Les Etats-Unis, l'Otan et l'armée européenne
Source : Stop USa Pol De Vos 29 avril 2004 Les Etats-Unis, l'Otan et l'armée européenneDr Pol De Vos (Belgique) 1. La globalisation de la crise économique Ces vingt dernières années, nous avons assisté à de gigantesques vagues de concentration du capital à l'échelle mondiale. Actuellement, une douzaine de multinationales contrôlent les divers secteurs de l'économie mondiale. Les deux cents principales multinationales mondiales représentent 25% de la valeur manufacturière mondiale. Quelques milliers de multinationales (sur un total de 65.000) détiennent la majeure partie des moyens de production et les font tourner dans le seul but de réaliser un maximum de profit à l'avantage de leurs actionnaires. Partout, l'exploitation s'intensifie. Le nombre de travailleurs se réduit alors que la productivité s'accroît de façon galopante. Les travailleurs sont surexploités et sous-payés. L'immense majorité de la population mondiale est maintenue en dehors de la production industrielle moderne. Les pays en voie de développement gémissent sous le fardeau de leur dette : 2.500 milliards de dollars, alors que la privatisation a permis aux multinationales américaines et européennes de reprendre la plupart de leurs richesses et entreprises. La surproduction et la crise sont aujourd'hui un phénomène généralisé. En vingt ans de globalisation néo-libérale, les remèdes à court terme à la crise ont été épuisés. En dépit de tous les « gains » réalisés, les Etats-Unis ont été confrontés à la crise la plus grave de toute leur histoire. Désormais, la superpuissance américaine place surtout ses mises sur la « globalisation militaire », sur sa supériorité militaire écrasante, et ce, afin de sauver ses multinationales au détriment du reste de la planète. Les Etats-Unis essaient de gonfler l'économie grâce à une production massive d'armes tout en s'assurant une position hégémonique à l'échelle mondiale et en ratissant le plus grand nombre possible de sources de matières premières et de marchés... L'Union européenne elle aussi est devenue un bloc impérialiste capable de rivaliser avec les Etats-Unis dans les domaines économique et financier. L'euro défie la position du dollar américain en tant que seule devise de réserve internationale. Un transfert vers l'euro d'une partie importante des actuelles réserves mondiales conservées en dollars provoquerait un véritable séisme économique. La même chose serait vraie si une partie importante du commerce pétrolier qui, aujourd'hui, s'effectue en dollars, passait à l'euro. 2. Concentration de la production d'armes aux Etats-Unis et en Europe La concentration à l'échelle mondiale du capital s'est également opérée dans l'industrie militaire. De 1990 à 1998, une série de fusions et de reprises aux Etats-Unis a abouti à la mise en place de quatre producteurs géants dans le secteur aérospatial : Lockheed Martin, Northrop Grumman, Raytheon et Boeing. De 1998 à 2002, le taux de concentration parmi les grosses compagnies s'est ralenti, mais le processus s'est poursuivi au niveau des sous-traitants. La concentration a réduit dramatiquement le nombre d'« entreprises de tête » - les producteurs terminaux des plus importants systèmes d'armements – au cours des années 1990. En 1990, aux Etats-Unis, par exemple, 13 fournisseurs de missiles tactiques fonctionnaient encore. En 2000 ? ils avaient fusionné en trois grosses sociétés. Alors que le processus de concentration et de consolidation de l'industrie américaine de l'armement a été à prédominance nationale, les industries de l'armement des pays ouest-européens ont poursuivi le processus de concentration au-delà de tout niveau national, en conséquence de ce que leurs « marchés » domestiques et leurs budgets d'achats nationaux se réduisaient progressivement. Depuis la fin des années 1990, il y a eu en Europe un certain nombre de fusions et de reprises, ainsi que la constitution de joint-ventures en Europe même. L'une des conséquences de ceci est l'évolution des trois plus gros producteurs d'armes de l'Europe occidentale : BAe Systems, EADS et Thales. Alors qu'ils intègrent sous une seule enseigne la plupart des grosses capacités de production dans les parts de marché de leurs pays respectifs, ils acquièrent également des sociétés de production d'armes à l'étranger. Les gouvernements ont soutenu cette concentration via le déploiement d'un large éventail de programmes communs d'armements, la signature de lettres d'intentions et d'accords-cadres et leur soutien à la création de joint-ventures. La dimension transatlantique de cette internationalisation est plus limitée en raison d'une série de problèmes relatifs au transfert des technologies et – surtout – en raison de préférences dans le choix des arsenaux domestiques, et ce dans le contexte de la concurrence euro-américaine. A l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis, la concentration de la production militaire en Europe s'inscrit dans une mondialisation accrue de la militarisation de l'économie et elle est une composante essentielle de la construction d'une Europe militaire. Divers organes ont été instaurés. En 1993, était fondé le COARM, groupe des « exportations d'armes conventionnelles », dépendant directement du Conseil européen. Son objectif est de coordonner les exports vers les pays du tiers monde. En 1995, a suivi le POLARM, le