Le CSO a organisé le 15 mai, en collaboration avec Vrede et le Mouvement chrétien pour la paix, une conférence consacrée au sort des minorités au Kosovo, territoire administré par l'ONU et occupé par des troupes sous commandement OTAN. Il s'agissait de faire le point sur la situation dans cette province de Serbie, alors que des pourparlers ont actuellement lieu à Vienne en vue de donner un semblant de légitimité à une indépendance d'ores et déjà décidée par les puissances occidentales.
La conférence avait été conçue avant tout pour permettre à Marek Antoni Nowicki, ancien ombudsman international du Kosovo, de nous livrer son point de vue sur l'évolution du respect des droits humains, en particulier ceux des Serbes, des Roms et des multiples minorités vivant depuis des siècles dans ce territoire. Rappelons en effet que c'est au nom des droits de l'homme, de la multiethnicité et de la démocratie que les bombardiers de l'OTAN avaient pilonné pendant 78 jours la Serbie et le Monténégro en 1999. Malheureusement, Marek Nowicki n'a pu nous rejoindre à Bruxelles, bloqué à Varsovie, où il réside depuis la fin de sa mission en décembre dernier, victime d'un malaise le matin même du jour de la conférence.
Malgré ce couac de dernière minute, quelque 80 personnes étaient présentes à l'Espace XE, à Ixelles, pour écouter les deux orateurs restants, les journalistes Frédéric Saillot et Jean Toschi Visconti.1.
Jean Toschi, qui a roulé sa bosse dans toute l'ex-Yougoslavie aux moments les plus durs des conflits qui ont accompagné le démantèlement de la fédération, a centré son exposé sur la désinformation massive et systématique pratiquée par la grande majorité des médias ouest-européens et nord-américains, non seulement pendant la guerre du Kosovo, mais aussi durant ceux de Croatie et Bosnie-Herzégovine. Les intérêts des grandes puissances et le travail de sape des mercenaires de la presse, ces agences de communication vendant leurs services au plus offrant, ont produit une image manichéenne de ces conflits, les ramenant à une agression sauvage et raciste de la Serbie contre ses voisins. Comme l'a montré grâce à de multiples exemples la journaliste italienne, la réalité a été beaucoup plus complexe : limitons-nous ici à évoquer la série d' « auto-attentats » à Sarajevo entre 1992 et 1995 ou la falsification relative au « massacre de Racak », qui donna le prétexte à l'OTAN pour mener sa campagne dévastatrice de 1999.
Frédéric Saillot s'est intéressé à la situation actuelle au Kosovo, en particulier aux suites des pogroms de mars 2004, au fonctionnement des « institutions provisoires » et aux pourparlers de Vienne. Il a pointé du doigt les multiples incohérences des administrateurs occidentaux du territoire. Ainsi, pendant longtemps, la politique officielle de l'ONU a été « les normes avant le statut » : le respect de divers critères en matière de bonne gouvernance et de droits de l'homme devait précéder des négociations définissant le statut définitif de la province. L'an passé, le Secrétaire général de l'ONU a commandé un rapport sur le respect des « normes » à son envoyé spécial, le Norvégien Kai Eide. Fruit d'un long travail de terrain, le rapport a décrit minutieusement l'état catastrophique du Kosovo, en particulier les violences et discriminations incessantes dont sont victimes les minorités. Mais, paradoxalement, Eide concluait que l'ouverture de négociations sur le statut était devenue urgente, tout report risquant d'encore aggraver la situation. L'ONU a donc brusquement inversé sa politique, comme le souhaitaient d'ailleurs divers gouvernements, dont celui des Etats-Unis.
Ensuite, Nedzo Neziri, réfugié rom du Kosovo établi en France, a brièvement pris la parole pour rappeler la tragédie vécue par sa communauté. Victimes des pires exactions depuis la période nazie, la grande majorité des Roms a dû quitter ses foyers depuis 1999, pour se réfugier dans le reste de la Serbie ou en Europe occidentale. Leur sort est encore pire que celui des Serbes, les intérêts de ces derniers étant au moins défendus par le gouvernement de Belgrade. Plongés généralement dans l'illégalité à l'étranger, ils ont même été soumis à des expulsions de la part de certains gouvernements, n'hésitant pas à renvoyer de force des victimes auprès de leurs bourreaux.
Le débat qui a suivi a été particulièrement vif et animé. Des opinions souvent tranchées et opposées ont pu s'exprimer, notamment de la part de représentants des communautés serbe et albanaise de Belgique. Une tentative de dialogue qui reste à approfondir...
Signalons enfin que Jean Toschi et Nedzo Neziri ont également pris la parole à l'atelier sur le Kosovo de la Conférence des ONG belges sur l'OSCE, qui a débuté le lendemain au Palais d'Egmont. L'absence de Marek Nowicki y a été à nouveau regrettée. Mais la majorité des intervenants, parmi les orateurs comme dans le public, ont mis l'accent sur la situation catastrophique et le nettoyage ethnique qui caractérisent ce territoire, un rappel utile alors que la position officielle belge est que le Kosovo est "en train de se normaliser définitivement"2.
1. Les exposés de Jean Toschi et Frédéric Saillot sont disponibles sur notre site (respectivement http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=298&type=articles et http://www.csotan.org/textes/texte.php?art_id=299&type=articles ).
2. expression utilisée le 6/06/06 par le Ministre des Affaires étrangères De Gucht en commission parlementaire sur les prochains sommets de l'OTAN