La Gauche francophone belge et l'Otan
Roland Marounek 5 janvier 2011 Quelques semaines avant le sommet de Lisbonne, la CNAPD entre autres organisations1 avait réuni à Bruxelles trois représentantes des partis "Démocrate-humaniste" (CDH, ex-sociaux-chrétiens francophones), Socialiste et Ecolo membres respectifs pour leur parti aux Commissions des Relations extérieures et de la Défense de la Chambre ou du Sénat. Soit ce qui est appelé communément 'la Gauche', comme ces représentantes politiques l’ont souligné elles-mêmes lors de la rencontre2. Aucune n'a bien sûr manqué de dénoncer l'absence de débat démocratique, voire même de simple information sur les questions de défense, sur l'engagement de notre pays en Afghanistan, sur ce que la Belgique allait défendre au sommet de l'Otan… tout cela à charge essentiellement du ministre de la Défense Pieter De Crem. De manière plus surprenante, chacune a admis comme une évidence que la présence de l'Otan en Afghanistan obéissait à des raisons géostratégiques, et non aux objectifs humanitaro-sécuritaires officiels. C'est une prise de conscience certes tardive, mais qu'il faut saluer. Passons rapidement sur le fait que la représentante du PS ait néanmoins soutenu que l'Otan était en Afghanistan en vertu de l'Article 5 du traité de l'Atlantique Nord. Il est pour le moins sidérant que la représentante pour les affaires extérieures d'un parti au pouvoir ignore dans quel cadre exact les soldats belges sont envoyés dans un tel bourbier. La partie la plus instructive était la belle unanimité concernant l'Otan. L'Otan n'aurait-elle pas dû disparaître avec le Pacte de Varsovie? Pas question de dissolution "Il faut être réaliste", confie en substance la représentante Ecolo, "si on parle de dissolution, on nous prend pour de doux rêveurs". Le gouvernement en affaires courantes a-t'il le droit d'engager la Belgique à long terme comme il s'apprêtait à le faire en entérinant le dit 'Bouclier anti-missile'? "La Belgique ne peut quand même pas bloquer tout l'Otan, même si nous sommes personnellement contre certains aspects du Concept Stratégique". Enfin, quel doit être aujourd'hui le rôle de l'Otan ? "L'Otan doit agir dans le cadre des missions de l'ONU : elle doit être le bras armé des Nations Unies", ont-elles défendu toutes trois explicitement. N'est-ce pas là ce que devrait être le rôle des Casques Bleus ? "Les Casques Bleus ne sont pas efficaces, parce qu’ils manquent de moyens, qu'il n'y a pas d'unité de commandement, et qu'en fait, les soldats issus de pays pauvres sont juste là pour l'argent". On reste médusé devant ces positions de partis auto proclamés progressistes. En 1994, au Rwanda, les Casques Bleus "qui n'étaient là que pour de l'argent" se sont comportés de manière un peu plus honorable que d'autres, issus de pays riches, sûrement mus, eux, par idéalisme, et pour défendre des valeurs, démocratie, droits de l'homme, l'attirail au complet. Cela trahit en fait une confiance innée dans la supériorité morale d'office de l'Occident, moteur essentiel dans l'acceptation des "bonnes" guerres. Qu'est-ce que l'Alliance militaire de pays occidentaux va aller défendre, au nom des Nations Unies, si ce n'est les intérêts économiques de ces pays, et le maintien de leur domination globale sur le monde ? Comment ces politiciens 'de gauche' peuvent-ils ignorer que les résolutions du Conseil de Sécurité sont obtenues à coup de pressions économiques, de donnant-donnant, voire de menaces directes ? « L'objectif stratégique de la Bosnie est de devenir au plus vite membre à part entière de l'Otan et de l'Union européenne. Notre pays doit tenir compte de ces objectifs stratégiques lorsqu'il participe à la prise de décision dans des enceintes internationales », avait déclaré le président bosniaque quelque temps avant le vote du 4e train de sanctions contre l'Iran, en mai dernier. L'entreprise de dénigrement des Casques Bleus a été sciemment organisée, à partir des guerres yougoslaves, précisément pour présenter l'Otan comme la seule force 'efficace'. Les drames humanitaires et les défenses soudain impérieuses de droits humains suit la géographie d'intérêts économiques et stratégiques bien précis : le bras armé des intérêts occidentaux ne peut être celui des nations du monde "unies". C'est très bien cette prise de conscience sur la nature de l'expédition afghane. Mais il ne faudrait pas attendre 10 ans pour s'apercevoir que l'agression contre l'Iran en gestation aujourd'hui, fût-elle bénie par une résolution du Conseil de Sécurité, n'aurait rien eu à voir avec les motifs démocratiques, ou humanitaires, ou sécuritaires qui fascinent tant, une fois encore, une partie de plus en plus grande des progressistes, et leur fait perdre la mémoire immédiate. 1. "Bruits de botte à l’OTAN : Interpellation politique autour du nouveau concept stratégique en préparation", organisé par le cercle ATTAC, les Amis du monde diplomatique et la CNAPD |