groupe consacré à la « politique européenne de l'armement », également lié au Conseil européen. La tâche de ses experts consiste à développer une stratégie commune. Le 12 novembre 1996, est créée l'Organisation commune de coopération dans le domaine de l'armement (OCCAR), sur l'initiative des quatre principaux pays de l'Union : la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Son objectif est de coordonner leurs politiques sur le plan de l'industrie militaire. Après le rachat par Boeing de McDonnell Douglas, en 1997, les dirigeants européens craignaient de voir leur industrie militaire terrassée par leurs rivaux américains. Airbus était en danger. En décembre 1997, les chefs d'Etat de l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne signaient une déclaration commune, confirmant que : « La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont un même intérêt essentiel, politiquement et économiquement, à s'assurer que l'Europe ait une industrie efficace et compétitive dans le domaine de l'aérospatiale et de l'électronique de défense. Cela permettra à l'Europe d'améliorer sa position commerciale dans le monde, de renforcer sa sécurité et de s'assurer un rôle complet dans sa propre défense. Nous nous sommes mis d'accord sur la nécessité urgente de réorganiser l'industrie dans le domaine de l'aérospatiale et de l'électronique de défense. Ce processus devrait inclure, dans le secteur aérospatial, des activités civiles et militaires, et mener à une intégration européenne reposant sur un partenariat équilibré. » 1 Le 27 mars 1998, les présidents des sociétés participant au projet Airbus (DASA, British Aerospace et Aérospatiale) proposaient de développer une société intégrée, l'European Aerospace and Defence Company (EADC). L'accord était signé en décembre 1999. EADC contrôle 80% d'Airbus (qui représente 50% de son chiffre de ventes), 100% d'Eurocopter, 62,5% d'Eurofighter, 25,9% d'Arianespace, 75% d'Astrium, 46% de Dassault, etc. Le groupe français Lagardère et le groupe allemand Daimler (c'est-à-dire la Deutsche Bank) dominent EADC. La concentration, européenne conduit à la constitution de quelques groupes très puissants. Outre EADC, il y a BAe Systems, la nouvelle appellation de British Aerospace, devenu la première industrie de défense de la planète, après avoir repris les activités de contrôle de systèmes de .Lockheed Martin. Son président définissait sa société comme « la première société américaine en Europe et la première société européenne aux Etats-Unis ». 2 Son poids est plus important aux Etats-Unis qu'en Europe. Ce qui constitue – en même temps que les intérêts pétroliers coïncidents – un élément important pour expliquer l'impatience britannique de participer à la guerre des Etats-Unis contre l'Irak. EADS est devenu le « véritable » pôle européen, mais il est fortement lié à BAe Systems. Ces développements industriels – aux Etats-Unis et en Europe – entraînent une véritable course mondiale aux armements. Selon le Stockholm International Peace Research Institute, quelque 80% du total des équipements militaires mondiaux sont produits par des membres de l'Otan (chiffres de 1996). Les membres suivants de l'Otan font partie des dix principaux producteurs militaires mondiaux : Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Italie et Canada. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, à eux trois, prenaient à leur compte environ 70% de la production totale d'armements de cette année. 3. Le changement de stratégie de l'Otan Yougoslavie 1999 : « Le nouveau concept stratégique » Après la disparition de l'Union soviétique et du pacte de Varsovie, l'Otan a progressivement perdu sa raison d'être en tant qu'alliance de défense. Dans le but d'utiliser l'alliance au profit de leurs ambitions à l'échelle planétaire, les Etats-Unis tout mis en oeuvre pour que la doctrine de l'Otan reçoive une nouvelle définition. L'Otan ne devrait pas uniquement servir à défendre l'intégrité territoriale de ses membres, mais également à mener des « interventions humanitaires » en dehors de son territoire. Cette nouvelle stratégie a été mise en pratique au cours de la guerre contre la Yougoslavie. Dans ce pays, pour la première fois, l'Otan intervenait en dehors du territoire couvert par le traité. Ce « nouveau concept stratégique » fut ratifié par la suite lors d'un sommet qui se tint à Washington à la fin du mois d'avril 1999. La prétendue « guerre humanitaire » de l'Otan en Yougoslavie fut vendue au public comme étant un moyen de régler des conflits entre groupes ethniques, alors que son but réel était d'étendre les sphères d'influence des Etats membres de l'Otan et de leurs alliés constitués. Une récente escalade dans les contradictions ethniques au Kosovo (mars 2004) prouve l'échec complet de l'occupation « humanitaire » par l'Otan. Les minorités restantes du Kosovo n'ont aucune liberté de mouvement, vivent dans des ghettos et doivent affronter d'incessantes attaques terroristes ainsi que la destruction de leurs biens et avoirs. La « Force de riposte de l'Otan » et l'implication de l'Otan dans la « guerre contre le terrorisme » Le sommet de Prague de novembre 2002 a réinséré l'Otan dans la stratégie d'évolution des Etats-Unis vers la domination mondiale et qui, aujourd'hui, porte le nom de « guerre contre le terrorisme ». D'organisation de « défense » (1949), en passant par un stade