Le 18 juillet, Vuk Draskovic, ministre des Affaires étrangères de Serbie-Monténégro, et Jaap de Hoop Scheffer, secrétaire général de l’OTAN, signaient un accord autorisant le transit des troupes de l’Alliance atlantique à travers la Serbie et le Monténégro. Garantissant également l’immunité des troupes face à toute poursuite judiciaire dans ce pays, cet accord sur les « lignes de communication » en rappelle étrangement un autre, rejeté par la partie serbe en février 1999 lors des pourparlers de Rambouillet. Ce refus, provoqué par l’intransigeance des Etats-Unis qui reconnurent avoir volontairement « placé la barre trop haut », fut utilisé comme casus belli par l’OTAN qui entama 78 jours de raids meurtriers et finit par s’emparer du Kosovo, pour en faire un haut lieu du nettoyage ethnique, du crime organisé et de la débâcle économique.
Plus de six ans après Rambouillet, le vent a bel et bien tourné à Belgrade. Bien que la Serbie-Monténégro soit un des derniers pays d’Europe à ne pas être membre de l’antichambre de l’OTAN que constitue la structure du « Partenariat pour la Paix » - sous prétexte de coopération insuffisante avec le Tribunal de La Haye –, l’actuelle classe politique au pouvoir ne cesse d’affirmer son allégeance aux structures « euro-atlantiques ». L’accord, signé après quatre ans de négociations secrètes (donc entamées quelques mois après le renversement de Milosevic), a néanmoins soulevé quelques réserves du principal parti gouvernemental de Serbie, le DSS du Premier ministre Kostunica, non sur son contenu, mais sur la procédure d’adoption : le gouvernement fédéral n’aurait pas suffisamment consulté son homologue serbe à ce sujet.
A Belgrade, les défenseurs de l’accord arguent qu’il permettrait d’acheminer plus rapidement des renforts au Kosovo en cas de répétition des pogroms de mars 2004 contre la population serbe. Mais il ne serait fait aucunement mention du Kosovo dans le document signé. Et les troupes de l’OTAN pourraient tout aussi bien utiliser le territoire serbo-monténégrin pour se déployer ailleurs, par exemple en Bosnie-Herzégovine en cas de soulèvement d’une population serbe vivant dans la misère et supportant de plus en plus mal l’autoritarisme du « Haut représentant » britannique qui gouverne le pays. Rappelons que la Bosnie continue à être occupée par une force militaire occidentale, sous commandement de l’Union européenne (UE) depuis la fin 2004, mais que des unités spéciales de l’OTAN y sont toujours déployées. Le commandement de la force européenne est d’ailleurs situé au sein même du QG atlantique à Evere.
Présenté comme purement « technique » par l’OTAN, l’accord doit encore être ratifié par le parlement serbo-monténégrin, ce qui ne devrait pas empêcher, d’après le ministre de la Défense Davinic, qu’il soit mis en œuvre immédiatement. Ainsi, les troupes de l’OTAN peuvent sillonner les Balkans à leur guise, et consolider les communications terrestres avec la super-base états-unienne de Camp Bondsteel au Kosovo. L’accord qui n’avait pu être arraché sous la menace des bombes l’est maintenant grâce à un chantage plus feutré. La victoire de l’OTAN semblerait complète, si l’on pouvait faire abstraction des résultats catastrophiques de l’interventionnisme occidental dans les Balkans, qui finiront – tôt ou tard – par provoquer un effet de boomerang auprès des populations qui en paient la note.