La guerre commence toujours par des mensonges. Celle-ci à laquelle participe notre pays n'échappe pas à la règle
Le premier mensonge est le plus important à faire passer. Dans ce cas, on nous a dit et répété que Kadhafi a bombardé des gens qui manifestaient pacifiquement, qu'il a massacré son propre peuple. La guerre aurait empêché un génocide du peuple libyen par Kadhafi.
Quelle que soit la folie, ou le caractère criminel réel ou supposé de Kadhafi et de son 'régime', le fait indéniable est que le gouvernement libyen s'est trouvé rapidement confronté à une insurrection armée, et comme on a pu le constater au fur et à mesure du déroulement de cette guerre, à une rébellion relativement bien armée. On a refusé de voir de très simples faits, qu'il s'agit ici de gens qui ont pris par les armes le pouvoir dans certaines villes.
Quelles que soient les raisons de cette rébellion, c'est en tout cas un mensonge fondamental de la présenter comme le "peuple libyen désarmé" massacré par un tyran fou. C'est bien plutôt d'une guerre civile qu'il s'agit. Si le bombardement de rebelles armés constitue un crime contre l'humanité ou un génocide il faut alors commencer par inculper le Secrétaire général de l'Otan, nos ministres de la défense successifs, et tous les chefs d'Etat de pays de l'Otan : Ils ne font que cela en Afghanistan et en Irak depuis dix ans.
Nos dirigeants ne cessent de répéter qu'ils se "mobilisent en faveur de la population libyenne persécutée par Kadhafi", mais quel droit a l'autoproclamée Communauté Internationale de définir qui est "la population libyenne" ? Si le régime Kadhafi est vraiment fou et criminel, comment les représentants de la rébellion armée, parmi lesquels d’anciens ministres de Kadhafi, seraient-ils exempts de ce caractère fou et criminel ? A Tripoli, à Syrte, les gens soutiennent Kadhafi, ne feraient-ils donc pas partie de "la population libyenne" et est-ce pour cela que l’Otan les bombarde ?
Le complexe de Srebrenica
M. Leterme a affirmé que l'intervention de la coalition internationale avait permis d'éviter un bain de sang à Benghazi : "Sans cela, nous nous serions retrouvé avec un complexe de Srebrenica". Par contre, Il y a des massacres qui ne nous laissent aucun complexe. Tels ceux qui se sont produits en Irak, occasionnant des millions de morts par un savant dosage de "sanctions" et de bombardements en cours depuis vingt ans, provoqué par ceux qui se proclament les protecteurs du peuple libyen. Tels ceux commis à Gaza et au Liban par nos meilleurs alliés dans la région. Tels ceux qu’on laissé faire au Congo, par certains de nos autres meilleurs alliés de cette région.
En Libye, personne ne s'est inquiété outre mesure du "nettoyage" de Benghazi par les "bons", dont on a de faibles échos, tels les lynchages de noirs ou de supposés "kadhafistes". Personne ne s’inquiète du bain de sang probable que serait la 'libération' des villes de la tribu de Kadhafi, comme ce qui s'est produit en Côte d'Ivoire lors de l'avancée des forces de Ouatara. Pas de résolution pour protéger ce peuple-là ?
Des négociations sabotées
Dans une guerre civile les massacres sont commis de part et d'autre. Si on désire vraiment les arrêter, on doit tout faire pour favoriser les initiatives de paix. C'est juste le contraire que fait l'Otan, en soutenant un camp contre un autre, et en les incitant à rejeter toute proposition de conciliation. L’intervention occidentale exacerbe le conflit, multiplie le nombre de morts et de désastres humains, et rend toute solution politique impossible. Les initiatives de paix de l’Union africaine et des pays latino-américains de l’ALBA ont été sciemment ignorées, voire sabotées.
Des bombardements pour protéger la population ?
"Des responsables occidentaux assurent que l'Otan ne prend pour cibles que des objectifs militaires". Depuis la guerre du Kosovo, nous savons ce que représente une cible militaire légitime pour l'Otan. Des informations commencent à filtrer de bombardement d'infrastructures de télécommunication et de radio/télédiffusion dans plusieurs villes libyennes. L'Otan a bombardé le palais présidentiel, des bâtiments officiels, diverses infrastructures civiles... La définition de cible militaire légitime est extrêmement extensible, et tout ce qui ne rentrera pas dedans est baptisé "dommage collatéral". La réalité pourrait plutôt être que, comme en Yougoslavie en 1999, l'Otan cherche à plonger la population bombardée dans la détresse et la terreur, dans l'espoir de miner son soutien aux autorités libyennes. Dans d'autres circonstances, on appellerait cela du terrorisme.
La farce de la "légalité" internationale
L'Otan prétend agir pour appliquer une résolution des Nations Unies. Mais quoi qu’on pense de l'ONU et de cette résolution 1973 en particulier, celle-ci demande en tout premier lieu un cessez-le feu immédiat, un dialogue, un règlement pacifique à la crise. La résolution des Nations Unies est prétendument destinée à "protéger les civils", pas du tout pour soutenir des rebelles contre un gouvernement pas plus illégitime que son opposition armée. En soutenant ouvertement des groupes armés qui clament que la seule solution est militaire, et qui rejettent toute autre issue que l'anéantissement de l'adversaire, l'Otan et la Belgique n'appliquent pas cette résolution, mais ils sont bien plutôt en train de la violer.
La même chose pourrait être dite de la précédente résolution, la 1970, celle imposant un embargo sur les armes, allègrement violée par l’Egypte et plusieurs pays occidentaux alimentant en armes et munitions la rébellion.
Mobilisons-nous contre cette guerre
La nature de cette "intervention" ne diffère pas fondamentalement de l'agression contre l'Irak. Le méchant Saddam a été remplacé par le méchant Kadhafi, l’un et l’autre jugés indignes d’alimenter en pétrole le vertueux Occident. Outre l’arrivée de néo-cons agressifs au pouvoir à Paris et à Londres, la différence fondamentale, c'est le bel emballage humanitaire. Cela a suffi pour faire fondre l'immense mobilisation contre la guerre de 2003. Aujourd'hui, un mois après l'entrée en guerre de la Belgique, le Mouvement de la Paix est étrangement absent et silencieux.
De l'Irak à la Libye, en passant par l'Afghanistan : il n'existe pas, il n'a jamais existé de "guerre humanitaire". Il n'existe que des guerres pour des intérêts, généralement d’ordre économique et géostratégique..
Quoi qu’on pense des réalisations et des méthodes de Kadhafi, certains points devraient être clairs et sans discussion dans le mouvement de la paix : la guerre n'a jamais été une solution, et, compte tenu de son histoire et de sa nature, le seul rôle positif possible des pays de l'Otan dans ce conflit ne peut être que l'abstention totale.