d'organisation de « défense et de sécurité » (1999), l'Otan se transforme en organisation « antiterroriste ». Le secrétaire général de l'Otan, Lord Robertson, a décrit les décisions de Prague comme « un nouveau plan de capacités doté de fortes implications nationales en vue de parer aux besoins les plus urgents; des propositions concrètes afin d'améliorer les capacités de défense de l'Otan contre les armements biologiques et chimiques; un ensemble de mesures antiterroristes qui oblige l'Alliance à intervenir là et quand c'est nécessaire; des réformes internes garantissant que l'Otan élargie demeurera une organisation efficace et flexible ». C'est dans ce contexte qu'a été créée la « Force de riposte de l'Otan », dans le but d'assurer des interventions mobiles et efficaces en dehors du territoire même de l'Otan. Cette armée destinée à des interventions rapides de combat à l'échelle mondiale disposera de 21.000 hommes d'ici 2006. 3">ref3">3 Le contenu concret de cette nouvelle stratégie a été officiellement accepté durant une réunion de l'Otan à Bruxelles, en juin 2003. A travers cette réforme fondamentale de l'Otan, l'alliance se prépare manifestement à mener des guerres un peu partout dans le monde afin de faire régner l'ordre néo-colonial. Le secrétaire général Robertson expliquait : « C'est une nouvelle Otan. Une Otan capable de remplir ses engagements quand les temps se durcissent, depuis le détroit de Gibraltar au Sud de la Turquie, en passant par les Balkans. Une Otan se préparant aujourd'hui à entreprendre une exigeante mission de stabilisation dans la capitale afghane. Bref, une Otan transformant ses affiliations, ses relations, ses capacités et ses missions. » 4 Robertson était très clair sur les objectifs de l'Otan : l'organisation veut jouer un rôle central dans la stratégie prévoyant de contrer toutes tentatives de résistance et d'opposition à la domination et à l'hégémonie mondiales sous la direction des Etats-Unis. Robertson y allait ensuite de quelques exemples pour 2003 : « Dernièrement, nous en avons terminé avec le déploiement de l'aviation de surveillance, des systèmes de défense balistique et des unités de protection nucléaires, biologiques et chimiques en Turquie. Nous continuons, dans la Méditerranée, à mener de larges opérations maritimes contre le terrorisme. Nous restons engagés de façon décisive dans les Balkans. A partir d'août, l'Otan assumera le rôle central dans la Force internationale d'Assistance sécuritaire à Kaboul, en Afghanistan. Et, la semaine dernière, l'Otan a répondu favorablement à la requête de la Pologne en faveur du soutien de l'alliance dans le rôle qu'elle va assumer cet été dans la stabilisation de l'Irak. » Davantage d'argent pour l'armement, moins pour la sécurité sociale et la santé... La « paix et la stabilité » que l'Otan prétend défendre n'est autre qu'une volonté de s'assurer l'hégémonie mondiale par tous les moyens nécessaires. La réforme de 2003 comprend quatre points principaux, comme Robertson l'a expliqué. Tout d'abord, une structure de commandement plus flexible qui prendra la direction de l'alliance : « Tous les commandements opérationnels seront sous le contrôle des nouvelles Opérations du Commandement allié, cantonnées au SHAPE, à Mons, Belgique. » Secundo, tous les pays membres ont pris une série d'engagements concrets destinés à accroître leurs capacités militaires, principalement leurs forces aériennes et navales. Ceci se traduira nécessairement par une importante augmentation des budgets de la défense de tous les Etats membres de l'Otan. Tertio, il existe un accord sur « la création d'un nouvel outil clé, la Force de riposte de l'Otan. Il s'agira d'une force combattante de réaction robuste et rapide qui pourra être aisément déployée partout dans le monde. Elle pourrait avoir une capacité opérationnelle précoce, dès l'automne de cette année. » Et, finalement, comme l'expliquait Robertson, il y a « des progrès importants sur le plan de la défense balistique et dans nos assortiments de défense chimiques, biologiques, nucléaires et antiterroristes. » Ces réformes seront réalisées très rapidement, et Robertson est optimiste : « Le monde a changé fondamentalement pour devenir plus complexe et même plus dangereux qu'auparavant. Mais l'Otan a su tenir le rythme. Elle a prouvé son élasticité, sa force et sa détermination. C'est un facteur décisif dans notre sécurité et dans une stabilité plus large. Une force pour l'avenir, qui travaille déjà pour la paix aujourd'hui. » Puisqu'ils font partie de « l'Initiative des Capacités défensives de l'Otan », les Etats membres de cette dernière se sont engagés à accroître leurs capacités militaires dans « des projets de pouvoir, la mobilité et un accroissement de leurs possibilités inter-opérationelles ». Ceci va requérir d'importantes dépenses militaires additionnelles. Depuis 1995, les pays européens de l'Otan ont déjà accru leurs dépenses en équipements militaires de 11% en termes réels. Par le biais de l'Otan, les Etats-Unis poussent l'Europe vers des dépenses militaires de plus en plus élevées, tout en assurant sa dépendance vis-à-vis des mêmes Etats-Unis. Le budget militaire américain atteignait presque 400 milliards de dollars en 2003, alors que les dépenses militaires totales de ses alliés de l'Otan s'élevaient à 165 milliards de dollars. Lors du sommet de l'Otan de décembre 2001, le