Palestine, Yémen, Liban...
Le silence médiatique comme arme de guerre
Roland Marounek
3 mai 2025

Dimanche 13 avril 2025 : le bombardement de la ville ukrainienne de Soumy par la Russie fait 34 morts, dont deux enfants. La RTBf qui en fait le tout premier titre de son journal du soir, sa meilleure audience, annonce « des images terribles [qui] nous viennent d’Ukraine ». L’émotion est à son comble. Les États-Unis évoquent une attaque qui dépasse les limites de la décence, Olaf Scholz parle d’une attaque barbare, Georgia Meloni dénonce une attaque russe horrible et lâche, Emmanuel Macron estime que Poutine poursuit une guerre au mépris des vies humaines. Ursula von der Leyen tweetera sur « la cruauté russe » et le coté barbare et ignoble de l’attaque, la ministre des Affaires étrangères allemande estime qu’il s’agit d’une attaque délibérée sur des civils qui démontre la volonté de détruire de Poutine, son homologue français en appelle l’UE à asphyxier la Russie.

Le correspondant de la RTBf est catégorique : « Je peux vous dire avec certitude que les rues qui ont été touchées n’ont absolument rien de position militaire, ce sont des rues qui sont commerçantes et parfois même piétonnes, et c’est peut-être là la raison pour laquelle des centaines de civils ont été touchés ce matin ».

Deux jours plus tard, l’Ukraine elle-même confirmait la « version russe » : la frappe visait les troupes ukrainiennes qui s'apprêtaient à assister à une cérémonie de remise de prix. « Le gouverneur de la région a été renvoyé ce mardi 15 avril, pour avoir autorisé l'organisation d'une remise de médailles à des militaires si près de la frontière avec la Russie »1.

La nuit précédente, Israël avait bombardé l’hôpital baptiste de Gaza, visant le centre d'urgence, l'unité de production d'oxygène pour les patients en soins intensifs et l'unité chirurgicale. Le ‘sujet’ n’a pas été évoqué un seul instant au JT ce soir-là.

Jour après jour, nuit après nuit Israël jette ses bombes sur Gaza, brûlant vif, déchiquetant des milliers d’hommes, femmes et enfants mêlés, sans que, la plupart du temps, nos médias ne trouvent nécessaire d’en faire la moindre mention. Le silence n’est rompu qu’à titre exceptionnel - comme lorsque les secouristes du Croissant Rouge ont été tués délibérément et enterrés avec leurs ambulances, une vidéo retrouvée dans le GSM d’une des victimes ayant ici mis en évidence le mensonge éhonté de l’armée sioniste.

A part ces furtives exceptions, le génocide à Gaza, comme les bombardements quasi quotidiens d’Israël sur le Liban, les pogroms des colons en Cisjordanie, ou les bombardements étatsuniens sur le Yémen, en soutien direct d’Israël, - tout est généralement recouvert d’un grand silence.

La focalisation exclusive et unilatérale des médias mainstream sur les ‘crimes’ réels ou supposés de la Russie a pour but et effet d’attiser la haine contre l’ennemi. Et de faire accepter à la population les mesures extrêmes de militarisation, et de sanctions contre la Russie. A l’inverse leur silence est une arme d’invisibilisation massive, dont l’objectif est de faire accepter passivement par le plus grand nombre l’horreur en cours. Si les médias montraient jour après jour les images du massacre actuel en Palestine, nos gouvernants ne pourraient plus poursuivre leur politique de complicité, active ou passive, face à Israël.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial d’Israël. Ses ports et aéroports sont des voies essentielles pour l’acheminement des armes. Comme a tenu à le rappeler la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas, en visite en Israël en mars, une semaine après la reprise du génocide : l’Europe et Israël sont de « très bons partenaires »...

 

1. rfi.fr, 15/04/25

 

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