Conférence : "L'Iran dans la ligne de mire de l'Occident"
Roland Marounek 5 janvier 2011 Ce 17 décembre des organisations pour la paix dont le CSO organisaient à Bruxelles une conférence sur l'Iran qui s'est révélée particulièrement intéressante. Les deux intervenants étaient le Dr A. V. Gharavi, conférencier en politique et relations internationales, directeur du Département académique de l'Ambassade d'Iran à Bruxelles, et le Dr M. Botenga , docteur en sciences politiques issu de la VUB et spécialiste de l'Iran. Le débat était centré sur les questions de la menace nucléaire de l'Iran, et des raisons des menaces militaires contre l'Iran. Le Dr Gharavi a tout d'abord rappelé que l'histoire du programme iranien de développement de l'énergie nucléaire remonte aux années 50, sous le régime du Shah. Les USA avaient alors décidé d'aider l'Iran, allié important de l'époque, dans le cadre du programme "Atom for Peace". La France avait plus tard signé des accords avec l'Iran pour la construction d'un réacteur nucléaire. Toute cette coopération a été stoppée net avec la révolution de 1979. Le droit de l'Iran au développement nucléaire à des fins civiles est juridiquement clair et incontestable. Ils sont signifiés sans ambiguïté par le Traité de Non-Prolifération (TNP) dont l'Iran est signataire. Plus encore, ce sont les pays occidentaux possesseurs de l'arme atomique qui se retrouvent directement en infraction par rapport aux articles IV et V stipulant qu'ils ont l'obligation d'aider les pays à acquérir la technologie nucléaire à fins civiles (voir encadré). L'Iran doit-il accepter de fait un déni de ses droits? L'histoire moderne montre que l'Iran n'a attaqué aucun pays depuis plus de deux siècles. Au contraire, c'est lui qui a été la victime répétée d'agression et d'invasions, de la Russie au début du 19e siècle, à l'invasion iraquienne des années 80, inspirée par les USA, en passant par l'occupation par la puissance coloniale britannique. En 1953, le gouvernement démocratique de Mohammed Mossadeq avait été renversé par un coup fomenté par la CIA. Aujourd'hui l'Iran se retrouve entre des forces américaines qui ont envahi les pays voisins, et explicitement sous la menace d'action militaire d'Israël qui possède plus de 200 têtes nucléaires. Au regard de cette situation, la question qui devrait venir à l'esprit de toute personne libre de préjugés est la suivante : que devrait faire l'Iran dans ces circonstances critiques? Le Dr Botenga ne prend pas position sur la volonté réelle du gouvernement iranien d'acquérir ou non l'arme nucléaire. Il ne faut pas se fier aux déclarations officielles ni de l'Occident ni de l'Iran, il faut simplement s'en tenir aux faits vérifiables. La question est que d'une part, il semble peu probable que l'Iran pourrait parvenir à fabriquer une seule bombe atomique sans qu'on ne le sache immédiatement, mais surtout qu'une telle bombe ait la moindre utilité : comme l'avait déclaré Chirac, « [cette bombe] n’aura pas fait 200 m dans l’atmosphère que Téhéran sera rasée ». Hillary Clinton a pratiquement répété cette affirmation, en menaçant cette fois d'« effacer tout l'Iran de la carte »1. Ces menaces sont parfaitement réalistes2, et, donc, la question nucléaire ne peut pas être un sincère motif d'inquiétude pour les pays occidentaux. Selon le Dr Botenga, la question nucléaire n'est agitée que pour imposer des sanctions, et non l'inverse comme il est déclaré (les sanctions étant censées officiellement amener l'Iran à renoncer à un supposé programme nucléaire militaire). Les soi-disant négociations qui ont lieu consistent dans les faits à poser des exigences que l'on sait d'avance inacceptables par l'Iran, de manière à justifier les sanctions. D'après lui, l'objectif réel est d'amener un changement de régime en Iran, et, derrière cela, de tenter de briser la montée en puissances de pays du Tiers-Monde, au premier rang desquelles la Chine. Pour des raisons finalement naturelles, la disparition du statut d'unique superpuissance des Etats-Unis ne pourra être évitée que s'ils gardent la mainmise politique sur les régions riches en ressources énergétiques indispensables au développement des puissances montantes. Bien d'autres points importants ont été soulevés, par les orateurs et par le public, dont la question de la légitimité des sanctions des Nations Unies, ou de l'apparent isolement international de l'Iran, qu'il serait trop long de développer ici. Un point qu'il est important d'aborder pour le mouvement de la paix en Belgique, est la réaction violente qu'a suscité l'annonce de ce débat, certains jugeant inacceptable que l'on donne la parole à un représentant du 'régime' iranien, et que l'on puisse tenir un débat sur l'Iran sans aborder la question des droits de l'homme et de la femme. Cette position est à mon sens profondément déplorable, et très préoccupante quant à ce qu'elle révèle de l'avancée de la préparation psychologique à la guerre qui s'annonce, jusque dans les milieux progressistes. 1. Il n'y a pas, ici, d'erreur de traduction : « Il a été demandé à Hillary Clinton lors d'une interview sur le programme ABC “Good Morning America” sur ses précédents commentaires ce qu'elle ferait si l'Iran attaquait Israël. Elle a répondu: "Au cours des 10 prochaines années, au cours desquelles ils pourraient envisager de lancer bêtement une attaque contre Israël, nous serions en mesure de les effacer totalement [totally obliterate them] » |