secrétaire général Robertson insista sur une augmentation de ces budgets. L'Italie annonça une augmentation passant de 1,5 à 2% de son PIB et la France allait augmenter son budget en vue de l'acquisition de nouveaux équipements (+1.7%). En janvier 2003, le parlement français décidait un investissement de 14,6 milliards d'euros en 5 ans. La Belgique et l'Allemagne ont été critiquées par l'Otan parce qu'elles ne consacraient que 1,5% de leur PIB à des dépenses militaires. L'Allemagne décida de dépenser 7,8 milliards d'euros par an pour sa défense dès 2010, soit une augmentation de 78%, en comparaison avec les 4,4 milliards d'euros actuels. En attendant, les budgets militaires américain et canadien n'ont cessé non plus d'augmenter, ces dernières années. Les budgets militaires des pays de l'Otan s'élevaient à quelque 60% des dépenses militaires totales dans le monde (798 milliards de dollars) pour l'année 2000. 4. Le futur engagement de l'Otan en Irak a déjà été décidé Pas à pas, l'Otan acquiert une position de force occupante dans les pays colonisés par l'agression américaine. En Afghanistan, l'Otan a repris la responsabilité finale de l'occupation. Il s'agissait d'un nouveau pas qualitatif dans le développement de l'Otan. En décembre 2003, le secrétaire d'Etat américain Colin Powell confirmait que tous les alliés de l'Otan avaient été unanimement d'accord sur une hausse du taux d'engagement en Irak. « Pas un seul membre de l'Otan n'a été contre cette idée ni n'a donné de raisons de ne pas y participer », déclara Powell, « pas même la France ou l'Allemagne ». 5 Aujourd'hui, 18 des 26 membres de l'Otan exercent une forme de présence ou l'autre en Irak. En février 2004, l'ambassadeur américain à l'Otan, Nicholas Burns, parlait de « forte volonté politique au sein de l'alliance d'en faire plus en Irak ». Washington suggérait que l'Otan reprenne le commandement des divisions déployées en Irak du centre sud actuellement sous le commandement de la Pologne. Mais Burns ajouta que l'augmentation de la présence militaire de l'Otan en Afghanistan allait occuper le centre des discussions au cours des mois à venir. « Je pense qu'il est trop tôt pour discuter formellement au sein de l'Otan d'un rôle formel en Irak. La discussion viendra plus tard, peut-être au printemps ou au début de l'été... » 6 A la suite de la promesse de l'Allemagne, la France et la Belgique, l'Otan ne sera engagée qu'après la reprise formelle du pouvoir politique par les Irakiens, à la fin de juin prochain. Même si le nouveau gouvernement irakien était un régime fantoche complètement dépendant des Etats-Unis, un tel gouvernement de façade ouvrirait la voie à une résolution de l'ONU accordant à l'Otan un mandat pour une prétendue « mission de paix ». A la fin 2004 ou au début 2005, l'Otan pourrait être sur le terrain. L'Europe désire réellement participer à une occupation (pacifique). Non à cause de son désir de restaurer la paix et la souveraineté du peuple irakien, mais pour s'assurer sa part de profit pour ses propres multinationales... Naturellement, les évolutions actuelles en Irak influenceront certainement, et de façon décisive, la date et le mode de participation de l'Otan dans l'occupation. Mais la décision a été prise. Seule une intensité croissante de la résistance irakienne ainsi que la capacité de mobilisation du mouvement de la paix partout dans le monde, et particulièrement en Europe, pourrait encore l'empêcher. 5. Les Etats-Unis contre l'Europe : les contradictions croissantes Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis sont aujourd'hui la seule superpuissance disposant de la stratégie, des moyens et de la politique pour s'assurer et conserver l'hégémonie mondiale. Pour les Etats-Unis, l'Otan demeure un instrument en vue de garantir cet ordre hégémonique mondial. Les Etats-Unis utilisent l'Otan pour s'assurer le contrôle de l'Europe et empêcher toute tentative d'insubordination envers leurs plans. En 1995, le Pentagone déclarait que « l'Otan est l'instrument le plus important d'une direction américaine de longue durée sur la situation de la sécurité européenne ». 7 Steven Metz, un expert de l'armée américaine, avertissait de ce que « l'objectif américain devait être de veiller à ce que la capacité défensive de l'Europe se développe en tant que complément, dans le même temps que le rôle prépondérant de l'Otan restera intact ». 8 A travers l'Otan, les Etats-Unis continuent à impliquer leurs alliés dans des guerres d'agression, comme en Yougoslavie, en Afghanistan et en Irak. Même si le secrétaire général de l'Otan est toujours un Européen, les Etats-Unis n'acceptent de travailler qu'avec des gens capables de garantir que cette politique sera toujours mise en pratique. L'ancien secrétaire général de l'Otan, Lord Robertson, confirma par exemple lors de la Conférence des Industries de Défense, à Londres, le 14 octobre 2002, que « même en 2015 et ce, malgré – et naturellement, en partie à cause de – le gain de puissance de l'Europe, les Etats-Unis fourniront le noyau indispensable autour duquel les coalitions militaires se construiront ». 