L'Europe contre le bouclier antimissile
Patrice Salzenstein (Mouvement de la Paix, France) 24 mars 2009 Une conférence à Londres pour donner un signal clair à Barack Obama Samedi 31 janvier 2009, la CND (Campaign for Nuclear Disarmament) a organisé une conférence afin de montrer la forte opposition en Europe à l'installation du bouclier antimissile par les Etats Unis (US Missile Defence). Des femmes et des hommes politiques ainsi que des militants pacifistes sont venus de Grande-Bretagne, de Pologne, de République Tchèque, de France et d'Allemagne. Le président Bush a commencé la mise en place du bouclier antimissile depuis son élection en 2000, et en 2001, a dénoncé unilatéralement le traité de non prolifération signé avec la Russie. Mis en place afin d'assurer une suprématie militaire totale sur le reste du monde, ce bouclier déstabilise les relations avec la Russie et concernent en premier lieu l'Europe. Contrairement à sa dénomination, dans la vision des néo-conservateurs américains, le bouclier antimissile n'est pas un dispositif de défense. Leur rêve en passe d'être réalisé est de disposer enfin d'un système qui permette aux USA de frapper massivement la Russie et ses missiles intercontinentaux, et de détruire les quelques missiles qu'ils ne pourront frapper à l'aide des intercepteurs. Une attaque unilatérale de la Russie ne pourrait en effet pas être prévenue par ces missiles intercepteurs. Les États-Unis espèrent ainsi disposer d'un outil de supériorité militaire vis à vis de la Russie, leur cible principale [1]. Le nouveau président des Etats Unis, Barack Obama, n'a pas encore donné son plein accord à la poursuite de la mise en place de ce dispositif – cette conférence était aussi l'occasion de lui donner un signal fort aux premiers jours de sa prise de fonction. Ouvrant la conférence, Jeremy Corbyn, travailliste, Membre du Parlement (MP) anglais a souligné les nouvelles perspectives qui s'ouvrent avec l'arrivée de Barack Obama, et ce premier geste d'apaisement de la Russie qui a annoncé le 28 janvier 2009, la suspension de l'installation de missiles "Iskander" dans l'enclave de Kaliningrad [2]. En effet, le président russe Dmitri Medvedev avait annoncé officiellement en novembre dernier qu'un système de missiles Iskander pourrait être déployé en réponse à l'aménagement de la troisième région de positionnement de défense antimissile américaine, en Pologne et en République tchèque [3]. J. Corbyn a rappelé le coût du déploiement du bouclier antimissile, indécent au regard de la crise financière et économique qui touche notamment les Etats-Unis. Toutefois, Michael Connarty, MP, Travailliste, a noté qu'Obama était entouré de gens qui raisonnent encore comme au temps de la guerre froide, ce qui amène à être très vigilant sur la politique de la nouvelle administration américaine. Jean Lambert, MP, Verte londonienne, appelle a la solidarité internationale contre le bouclier antimissile. Jolanta Symanek-Deresz, MP, Socjaldemokracja Polska, a indiqué, que, si 47% seulement des Polonais – contre 39% pour – étaient opposés à l'installation de 10 missiles intercepteurs, ce projet, mal connu du public, lancé par le désormais impopulaire président Lech Kaczynski (Loi et Justice, i.e. PiS) mettait mal à l'aise le gouvernement de Donald Tusk, centre droit (PO). Elle a indiqué que ce dispositif présenté comme une protection du teritoire polonais, était de toute façon inefficace, et que les contreparties militaires et financières promises par les Américains n'étaient restées que des promesses. Elle indique que le SLD a signé un accord avec son équivalent tchèque afin d'oeuvrer contre le bouclier antimissile et de promouvoir des relations de dialogue avec les Russes, dans un monde multilatéral, et non plus unilatéral dominé par les seuls Etats Unis. Ivona Novomestska, venue au nom des Sociaux-démocrates tchèques (CSSD), a indiqué que 70% des Tchèques restent opposés à l'installation du bouclier antimissile avec en particulier la mobilisation de plus d'une soixantaine de maires de la région de Brdy, à 60 km au sud ouest de Prague, qui appellent à une mobilisation le 18 février 2009 afin d'interpeller la présidence tchèque de l'Union Européenne. De plus, vingt ans après le départ des soldats russes, la population tchèque fière de son indépendance voit d'un très mauvais oeil l'arrivée d'une base américaine. Alors que les Sociaux-démocrates allemands (SPD) font savoir leurs attentes vis à vis de la nouvelle présidence américaine, l'Allemande Monika Knoche, MP, Die Linke, appelle à un monde sans armes nucléaires, et à ne pas se cantoner sur une position "wait and see" (regarder et attendre) mais plutôt à agir contre le bouclier antimissile. Elle précise que le Gauche Unitaire Européenne est claire sur cette question. Elle souhaite que les Européens et les Américains se saisissent de l'opportunité donnée par le geste d'apaisement russe avec le gel de leur programme à Kaliningrad pour stopper le bouclier. Les intervenants, dont moi-même, sont tombé d'accord pour qu'aussi, le contre sommet de l'OTAN en avril 2009 à Strasbourg et à Kehl, soit une occasion de dénoncer le bouclier antimissile. La CND y enverra notamment une délégation. Afin de coordonner l'action au niveau européen et international, il s'agira dorénavant de définir des dates communes pour des initiatives et des manifestations dans plusieurs pays à la fois. Donner une dimension plus européenne, et non pas seulement la préoccupation des Anglais, des Tchèques et des Polonais, est essentiel pour faire bouger des citoyen(ne)s qui n'ont pas de lien direct avec le bouclier antimissile. Les prochaines élections européennes seront aussi une occasion pour interpeller les futurs parlementaires européens. Une visibilité pourrait être donnée avec des outils communs, tels que des sites web recensant les actions sur ce thème. D'autres idées ont été avancées comme promouvoir des fondations, et en tout cas poser la question des moyens financiers pour affréter des bus ou lancer des campagnes; ou encore d'impliquer les villes tchèques, polonaises et anglaises jumelées avec d'autres villes partout en Europe, afin d'avoir une approche commune. [1] "Non au bouclier antimissile", Planète Paix, No 529, février 2008 pp 20-21 |