La base Italie, de Vicence à Sigonella
Manlio Dinucci (Il Manifesto)
17 février 2007

Cet article de Manlio Dinucci est tiré du journal italien Il Manifesto du 17.2.2007 et traduit par Marie-Ange Patrizio
www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/17-Febbraio-2007/art28.html

Le doublement projeté de la base étasunienne de Vicenza entre dans un cadre qui va bien au-delà de l’environnement local : le Pentagone est en fait en train de redéployer troupes et bases depuis le centre et le nord de l’Europe dans sa région méridionale et orientale, pour déployer plus rapidement et efficacement ses propres forces soit au Moyen-Orient et en Afrique, soit en Asie centrale. Dans cette réorientation stratégique, les commandements et les bases étasuniennes en Italie jouent un rôle clé. Cela implique l’augmentation de tout le système militaire étasunien dans notre pays.

La 173ème brigade aéroportée, basée à Vicenza, a été transformée en « unité modulaire » : l’Escadre de combat, formée actuellement de six bataillons, à quoi s’en ajouteront d’autres dans l’avenir. Elle est en fait « la seule unité aéroportée et force de riposte rapide » du Commandement européen des Etats-Unis, dont la mission est de « promouvoir les intérêts étasuniens en Europe, Afrique et Moyen-Orient », dans une zone de 55 millions de km2, comprenant 90 pays. L’Escadre de combat, basée à Vicenza, est une des plus grandes unités effectuant la rotation des troupes en Irak et Afghanistan. En même temps, en envoyant aussi des troupes dans les bases étasuniennes en Roumanie et Bulgarie, elle participe aux préparatifs de guerre contre l’Iran.

Le commandement Setaf dont dépend l’Escadre de combat, dont le quartier général est aussi à Vicenza, a été transformé de commandement d’appui logistique en commandement d’opération (de théatre, précisément, en italien, NDT), avec la tâche de recevoir et préparer au combat les forces qui arrivent de bases extérieures pour être projetées depuis le territoire italien dans les divers sites de guerre. Les armements dont ils ont besoin sont déjà "pré positionnés » en Italie. A Aviano (province du Frioul-Vénétie-Julie, NDT), se trouvent ceux des forces aériennes, dont au moins 50 bombes nucléaires tactiques B-61 ayant une puissance équivalente, chacune, à 13 bombes d’Hiroshima. Elles sont gardées dans des hangars spéciaux avec les avions de chasse F-15 et F-16 prêts à une attaque nucléaire. A Ghedi (province de Brescia) il y en a au moins 40, dont l’utilisation est consentie aussi (bien sûr sous commandement étasunien) à l’aéronautique italienne, violant ainsi le Traité de non prolifération nucléaire. A Camp Darby, entre Pise et Livourne, se trouve une énorme quantité d’armements pour les forces terrestres : c’est l’unique site de l’armée étasunienne où le matériel prépositionné (tanks M1, Bradleys, Humvees, etc.) est relié à des munitions, comprises celles à l’uranium appauvri et au phosphore utilisées en Irak. A Sigonella (Catane, Sicile) près de la base aéronavale étasunienne, se trouve le Fleet and industrial supply center (Fisc), un des deux uniques centres de réapprovisionnement de la marine hors du territoire étasunien. Il n'est pas exclu qu’il y ait aussi des armes nucléaires à Camp Darby et à Sigonella.

A Naples se trouve le quartier général des forces navales Usa en Europe (qui était avant à Londres), commandé par un amiral qui est en même temps le chef du Joint Force Command de l’Otan, situé lui aussi à Naples. C’est de lui que dépend la Sixième flotte délocalisée à Gaeta, à laquelle vient juste de se joindre un groupe naval d’attaque composé de 7 navires de guerre, avec à leur bord 6 mille marines, guidé par le navire d’assaut amphibie Uss Bataan. Le 30 janvier, le groupe naval d’attaque a traversé le canal de Suez pour effectuer des « opérations de sécurité maritime » dans le Golfe et dans l’Océan Indien, en restant cependant relié au commandement Usa de Naples et aux bases en Italie, surtout à celle de Sigonella.

En plus des bases étasuniennes, le Pentagone dispose en Italie de celles de l’Otan, dont la chaîne de commandement est dirigée au Pentagone : le « Commandant suprême allié en Europe » est de fait toujours, par une sorte de droit héréditaire, un général étasunien nommé par le président des Etats-Unis. Il y a en outre, sur le territoire italien, des structures militaires étasuniennes secrètes, comme le centre de commandement et d’espionnage du Pentagone C4I (commandement, contrôle, communications, ordinateurs et intelligence), unique dans la zone méditerranéenne, qui relie la base de Taranto au Centre de la marine étasunienne pour l’ « interopérabilité des systèmes tactiques » situé à San Diego en Californie. C’est ainsi que l’Italie, selon le président du Conseil Romano Prodi, effectue « un parcours vers la paix, un parcours pour éteindre, un à un, les trop nombreux foyers belliqueux qui, au cours des dernières années, sont allés se multipliant ».

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