9 L'actuel secrétaire général de l'Otan, l'ancien ministre hollandais des Affaires étrangères Jaap de Hoop Scheffer, aura besoin de tout sa force de persuasion pour rebâtir les relations transatlantiques mises à mal par une querelle entre les Etats-Unis et la France et l'Allemagne à propos de la guerre en Irak dirigée par les Etats-Unis. Mais les Etats-Unis sont confiants : de Hoop Scheffer a toujours été un « transatlantique » très convaincu. « S'il y a bien quelqu'un du camp transatlantique qui serait à même de construire des ponts vers la France, c'est lui », a révélé une source diplomatique à Reuters. 10 De Hoop Scheffer avait été accueilli à bras ouverts à la Maison-Blanche, au début 2003, pour avoir forcé le soutien politique hollandais à la guerre en Irak dirigée par les Etats-Unis. C'est un candidat très convenable, pour les Américains, mais il est toujours acceptable pour les Allemands, pour les Français et les Belges, puisque les Pays-Bas n'ont pas soutenu la décision d'aller en guerre dans le sens militaire, mais uniquement dans un sens politique (même si, par la suite, ils ont envoyé des troupes pour soutenir l'occupation). Il est surtout une expression de l'équilibre du pouvoir existant au sein de l'Otan : l'Europe n'a d'autre choix que d'accepter la domination américaine. La récente guerre (qui se poursuit, d'ailleurs) en Irak montre de sérieuses contradictions entre les Etats-Unis et l'Union européenne. Ces contradictions constituent une expression bien tranchée de la rivalité croissante entre les deux puissances économiques occidentales et qui n'a cessé de s'accentuer depuis 1989, lorsque la chute de l'Union soviétique mit un terme à l'union sacrée avec l'ennemi communiste. Le Premier ministre belge Guy Verhofstadt expliquait en février 2003 : « Aussi longtemps que les divisions de l'Armée rouge pouvaient atteindre le Rhin en 48 heures, il était évident de maintenir un lien de sang avec nos cousins américains. Mais, aujourd'hui, la guerre froide est terminée et les points de vue contradictoires peuvent s'exprimer plus ouvertement. D'un point de vue économique, l'Europe est devenue une puissance mondiale. Sur le plan international, l'Europe adopte un profil qui lui est propre, elle développe ses propres projets et montre ses propres ambitions. C'est aussi ce qui explique les tensions qui sont apparues au sein de l'Alliance atlantique. » 11 Les différences de stratégie entre les deux blocs économiques sont nées de la nécessité de l'Europe de conquérir une place plus importante dans la domination du monde, et cela ne peut se faire qu'au détriment des Etats-Unis. Ceux-ci sont une puissance économique en déclin, rattrapée et même dépassée par la puissance économique mondiale de l'Union européenne. Mais la puissance militaire américaine reste incomparablement supérieure. A la fin, c'est sur cette force destructive inégalée que l'impérialisme américain parie afin de maintenir et de renforcer sa domination et son exploitation au maximum. L'Europe, qui ne progresse que très timidement dans la construction de son armée européenne, tente d'empêcher les Etats-Unis de jouer leurs cartes militaires. Non en raison de l'aversion de l'Europe à l'égard des armes, mais à cause de son manque d'armes. Les objectifs militaristes de l'oligarchie européenne étaient déjà évidents en septembre 1991, trois mois avant le sommet de Maastricht, lorsque la Table ronde européenne fit son évaluation de la guerre du Golfe de 1991 : « La crise du Moyen-Orient de 1990 a montré la difficulté de transposer nos développements techniques et économiques sur la scène politique : et c'est là le paradoxe européen, un géant économique mais un nain politique. (...) L'Europe a des intérêts à défendre dans le Golfe et des idées sur ce qu'il convient de faire. Mais quand il convient d'user la force, l'Europe n'a pas les mécanismes de décision ni les moyens qui permettraient d'intervenir. Aujourd'hui, c'est un anachronisme de prétendre que l'Union européenne peut gérer ses problèmes économiques d'une façon satisfaisante tout en laissant à d'autres le soin de débattre les questions de politique étrangère. » 12 Thomas Friedman, journaliste du New York Times et partisan du libre marché, a montré clairement comment l'économie mondiale est liée à la guerre quand, en mars 1999, durant la guerre de Yougoslavie, il écrivait : « la main cachée du marché ne fonctionnera jamais sans un poing de fer – McDonald's ne peut prospérer sans McDonnell Douglas, le constructeur du F-15. Et le poing caché qui garde le monde en sécurité pour les technologies de Silicon Valley s'appelle l'Armée de terre, les Forces aériennes et le corps des Marines des Etats-Unis. » 13 Il n'est pas superflu de rappeler que l'Union européenne s'est considérée elle-même comme une institution au service de ses propres multinationales et que « si McDonald's a besoin de McDonnell, Danone a aussi besoin de Dassault » . 