Avec le Missile Defense, ou bouclier anti-missiles, il s'agit d'empêcher qu'un missile attaquant puisse atteindre sa cible. Il existe déjà plusieurs systèmes de défense pour intervenir au moment où un missile rentre dans l'atmosphère, donc dans la partie finale de son orbite. Le bouclier anti-missiles maintenant, veut être capable de toucher un missile à un stade antérieur, c'est à dire pendant la phase vraiment ballistique du parcours hors de l'atmosphère dans laquelle les têtes se détachent du missile.
Le bouclier anti-missiles est un sytème de systèmes; chacun des éléments doit être techniquement parfait ainsi que leur coordination. Pour cela, on doit être capable de détecter au plus vite qu'un missile a été lancé. Puis il faut des radars qui suivent et précalculent le trajet. D'autres radars essaient de distinguer les têtes réelles des têtes fausses. Puis le missile d'interception est lancé pour projeter l'élément de collision (EKV exoatmospheric kill vehicle) contre la tête hostile. Tous ces éléments ne peuvent fonctionner que grâce à un réseau performant de gestion, commande et contrôle.
La détection se réalise par des systèmes infra-rouges dans l'espace. Les radars de première alerte existent déjà. Ils calculent le trajet de vol du missile hostile. Puis des radar-X à haute fréquence sur les ondes courtes détectent les têtes (nucléaires ou fausses). Le missile d'interception est une fusée à trois étages qui porte l' EKV jusqu'au point d'interception. Cet EKV reçoit de manière permanente l'information de la localisation changeante du missile attaquant, ou de l'orbite des têtes. l'EKV possède un système combiné de senseurs optiques et infra-rouges, pour suivre et analyser sa cible. Par ses petits moteurs, ce module d'environ 65 kg et 1,3 m de longueur, se met en position pour le meilleur impact contre le missile hostile qu'il détruira par énergie cinétique (par sa vitesse donc). La vitesse combinée avec laquelle l'intercepteur et la cible se rapprochent est de 15.000 miles par heure.
Le tout ne fonctionne que par un réseau de gestion: le Battle Management, Command, Control and Communicationos (BCM3) constitue le coeur du système. Il reçoit l'information et analyse les paramètres comme la vitesse, l'orbite, le point d'impact. Il calcule le point optimal d'interception, prépare le lancement du missile intercepteur. Il vérifie également le résultat de l'opération, et décide d'une éventuelle continuation de l'opération.
Le Pentagone américain estime nécessaire pour la sécurité nationale et celle de ses alliés d'avoir certains éléments de système de systèmes en Europe. Il veut utiliser des radars existants en Angleterre et au Groenland, et veut installer un radar-X et des missiles intercepteurs en Europe continentale: la république Tchéque et la Pologne.
Jusqu'à maintenant les essais ne sont pas du tout convaincants. La Missile Defense Agency elle-même parle d'un succès de 50%, tandis que les critiques ne parlent que de 4 ou 5 essais relativement positifs sur 13. Et souvent, on n'a pas tenu compte de la possibilité de têtes fausses qui pourraient troubler les radars.
Les entreprises liées à la recherche et la fabrication sont surtout: Boeing, Raytheon, Lockheed Martin et TRW. Ce sont de bons fournisseurs du Pentagone, et des sponsors généreux pour les caisses électorales des deux grands partis.
Mais il y a plus.
Le développement du système anti-missiles se situe dans la stratégie plus large de domination de l'espace par les Etats Unis. “Un moyen pour atteindre la prépondérance américaine dans l'espace est le développement d'une stratégie de dissuasion pour l'espace, et le déploiement des moyens spatiaux, y compris des systèmes d'armement fonctionnant dans l'espace, pour défendre nos ressources spatiales, et qui pourront renforcer notre force aérienne, navale ou terrestre”. (Commission to assess US national security space management and organization, 2001).
Dans son document Vision 2020, le US Space Command dit clairement: “dominer les dimensions spatiales des opérations militaires pour protéger les intérêts et les investissements des Etats-Unis”. La supériorité dans l'espace devient un élément crucial dans les guerres à venir. Le National Missile Defense (le bouclier anti-missiles) deviendra un ensemble de sensors et d'armes sur terre et dans l'espace. Les tâches pour les unités de terre, de mer et aériennes seront renforcées par nos capacités dans l'espace.
Voilà à quoi sert le bouclier.
Il est intéressant de voir ce que des analystes américains en disent: "Le bouclier anti-missiles que les Etats-Unis veulent installer est avant tout valable dans un contexte offensif, pas défensif; comme un élément d'importance dans la capacité de 'first strike', pas comme un bouclier indépendant. Dans le cas où les Etats-Unis attaqueraient la Russie (ou la Chine), le pays ciblé ne resterait après l'attaque qu'avec un arsenal trés réduit, s'il lui en reste un. A ce point, même un bouclier modeste ou inefficace pourrait être suffisant comme protection contre l'attaque-réponse, parce que l'ennemi annihilé n'aurait presque plus de missiles comme moyen de riposte.” (Lieber, Keir A./Daryl G. Press: The Rise of U.S. Nuclear Primacy, in: Foreign Affairs, March/April 2006.)