L’accord secret entre l’ONU et l’OTAN ne répond pas aux objectifs de la communauté internationale
Fin septembre début octobre 2008, peu de médias ont évoqué, et de façon brève, l’accord secret entre l’ONU et l’OTAN, signé par le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, et le Secrétaire général de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer.
Le «Financial Times Deutschland» a signalé le 26 septembre qu’il avait été convenu de garder le secret le plus absolu. Cet accord doit simplifier la «coopération dans des situations de crise comme en Afghanistan et au Kosovo.»
Il a été controversé jusqu’au dernier moment au sein même de l’ONU, notamment du fait de la prise de position unilatérale de l’OTAN lors de la guerre en Géorgie. Toutefois, Ban Ki-Moon a finalement apposé sa signature sur la pression de la France, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne.
On a pu lire dans l’édition anglaise de RIA Novosti, le 9 octobre, que le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a été scandalisé par ce texte signé en secret, donc sans consulter les Etats membres de l’ONU. Après en avoir entendu parler, le ministre russe s’est adressé au Secrétaire général mais n’a reçu qu’une réponse évasive.
Le texte est maintenant entre les mains de la rédaction d’Horizons et débats. Il est daté du 23 septembre et signé de Ban Ki-Moon et de Jaap de Hoop Scheffer. En fait, les deux Secrétaires généraux ne se sont pas contentés de mettre en avant la coopération passée, p.ex. dans les Balkans ou en Afghanistan, ils ont également décidé de la prolonger et de l’étendre.
Cette dernière repose essentiellement sur l’«esprit» de la déclaration du Sommet de l’ONU de 2005, qui proposait l’extension au monde entier des interventions militaires de l’ONU, même au-delà de la Charte des Nations Unies, sous le titre de «La responsabilité de protéger». Cela s’appuyait sur un texte précédent de 2001 qui avait été rédigé avec la participation de va-t-en-guerre notoires tels que Gerath Evans (Australie) ou Klaus Naumann (Allemagne). (Horizons et débats en a parlé dans son édition no 22 du 2/6/08)
Un mois avant le Sommet de l’ONU, en septembre 2005, le secrétaire général de l’OTAN Jaap de Hoop Scheffer avait déjà soumis des propositions pour un accord de coopération entre l’ONU et l’OTAN. Il en est question dans un document d’analyse stratégique, rédigé d’ailleurs en Allemagne, (Janka Oertel: «The United Nations and Nato») de juin 2008, qui est favorable à cette étroite collaboration entre l’ONU et l’OTAN.
On trouve ainsi confirmés les doutes sérieux de ceux qui critiquaient le concept de «responsabilité de protéger», n’y voyant rien d’autre que le concept de l’OTAN, non formulé, d’«intervention humanitaire» grâce auquel l’Alliance voulait justifier la guerre impérialiste, contraire au droit international, contre la Yougoslavie, laquelle a coûté la vie à des milliers de gens, détruit les infrastructures civiles pour des décennies et contaminé radio activement d’importantes régions du pays.
Le moment choisi pour la signature est significatif. En effet, il a coïncidé avec le changement de président aux Etats-Unis, manifestement préparé au plan international. L’équipe de conseillers du nouveau président Obama prévoit, contrairement à celle de Bush qui voulait imposer l’hégémonie américaine en dehors de l’ONU, d’associer l’ONU aux projets de domination mondiale et ainsi de proposer une variante grotesque de la «coalition de volontaires». Obama lui-même avait évoqué cela avec emphase dans son discours devant la Colonne de la Victoire à Berlin le 24 juillet: «Le temps est venu de jeter de nouveaux ponts sur le monde entier, aussi forts que ceux qui nous liaient jusqu’à présent au-delà de l’Atlantique. Le temps est venu de nous unir grâce à une coopération continue, à des institutions fortes, à des sacrifices communs et à un engagement global pour le progrès afin de maîtriser les défis du XXIe siècle.»
Il apparaît toutefois clairement qu’il s’agit, en fait, de maintenir par tous les moyens la suprématie injuste de l’Occident, et notamment des Etats-Unis, suprématie qui court actuellement le risque de disparaître à jamais, ainsi qu’il ressort du rapport récent des Services secrets américains «Global Trends 2025: A Transformed World» (www.dni.gov/nic/NIC_2025_project.html). Il suffit d’avoir lu les lignes approbatrices de l’ancien ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer dans le magazine «Focus» du 13 août dernier, à propos des intentions d’Obama: «Son discours de Berlin a été sans équivoque.» Obama a dit aux Européens: «Quand je serai au pouvoir, nous déciderons puis nous combattrons ensemble, et s’il le faut, nous mourrons ensemble.»
On trouve dans l’équipe de conseillers d’Obama des idéologues de l’«intervention humanitaire», telle Samantha Power (cf. l’analyse de Jürgen Wagner: «Obama, attention à ne pas se laisser aller à de trop grands espoirs», analyse IMI 2008/37 du 5 novembre). Le député CDU Willy Wimmer a estimé dans une lettre adressée le 17 novembre au ministre allemand des Affaires étrangères Steinmeier que «les gens qui entourent Obama ont l’air d’une copie des forces qui nous ont entraînés dans la guerre contre la Yougoslavie.»
Le fait que Ban Ki-Moon ait cédé aux pressions des fauteurs de guerre que sont les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France, depuis que Sarkozy est au pouvoir, confirme la crainte de tous ceux qui pensent que le secrétaire général de l’ONU est à la botte des USA.
Mais les Nations Unies n’ont pas dit leur dernier mot. Leur Charte les contraint au respect du droit international, c’est-à-dire à l’égalité de droits des nations, au droit des peuples à l’auto détermination, à l’interdiction d’intervenir dans les affaires des autres pays et surtout à l’obligation de maintenir la paix. Les guerres d’agression et la volonté d’hégémonie sont des crimes au regard du droit international. L’OTAN s’est éloignée de ces principes, malgré ses belles paroles, depuis son concept stratégique de 1991 qui, pour la première fois, allait au-delà de la légitime défense acceptée par le droit international, et plus encore depuis ses concepts stratégiques de 1999 ainsi que les décisions stratégiques des Sommets de l’OTAN de 2004, 2006 et 2008. De plus, elle veut «couronner» le tout, l’année prochaine, avec un nouveau concept stratégique.
L’OTAN s’est rendue plusieurs fois coupable de crimes contre la Charte des Nations Unies et continue de le faire quotidiennement en Afghanistan, qu’elle occupe, et ailleurs dans le cadre de l’Opération liberté immuable et depuis l’invocation – jamais remise en cause – de la clause de défense collective après le 11-Septembre 2001. De ce fait, les responsables de l’OTAN devraient être traduits devant un tribunal international. Cet accord de coopération entre l’ONU et l’OTAN est une gifle magistrale infligée à tous ceux qui croient dans le droit. Il ne doit pas être maintenu.
Il est arrivé à maintes reprises, depuis la fin de la guerre froide, que le Conseil de sécurité et le Secrétaire général des Nations Unies se laissent entraîner par les Etats-Unis. Ce danger s’est accru avec le président Obama. La communauté internationale ne peut pas l’accepter.