14 Nain militaire, l'Europe doit jouer la carte économique pour entrer au Moyen-Orient. Par exemple, les exportations de l'Allemagne vers l'Iran sont passées de 1,6 milliard en 1999 à 2,33 milliards en 2001. Au cours des cinq premiers mois de 2002, elles ont augmenté de 17% par rapport à l'année précédente. L'Allemagne est devenue la principale importatrice au monde de produits iraniens, à l'exception du pétrole. L'Europe aimerait également se débarrasser des régimes trop indépendants, trop attachés à leur souveraineté, trop jaloux de leur propre développement. Elle aimerait installer des régimes pro-européens en Irak, en Iran, en Syrie et partout ailleurs, via des moyens politiques, en d'autres termes, en renforçant les groupes d'opposition pro-européens, ce qu'on appelle communément la « société civile ». Dans un même temps, toutefois, la majorité des pays européens sont conscients de ce qu'ils ne peuvent le faire sans la puissance militaire américaine. Via l'expérience de la Yougoslavie et – de façon plus évidente – les véritables contradictions en Irak aujourd'hui, l'Union européenne est de plus en plus convaincue de la nécessité d'avoir sa propre armée. Néanmoins, l'Otan reste le seul cadre dans lequel l'Europe, aujourd'hui, peut intervenir militairement et à grande échelle dans le monde. Par conséquent, même s'ils s'opposent à l'agression contre l'Irak, la plupart des Etats européens ont soutenu de diverses façons les efforts de guerre américains en Irak. L'armée américaine a été autorisée à utiliser tous les ports, aéroports et autres infrastructures des pays de l'Otan. 6. L'expansion de l'Otan vers l'Est Après l'annexion par l'Otan de la République tchèque, la Hongrie et la Pologne voici quelques années, l'adhésion récente de la Bulgarie, l'Estonie, les Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie ont encore accéléré l'expansion de l'Otan vers l'est. L'expansion de l'Otan vers l'Europe centrale et l'Europe de l'est représente un moyen d'intégrer les forces militaires de ces pays sous le contrôle de l'Otan (et principalement des Etats-Unis). En tant qu'unités militaires de l'Otan, les forces armées des nouveaux Etats membres de l'Otan doivent se soumettre aux exigences en matière de standardisation de l'entraînement militaire, des armements et autres équipements militaires. Ces requêtes de standardisation selon les normes spécifiques de l'Otan constituent un filon terrible pour les industries militaires des Etats-Unis et de l'Europe qui vont tirer d'amples bénéfices de cette extension de leurs marchés d'exportations. Les nouveaux Etats membres de l'Otan perdent également leur souveraineté sur d'autres aspects importants de leurs forces armées, tels le commandement, le contrôle, le fonctionnement des communications et des renseignements, qui risquent également d'être soumis aux auspices de la standardisation de l'Alliance. Les raisons de l'expansion vers l'est de l'Otan sont en majeure partie économiques. Par exemple, l'accès militaire et le contrôle de l'Otan sur l'Europe de l'Est aide les sociétés ouest-européennes à s'assurer des ressources énergétiques stratégiques, tel le pétrole de la mer Caspienne et de l'Asie centrale. Les sociétés américaines et ouest-européennes tireront grandement parti du contrôle de l'Otan sur le corridor pétrolier qui passe par les montagnes du Caucase. L'Otan veut que ses troupes patrouillent autour de ce pipeline et qu'elles dominent la route arménienne et russe vers la mer Caspienne. Le Caucase lui aussi relie le pipeline Adriatique-Ceyhan-Bakou aux pays riches en pétrole un peu plus à l'est, dans les anciennes républiques soviétiques de l'Asie centrale que sont le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Des milliards de dollars en pétrole vont pouvoir, un jour ou l'autre, emprunter ces corridors vers l'Europe occidentale au profit des compagnies pétrolières basées en Occident. Cet élargissement de l'Otan a une influence importante sur les contradictions internes au sein de l'Otan même. De l'Estonie à la Bulgarie, les Etats-Unis ont aujourd'hui 10 nouveaux – ou assez récents – Etats dans l'Otan sur le soutien desquels Washington peut compter lorsque les contradictions entre les Etats-Unis et l'Europe vont s'intensifier à l'avenir. L'adhésion de ces pays à l'Otan renforce les Etats-Unis par rapport à l'Allemagne et la France, les rivaux de l'impérialisme américains au sein de la « vieille Europe ». Cela rapproche les forces américaines de la frontière russe, avec des bases aériennes qui ne sont qu'à cinq minutes de vol de Saint-Pétersbourg. Et les jeunes travailleurs de ces pays représentent une source supplémentaire de chair à canon pour les occupations militaires américaines. Elles sont déjà stationnées en Irak, Afghanistan et Yougoslavie. 15 Mais Washington a d'autres raisons de procéder à cette expansion de l'Otan. Avant 1989, les gens vivant dans les sept nouveaux Etats membres faisaient partie du camp socialiste. La Bulgarie et la Roumanie étaient des pays indépendants. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie étaient des républiques de l'Union soviétique. La Slovaquie faisait partie de la Tchécoslovaquie. La Slovénie était la plus riche des républiques yougoslaves. Les peuples de tous ces pays avaient accès à la gratuité de l'éducation, des soins médicaux et ils connaissaient pour ainsi dire le plein emploi. Les différences de salaires étaient relativement minimes. Aujourd'hui, l'éducation, les soins médicaux et tout le reste sont assujettis au « libre marché » dominé par les monopoles occidentaux. L'extrême minorité de gens très riches dans ces pays le sont en raison de leurs connexions avec ces monopoles. Il y a beaucoup de chômage, aujourd'hui, et, par ailleurs, des travailleurs très pauvres. Les conditions de vie, spécialement pour les travailleuses, se sont vilainement détériorées. Les gouvernements qui ont accepté les exigences liées à l'adhésion au sein de l'Otan, désirent cette adhésion à l'alliance en vue d'une protection future si, d'aventure, la classe ouvrière de leur pays se révoltait. 