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traduit de l’italien par karl&rosa
Un bateau sophistiqué de l’Otan échoué à Pianosa comme un quelconque bateau de pêche. C’est de là que naît le mystère de l’Alliance, une embarcation allemande de presque cent mètres qui explore les fonds tyrrhéniens pour étudier une algue nommée posidonia. Le hic, c’est que cette algue pousse à cent mètres de la surface de la mer, alors qu’à bord du bateau il y a des torpilles qui vont jusqu’à une profondeur de six mille mètres, avec un rayon d’action de 500 kilomètres.
Ces puissantes installations, officiellement, ne servent qu’à des fins scientifiques. Mais plusieurs aspects de cette histoire doivent encore être éclaircis.
Un accident anormal. L’alliance est un bateau océanographique allemand, long de 93 mètres et d’une jauge de 3.180 tonnes. Ce bateau travaille depuis quelques années pour le compte de l’Otan dans la zone de l’archipel toscan, une des zones les moins contaminées de la mer Tyrrhénienne : en effet, ici aussi bien la navigation que la baignade sont interdites. L’embarcation scientifique a été autorisée à faire des recherches et des études et s’y trouve avec l’appui d’un autre bateau de l’Otan, le bateau italien "Leonardo". Mais vendredi soir, malgré les engins de bord sophistiqués, l’Alliance s’est échoué à Cala Giovanna, sur l’île de Pianosa. Deux profondes entailles se sont ouvertes dans la proue, dont est sortie de l’eau de sentine, mais selon la Capitainerie de port il n’y a pas de risques de pollution. En attendant, aujourd’hui et demain les excursions sur l’île sont suspendues et elles le seront tant que la situation ne sera pas revenue à la normale.
La posidonia et le sous-marin. Ce sont "d'étranges expérimentations" commente Sebastiano Venneri, responsable pour la mer de Legambiente : "Dans une zone où la posidonia n’a plus de secrets, on peut se demander pourquoi on se sert d’un gros truc avec une jauge de plus de trois mille tonnes". En plus, ajoute Venneri, ces dernières années, le ministère de l’Environnement a dépensé des milliards pour étudier la zone de l’archipel toscan.
"L’Alliance et le Leonardo travaillent dans cette zone depuis quelques années déjà", explique Umberto Mazzantini, responsable de Legambiente dans l’Archipel toscan. "Ils ont fait différentes expérimentations, dont on ne sait presque rien, et plusieurs fois, dans les zones qu’ils ont étudié, la baignade et la pêche ont été ensuite interdites. Un sous-marin a été aussi repéré ces derniers jours dans les eaux de l’archipel. Ce qu’il faisait ici, c’est un mystère".
Regarder la télé avec un télescope. "Il est bon de faire savoir - explique Venneri - que le bateau de l’Otan était en train de tester des robots navigants et sous-marins des plus raffinés, projetés dans des buts certainement non scientifiques par l’Office of Naval Research des Etats-Unis". Ces robots sont des torpilles en plastique, dirigées par des canots adaptés, d’une longueur de trois mètres et d’un poids variant entre 100 et 300 kilos. De petits bijoux de technologie capables de descendre à 6000 mètres de fond et d’être contrôlés jusqu’à une distance de 500 km. Ils seraient projetés pour exécuter le relevé cartographique des fonds marins, pour faire des relevés de l’environnement marin et pour explorer des sites archéologiques sous-marins. Mais ils pourraient aussi avoir d’autres applications.
"Etudier avec ces torpilles la posidonia, qui se développe à 100 mètres de la surface parce qu’il lui faut de la lumière, c’est comme regarder la télé avec un télescope", dénonce Venneri. "Les potentialités militaires de ces robots sont évidentes et nos craintes de militarisation sont donc plus que jamais réelles, étant donné que l’Otan est même parvenue à bénéficier de certains bâtiments sur l’îlot". Comme chaque année, en effet, le Wwf a fait la demande de pouvoir utiliser certains locaux pour l’observation des oiseaux : demande rejetée, et locaux destinés à héberger le personnel de l’Otan. L’île de Pianosa Une zone hyperprotégée. L’île est pour l’instant blindée et même les excursions à terre ne sont pas possibles. Legambiente explique encore : "Les ressources navales du ministère de l’Environnement ont été mobilisées pour chercher à limiter les dommages. Il s’agit d’une zone marine qui devrait être hyper protégée et qui abrite des milieux désormais uniques en Méditerranée, avec une faune et une flore de très grande importance". Pianosa est en effet classifiée comme zone de protection spéciale de l’Union européenne et sa prairie sous-marine de posidonia océanique très étendue est un site d’une importance communautaire. De plus, on est en train d’instituer une zone marine protégée. "Il faudra faire la lumière non seulement sur ce qui s’est passé mais aussi sur le futur de l’île. Parce que le plan de protection et de valorisation de l’île, annoncé plusieurs fois par le ministère de l’environnement, gît encore au fond d’un tiroir?". Pour Venneri, entre prison et Otan, "l’île est à nouveau une île de militaires".
Questions parlementaires et enquêtes. Pour l’instant la politique et la magistrature se mobilisent aussi. Ermete Realacci, député de la Marguerite et président honorifique de Legambiente a en effet présenté une question urgente au Président du Conseil et aux ministres de l’Environnement et de la Défense pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire. La même demande arrive des Ds et des Verts, persuadés que la version officielle sur la "recherche scientifique" n’est absolument pas crédible. Le parquet de Livourne a de son côté ouvert une enquête pour éclaircir aussi bien les raisons pour lesquelles le bateau s’est échoué que les motifs de l’expédition scientifique. Selon les magistrats, en effet, l’hypothèse selon laquelle deux navires sophistiqués de la Marine militaire italienne, comme l'"Alliance" et le "Leonardo", ne se seraient pas aperçus à temps qu’ils allaient toucher le fond , n’est pas convaincante.