Notre ministre de la Défense Théo Francken a publié mi-août sa « Vision stratégique 2025-2034 », pavé de 116 pages détaillant poste par poste comment la ’défense’ belge allait s’y prendre pour dépenser sur ces 9 années une manne de près de 140 milliards d’euros tombée dans son département par la grâce de « la menace russe ». Pour la plupart investis aux États-Unis (à l’instar des nouveaux F-35), où le ministère de la défense devient celui de la guerre.
Et comme « il n’y a pas d’argent magique », comme sortait Macron pour justifier l'impossibilité pour l'État de financer des services publics, ces montants colossaux qui devraient être consacrés à la ‘défense’ contre des mirages devront bien sûr être tirés sur d’autres postes qui correspondent, eux, à des réalités bien concrètes et déjà en sous-financement chronique: santé, environnement, justice, enseignement...
Le résumé proposé par Le Soir donne une petite idée de ce qui serait indispensable, selon Francken, pour « défendre » la Belgique. Tels 4 milliards pour des systèmes sol-air de courte, moyenne... et longue portée ; 2,3 milliards pour l’acquisition de plusieurs types de missiles guidés, destinés notamment aux frappes de précision à distance. Pour se défendre ? « Pour la première fois », écrit Le Soir, « la Défense investit dans des missiles de croisière. Ces capacités sont censées permettre à la Belgique de frapper des cibles sans placer ses propres avions dans l’espace aérien ennemi » : Qui veut la paix écrase l’ennemi sous les missiles ?
« Un autre milliard » continue Le Soir « sera investi dans des dispositifs permettant à un navire de poser des mines, pour préserver la renommée belge dans ce domaine et pour se rendre conforme aux exigences de l’OTAN. » Quelle fierté en effet que notre pays préserve sa renommée en allant poser des mines...
Pour être clair : en l’état actuel des choses, la Russie n’a ni l’intention, ni l’utilité de « menacer l’OTAN », ni les capacités matérielles d’envahir l’Europe. Seule une propagande de guerre massive arrive à nous persuader de l’invraisemblable. Par contre, oui, les accroissement délirants dans tous les pays de l’OTAN de moyens de guerre offensifs posent de façon assez évidente une réelle et grave menace pour la Russie, et l’une des réactions relativement normales, ou du moins usuelles, pourrait bien être de ne pas attendre que le dispositif pour l’écraser soit finalisé, et frapper en premier. Autrement dit, la menace est créée par les mesures prises pour (prétendument) se protéger de la menace.
Inévitablement, Théo Francken se devait de mettre en exergue de son document la tarte à la crème du « Si vis pacem para bellum », prononcé dit-on, durant les derniers soubresauts de l’Empire romain agonisant. Depuis cette époque glorieuse, combien de guerres, combien de siècles de massacres, entre nations voulant faire croire qu’elles voulaient la paix, tout en préparant tellement la guerre?