7. Une pression croissante vers une armée européenne L'armée européenne est à l'ordre du jour parce que la superpuissance européenne veut jouer un rôle dans la lutte pour le repartage du monde qui a débuté lorsque l'URSS a disparu. La « guerre contre le terrorisme » est le prétexte d'une lutte commune où « Américains et Européens sont des partenaires dans ces valeurs communes qui sont au-delà de toute discussion ». 16Aucun gouvernement européen ne doute de la nécessité de l'Otan. Même ceux qui sont le plus « européens » savant que, pour la défense de leurs intérêts communs, ils ont toujours besoin, et durant de nombreuses années encore, de l'Otan et de son infrastructure. Verhofstadt explique sa conception de l'armée européenne en tant que « pilier européen au sein de l'Otan ». « La solidarité au sein de l'Alliance risque de disparaître en raison de son manque d'équilibre : une superpuissance et 18 Etats, la plupart européens, sans une ligne commune en matière de défense, et dont certains pensent toujours qu'ils sont eux-mêmes une superpuissance, alors que, comparés aux Etats-Unis, ils ne font guère le poids. » Mais pour la France et l'Allemagne (et la Belgique), le pilier européen de l'Otan n'est qu'une étape vers la construction d'une armée européenne indépendante comparable à celle des Etats-Unis. Par conséquent, dans certaines régions, ceux qui sont considérés comme des « terroristes » par certains, ne sont pas nécessaires des « terroristes » pour d'autres. Les Etats qui fournissent pétrole et gaz au continent européen sont, en maintes occasions, en conflit avec Washington. Ces « Etats voyous », pour reprendre l'étiquette de la Maison-Blanche, assurent 27% du pétrole européen. Et cela, sans compter les 14% de la Russie, les 3% de l'Algérie et les 2% du Venezuela, trois pays qui n'entretiennent pas de très bonnes relations avec l'impérialisme américain. C'est un point essentiel sur lequel les intérêts européens et américains risquent de diverger de plus en plus à l'avenir. Le Moyen-Orient et l'Asie centrale sont plus importants pour l'approvisionnement pétrolier de l'Europe que pour les Etats-Unis. Ainsi donc, cette partie du monde est stratégique pour l'Europe (et pour le Japon, la Chine, le reste de l'Asie et la Russie). Par conséquent, le fait que les Etats-Unis sont intéressés par le contrôle de cette région constitue une affirmation de leur désir d'hégémonie. Alors qu'en même temps, c'est l'endroit par excellence où cette suprématie pourrait être défiée. La confrontation au sujet de l'Irak, en 2002-2003, révèle les contradictions croissantes entre l'impérialisme américain et l'impérialisme européen. Manifestement, ceci concerne moins les « armes de destruction massive » que la mise en place d'un ordre nouveau dans le monde arabe. De là vient la demande d'accélérer la constitution d'une force militaire européenne, capable de défendre les intérêts des monopoles européens chaque fois qu'ils divergent des intérêts américains ou ceux de tout autre concurrent ou ennemi. Il y a dix ans, la France et l'Allemagne avaient déjà développé l'Eurocorps auquel la Belgique, le Luxembourg et l'Espagne sont susceptibles de participer. La chose avait été perçue comme le point de départ de la future armée européenne. Depuis, le pilier de la politique étrangère et sécuritaire commune (CFSP) a été introduit dans le traité de Maastricht (1993). 17 Lors du sommet de Cologne de juin 1999, un mois après la guerre contre la Yougoslavie, il fut décidé qu'une « force européenne d'intervention rapide » de 60.000 soldats allait être créée. Mais les contradictions demeurent et se sont encore accrues depuis la guerre de l'Irak. Alors que la Grande-Bretagne considère clairement l'armée européenne comme un « pilier de l'Otan », la France et l'Allemagne (ainsi que la Belgique) soutiennent la constitution d'une « avant-garde européenne » composée des pays désireux d'accélérer le développement d'une « politique sécuritaire et défensive européenne ». 8. Conclusion L'axe France-Allemagne-Belgique affirme que la constitution d'une armée européenne est une nécessité pour développer un contrepoids à la politique hégémonique des Etats-Unis. Ces trois pays présentent l'Europe comme une alternative humaine, sociale, écologique et multilatérale aux Etats-Unis. Verhofstadt affirme : « L'union européenne a un profil plus modéré dans le monde que les Etats-Unis, sans pour autant leur être inférieure. L'Europe est présentée comme un exemple de coopération multilatérale. L'Europe est perçue comme un continent sensible aux problèmes sociaux et écologiques, comme un continent qui comprend que sa propre richesse est vulnérable si la plupart des peuples du monde souffrent de la faim. » 18 Nous ne sommes pas d'accord avec cette déclaration. L'armée européenne n'est pas une solution à la politique de guerre américaine. C'est également une armée impérialiste, au service des intérêts économiques des monopoles européens. Sa création accroît le danger de guerre, conduit à la militarisation de l'économie, à l'explosion des budgets militaires et à la rupture des droits démocratiques. Si « l'Europe des monopoles » parle de diplomatie, de dialogue et de multilatéralisme, c'est avant tout parce qu'elle n'a pas encore les moyens d'imposer ses vues face à la puissance militaire américaine. Le passé européen en Afrique, en Amérique latine ou en Asie montre la férocité de l'impérialisme