L’armée française ne veut pas s’entraîner à la guerre civile de banlieue ?
Source : Extrait de la publication du CIRPES, Le débat stratégique n° 111-112, sept-nov 2010
Alain Joxe (Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’Etudes Stratégiques)
5 janvier 2011

La crise financière globale ouvre une période de troubles et de violence inévitable, l’OTAN cherche à se qualifier pour faire face à toutes ces menaces. La menace stratégique principale, c’est l’action des "marchés" qui poussent les états à la fin de la démocratie sociale. La question de la répression des mouvements sociaux est posée aux polices gendarmeries et armées européennes. La défense des Etats contre les spéculateurs doit être posée en amont des guerres civiles de même que toute la catastrophe écologique en développement qui sont facteurs actifs des guerres futurs.

Ces questions sont aujourd’hui ouvertement proposées à la fois par la nouvelle doctrine OTAN, qui se prépare à des expéditions de répression précoces (préemptions) et à l’Union européenne qui doit bien se différencier de l’OTAN sous peine de risquer les guerres civiles. Nous abordons ces problèmes sous forme de relectures de lectures nouvelles et de quelques citations pertinentes pour baliser un débat qui, quoi que confidentiel, n’en est pas moins d’une importance capital pour l’avenir de nos sociétés. Nous considérons sur le mode semi interrogatif, que l’armée française, la police française et la gendarmerie françaises qui ont été invitées à fusionner depuis 2005 leurs compétences en matière sécuritaire, pour des raisons à la fois professionnelles, sociologiques et éthiques, sont mal disposées à l’égards des théories et des doctrines qui se sont glissés dans les livres blancs de 2008 et poussent à l’entrainement préemptif à la répression des troubles en banlieue.

La crise financière globale ouvre une période de troubles et de violence inévitable Une politique sociale et une politique de défense, strictement européennes et coordonnées, seraient pourtant nécessaires. Soyons précis : Si on laisse aller sur son erre le bateau ivre du système financier, la globalisation dérégulée, la croissance des inégalités, la précarisation de la survie à tous les âges de la vie, s’additionnent, au Nord comme au Sud avec l’effacement de la légitimité du concept de service public.. Bientôt il ne restera sous cette appellation que la Police et l’Armée. - en concurrence avec les service de sécurité privés.

La "tendance" promet sans doute des catastrophes à plusieurs échelles :

1. Celles dues à la sécheresse ou aux inondations, provoquant des centaines de milliers de morts et des migrations massives qui mériteront d’être canalisées par les moyens anti-émeutes du « contrôle des foules », et son nouvel arsenal sécuritaire.

2. Il s’y ajoute aujourd’hui la menace latente des catastrophes financière à quoi on confère, dans la "religion des marchés" une sorte de souveraineté fatale semblable à celle des ouragans, et qui est en vérité d’un tout autre ordre puisque dépendant strictement de décisions humaines. On veut les compenser aux Etats Unis en réforment leur législation policière et en entraînent leurs forces armées, à la répression policière. Cet entraînement policier des militaires et ce but, (Ziel +Zweck) dans les forces armées françaises du moins, rencontre une résistance professionnelle éthique et stratégique. Le débat toutefois vient seulement de s’ouvrir là où cela fait mal avec l’ouvrage de Hacène B que nous analysons rapidement dans ce numéro du Débat stratégique.

La principale menace stratégique c’est que "les marchés" poussent l’accroissement des catastrophes écologiques et au rabotage de la démocratie sociale, donc poussent à toutes les formes de violence et de guerres. Aller jusqu’u bout de la polarisation richesse pauvreté, ce n’est une menace de décomposition politique que du point de vue de la gauche. Pour la droite c’est une preuve de courage, puisqu’on se prépare à l’affrontement violent. On peut prévoir en effet qu’une grande répression des mouvements sociaux devienne nécessaire et qu’on la considère comme un fruit de la crise, Mais il faut comprendre politiquement, que ce n’est pas le fruit involontaire qui surgit des malheurs provoquée par le désastre quasi météorologique de l’éclatement des bulles bancaires, mais que la dégradation des conditions de vie des revenus modestes et les troubles sont non seulement prévus mais prémédités par les pouvoirs disons ploutocratiques qui gèrent l’inégalité socio-économique du monde.

L’OTAN cherche à se qualifier en unifiant les normes dans l’Alliance pour faire face à toutes ces menaces, y compris techno-économiques qu’on se plait à qualifier de "menaces nouvelles" ; dans les documents récemment produits par l’OTAN il se trouve que l’Europe n’a pas de stratégie. D’une part, on a renoncé, par traité, par néolibéralisme doctrinaire, à formuler au niveau de l’Union une politique sociale ; d’autre part, l’Union retarde indéfiniment la définition d’une politique de défense parce que elle en a fait dévolution à l’OTAN, qui représente le cadre stratégique global du système stratégique américain .

Pour traiter des "nouvelles menaces". Celles-ci surgissent en effet non pas du terrorisme global à la mode depuis 2001, mais visiblement

  1. De la paupérisation absolue des masses paysannes refluant sur les villes et des risques de troubles sociaux face à cette "urbanisation" qui détruit les mode d’autosubsistance élaborés depuis la révolution néolithique sans redistribution des gains de la révolution industrielle ou informatique industrielle (sauf en Chine ?)
  2. De la gestion des Banques et des critères délocalisés et spéculatifs dominant le "comportement des marchés" qui depuis 2007 mettent ouvertement en danger par leurs actions brutales et spéculatives pures l’équilibre de toutes les sociétés émergentes les plus faibles, mais aussi, dans l’OTAN, les péninsules méditerranéennes et les états balkaniques et de deux îles atlantiques.

Contrairement aux lambeaux démodés de la Charte, le sort de la démocratie en Europe n’est pas protégé mais est menacée dans l’OTAN, au nom d’une orthodoxie financière que les banques sont les premières à avoir violenté en favorisant la métamorphose de ces états faibles en "états subprimes", insolvables ; la conjoncture pousse alors les appareils d’états à accroître encore leurs dettes par des prêts usuraires de trésorerie, et à prévoir une répression des mouvements sociaux, seule méthode capable, selon cette doctrine, de contraindre les peuples à accepter la régression.

Extrait de la publication du CIRPES, Le débat stratégique n° 111-112, sept-nov 2010