Projet de « lettre à la jeunesse » pour rejoindre l’armée : Avis de la plateforme « Stop Militarisation »
17 septembre 2025

Nous publions ci-dessous des extraits de l’avis de la plateforme ‘Stop Militarisation’ sur la proposition de loi « relative à l’envoi d’une lettre de sensibilisation aux enjeux sécuritaires modifiés pour lequel l’accès à certaines informations du Registre national des personnes physiques au Ministère de la Défense est nécessaire ».  En clair, l’envoi d’un courrier à tous les jeunes de 17 pour les inciter à rejoindre les forces armées.

Dans son accord de coalition, le gouvernement fédéral a annoncé vouloir travailler au développement d’une nouvelle « culture pansociétale de la sécurité ». Parmi les mesures spécifiquement prévues pour les jeunes figurent : la création d'une réserve militaire renforcée et d'un service militaire volontaire de 12 mois pour les jeunes à partir de 18 ans, une présence renforcée de l'armée dans l'enseignement par le biais de référents militaires et un élargissement de la formation aux « métiers de la sécurité » dans les écoles.

C’est dans le cadre de cette « nouvelle culture de la sécurité » que la Plateforme « Stop Militarisation » appréhende le potentiel envoi annuel d'une « lettre de sensibilisation » à tous les jeunes de 17 ans, pour un nombre pourtant limité de places disponibles.

Cette volonté de s’adresser directement à tous les jeunes présents sur notre territoire laisse en effet supposer que l'objectif réel est de rendre ceux-ci perméables à l’interprétation militariste que le gouvernement soutient. Une telle approche est particulièrement préoccupante lorsqu'elle vise principalement les jeunes, une génération déjà fragilisée par l'incertitude. La perspective d'un salaire de 2 000 euros peut conduire à normaliser cette vision unilatérale de la sécurité pour une génération en quête de sens et de stabilité socio-économique.

A cet effet, la plateforme « Stop Militarisation » veut rappeler que la recherche de la sécurité peut et doit être appréhendée différemment. L'exposé des motifs de la proposition de loi précise que « l’invitation pour un service militaire volontaire doit être perçue comme une invitation à accomplir une action citoyenne ». Nous nous inscrivons en faux vis-à-vis de cette interprétation étriquée du service civique. Nous lui opposons une vision bien plus pérenne, notamment promue par les Nations Unies, qui repose sur la « culture de paix » et le dialogue. Dans cette perspective, la citoyenneté est beaucoup plus large et requiert des aptitudes essentielles telles que l'empathie, l'esprit critique et la recherche de la vérité. Elle se fonde sur les valeurs de solidarité, de pluralisme, de justice et d'égalité.

Principaux points d’attention

  • La proposition de loi semble principalement destiné à sensibiliser à grande échelle les jeunes à une conception militarisée unilatérale de la sécurité.
  • La proposition de loi présente le service militaire volontaire comme une invitation à accomplir un acte civique, alors qu'il existe de nombreuses autres façons de servir la société.
  • Un envoi à grande échelle à tous les jeunes de 17 ans est disproportionné et sans rapport avec l'objectif visé, qui est de recruter 500 jeunes pour un service militaire volontaire. Ce recrutement peut facilement être réalisé par d'autres canaux.
  • La proposition de loi, qui donnerait accès à des données sensibles concernant un groupe vulnérable, risque de déboucher sur une campagne de promotion d'une « culture » de la sécurité unilatérale.
  • Les implications d'un service militaire volontaire ne sont pas clairement formulées. La notion de « cadre de réserve », par exemple, n'est pas clairement définie.
  • Le statut général (social et juridique) des jeunes qui effectuent un service militaire volontaire n'est pas clair. Acquiert-il le même statut que les militaires de carrière ? Quelles sont les conséquences pour les jeunes étudiants ? Pour un éventuel statut de chômeur par la suite ? Qu'en est-il des allocations familiales ? Quel est le revenu réel ? (cotisations sociales, impôts, etc.). Il y a trop de questions qui nécessitent qu’un cadre juridique ou réglementaire soit d’abord élaboré.
  • Le fait que les jeunes de l'Espace économique européen ou de Suisse puissent servir dans l'armée nationale belge alors qu’ils n’ont pas le droit de vote (ou un droit de vote limité) soulève des questions. Ici aussi, le statut et les conséquences de leur admission dans le cadre de réserve ne sont pas clairs.
  • Il est regrettable que la proposition de loi soit précipitée, sans qu'un débat public approfondi ait eu lieu et sans que les jeunes et les organisations de jeunesse aient été consultés.
  • La durée de l'évaluation de la loi (dix ans) est trop longue et ne permet pas une évaluation en temps utile.