européen là et quand il a été dominant. L'armée européenne ne fera qu'accélérer la rivalité et le danger d'une guerre mondiale majeure. Plus cette armée sera en mesure de développer sa capacité d'intervention à l'étranger, plus elle renforcera la capacité politique de l'Union européenne, plus elle rendra possible une politique européenne indépendante en faveur des multinationales européennes, plus elle donnera à l'Union européenne la possibilité de défendre ses zones d'influence contre d'éventuels concurrents, comme les Etats-Unis, par exemple. Ceci peut mener à d'importants conflits, comme on l'a vu lors des deux précédentes guerres mondiales. Un commentaire final. Sans aucun doute, la crise à propos de l'Irak a sévèrement divisé l'Otan. Mais à l'égard du Moyen-Orient, les intérêts communs de l'Europe et des Etats-Unis sont – dans la situation actuelle sur le terrain, en Irak – sans commune mesure plus importants que ce qui oppose les Etats-Unis et l'Union européenne. Tous deux veulent garantir la « stabilité » de la région du Moyen-Orient. Les Etats-Unis sont obligés par la réalité des choses de laisser leurs partenaires entrer dans l'affaire. Et l'Europe a hâte de le faire. Malgré toute la rancœur qui pourrait toujours subsister au sein même de l'alliance, l'Otan subit une profonde transformation qui en fait une organisation « dont les principales missions sont la sécurité collective et la gestion de la crise et dont le principal centre d'activité est de plus en plus situé dans le monde musulman. L'Otan aujourd'hui assure la sécurité de l'Afghanistan. Et, au-delà, l'Otan se prépare actuellement à se déplacer vers le Moyen-Orient. » 19 La question de savoir si, et quand, l'Otan va entrer en Irak dépendra de la résistance opposée par le peuple irakien à ses occupants. « Bien que l'actuelle priorité de l'Otan soit l'Afghanistan et qu'elle soit réticente à entrer en Irak sauf si ses membres de mettent d'accord autour de cette idée, le principe de l'engagement au Moyen-Orient ne fait pas l'objet d'une contestation. Ce serait plutôt la question de savoir comment procéder, c'est-à-dire les modalités de cet engagement. En fait, l'Otan est manifestement en voie de créer une base plus solide pour ses relations avec le Moyen-Orient. Le nouveau plan de l'Otan, baptisé « Davantage d'initiative au Moyen-Orient », sera dévoilé lors de son prochain sommet à Istanbul, en juin. » 20 S'ils veulent bloquer les préparatifs de guerre américains et préserver la paix mondiale, les peuples du monde ont raison d'exiger le retrait des troupes d'occupation américaine des Balkans, de l'Afghanistan et de l'Irak, la dissolution de l'Otan et le démantèlement des bases militaires américaines à l'étranger. Le mouvement anti-guerre mondial prend de l'ampleur, dans le même temps que le surcroît de l'agressivité américaine et la complicité de l'Otan vont nous aider à renforcer son caractère anti-impérialiste. Nous nous opposons à toute augmentation des budgets militaires, à tout développement ou production de nouvelles armes. Pas un cent, pas un homme pour l'armée impérialiste. Pas d'argent pour la guerre impérialiste, mais pour l'éducation, la santé et l'emploi. Nous soutenons le droit des nations opprimées à se défendre. Nous luttons pour la signature de pactes de non-agression, dans le but de préserver la souveraineté et la sécurité collective des nations. Notes 1 http://www.archives.premier-ministre.gouv.fr/jospin_version2/PM/091297.HTM. 2 Burkard Schmitt. “From Cooperation to Integration: Defence and Aerospace Industries in Europe,” Chaillot Paper 40, Paris: Western European Union Institute for Security Studies, juin 2000. p.53. 3Robert van de Roer, NAVO gaat ingrijpend reorganiseren, NRC-Handelsblad , 7 juin 2002. 4 http://www.NATO.int/docu/update/2003/06-june/e0612a.htm. 5www.cnn.com – 4 décembre 2003. 6www.yahoo.com – Reuters, 5 février 2004. 7US Department of Defense, United States security strategy for Europe and NATO, juin 1995. 8Steven Metz, The American army in the Balkan, strategic alternatives and implications, Strategic Studies Institute (SSI), janvier 2001. 9www.NATO.int/docu/speech/2002/s21014a.html. 10http://www.reuters.co.uk/newsPackageArticle.jhtml?type=topNews&storyID=376518§ion=news . 11Discours prononcé par le Premier ministre Guy Verhofstadt à La Haye, le 19 février 2002. (http://www.diplomatie.be/fr/press/speechdetails.asp?TEXTID=4661) 12 ERT, Remodeler l'Europe, Bruxelles, septembre 1991, p.58. 13 Friedman Thomas. New York Times Magazine, 28 mars 1999. 14 Geoffry Geuens. The B Russell s Tribunal, Questioning the New Imperial World Order.p.51, Bruxelles, avril 2004. ( www.brusselstribunal.org ) 15Stratfor Weekly , 2 février 2004. 16 Lydia Pnevmaticou, « Aspects juridiques de la politique européenne de sécurité et de défense », Institut d'études de sécurité - Union de l'Europe occidentale, Publications occasionnelles, n°31, novembre 2001, p.1. 17 http://ue.eu.int/Pesc/default.asp?lang=en. 18 Discours prononcé par le premier ministre Guy Verhofstadt à La Haye, le 19 février 2002. (http://www.diplomatie.be/fr/press/speechdetails.asp?TEXTID=4661) 19 Stephen Blank, NATO's Drive to the East (February 11, 2004). Stephen Blank is a Professor in the Strategic Studies Institute at the U.S. Army War College. http://www.inthenationalinterest.com/Articles/Vol3Issue6/Vol3Issue6BlankPFV.html . 20 Ibidem. |