en Russie dans les différents secteurs de notre économie, y compris le secteur de l'énergie. Nous n'avons vraiment pas envie de recourir à de genre de mesures, et j'espère que les choses n'en arriveront pas là. " Poutine admet que la première série de sanctions "va certainement nuire" aux relations de la Russie avec les Etats-Unis et l'Union européenne. Mais, comme pour le second round des sanctions annoncées au début de cette semaine, il n’arrivait pas imaginer à propos de quoi elles étaient prises, « car elles n'ont pas lien de cause à effet avec ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine et en Russie » En somme, Poutine affiche son dédain envers les dernières « smart sanctions » d'Obama, et il souligne fermement le bien-fondé de la position russe sur la crise en Ukraine, tout en prenant soin en même temps de ne pas apparaître en confrontation, prenant soin de ne pas marcher dans le piège tendu par Washington - dont la manœuvre consiste à forcer les alliés européens réticents à rentrer dans le rang, et à s'aligner dans le schéma Occident vs Russie. Fait intéressant, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schroeder a rencontré Poutine hier. Les deux hommes d'Etat ont une ancienne amitié au niveau personnel, et l'Allemagne a en effet des enjeux énormes dans les relations économiques avec la Russie, spécialement dans le secteur de l'énergie. D'après des remarques de Poutine, on peut déduire que Moscou était probablement sur le point de répliquer en frappant durement dans le secteur de l'énergie, mais qu'il a pris ensuite en considération les profondes contradictions au sein de l'espace euro-atlantique concernant les relations avec la Russie. La balle est maintenant dans le camp d'Obama. Le piège pour les USA a trois volets : a) La «vieille Europe» n'est pas mobilisée contre la Russie avec laquelle elle a des liens économiques profonds et étendus ; b ) le choix dès lors se rétrécit pour les États-Unis à une option de «coalition des volontaires » comprenant essentiellement les pays de la "Nouvelle Europe" ; c ) mais dans une telle coalition limitée, les USA seront les seuls fournisseur de sécurité et ils auront également à financer l'affaire de garder l'Ukraine à flot, ce qui au-dessus des capacités des États-Unis aujourd'hui. La Russie est essentiellement en train de forcer la partie nulle. Cela ressort de façon évidente de la conférence de presse de Poutine à Minsk, où il a passé au peigne fin la genèse de la crise en Ukraine et la situation « sans issue », dans laquelle les USA se trouvent actuellement, sa « révolution de couleur » ayant échoué à Kiev, et une nouvelle Ukraine ne pouvant pas voir le jour sans la main secourable de Moscou. L'aide de Moscou, bien sûr, aura un prix - à savoir, la garantie de l'Occident que l'Ukraine n'adhère pas à l'UE ou à l'OTAN sans un consensus national du peuple ukrainien dans cette direction, ce qui semble impossible aujourd'hui. Poutine, en fait, a dit candidement qu'il pourrait certes y avoir un « bon nombre de gens » en Ukraine qui voudraient bien voir leur pays se déplacer dans l'orbite occidentale, mais, a-t-il souligné, « il y a encore plus de gens qui ne le voudraient pas », et qui n’apprécient pas le changement de régime illégal dans leur pays. Poutine fait porter la responsabilité de la situation à l'administration Obama, rappelant avec dérision le rôle de l'ambassade américaine à Kiev dans l'attisement des feux de la protestation contre le gouvernement élu de Viktor Ianoukovitch - « Vous savez, elle distribuait sur le Maidan ces gâteaux qui ont pavé la voie à cette crise ». Ayant dit cela, Poutine a aussi mis son prestige personnel en jeu, en affirmant catégoriquement et sans aucune ambiguïté ni réserves, qu'il n'y avait pas de forces russes opérant à l'intérieur de l'Ukraine. « Permettez- moi de dire en toute responsabilité qu'il n'y a pas d'instructeurs russes, ni de forces spéciales ou de troupes de toute nature là-bas [dans l'est de l'Ukraine]. [Les Américains] ont concocté toute cette pagaille, et ils tentent maintenant de résoudre le problème en nous utilisant », a-t'il maintenu. C'est du Poutine grand cru. Si Obama espérait lui faire peur avec l'agenda du changement de régime, Poutine ne semble pas avoir été impressionné. Si le fait de s'en prendre au tsar du pétrole Igor Setchine avait été conçu pour transmettre un message non-ambigu à Poutine lui-même, le Kremlin est en train de donner une riposte - « S'engager dans le dialogue et rechercher de solutions de compromis, voilà ce qui doit être fait. » Hier, Poutine a annoncé que la signature de l'accord final constituant le Conseil économique européen du 29 mai était en très bonne voie. |