Les remous actuels au sein de l’armée belge, qui ont abouti à la démission du général en chef M. Delcour, ne sont pas simplement dus à des questions de nominations ou à des disputes communautaires. C’est toute la fonction des militaires dans le cadre de la structure de l’OTAN qui est en cause. Le Nouveau Concept Stratégique adopté à Lisbonne en 2008 préconise une transformation profonde des armées de tous les pays de l’Otan. Le but étant de construire une force de frappe sophistiquée et centralisée sous le commandement Otan, capable de porter la guerre dans tous les coins du monde. Comme le déclarait le ministre de la Défense De Crem, dans une interview au Soir : « déployer sur le terrain environ un millier d’hommes en permanence… c’est cela qui est important…Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’on fasse appel à la Belgique pour une autre opération optionnelle genre Libye… ». Le reste des forces terrestres (dont le général Delcour était le chef) peut être dégraissé d’un grand nombre de militaires pour faire des économies et concentrer le budget de la Défense sur le développement des « poches d’excellence » .
Il faut aussi, pour répondre aux exigences de l’OTAN, rendre plus efficaces les forces aériennes et navales et supprimer les doubles emplois : de là, la quasi fusion de la marine belge et des forces navales néerlandaises, la coopération renforcée de l’aviation belge et allemande, les « achats groupés » des avions qui devront remplacer les F-16 avec le Danemark et les Pays-Bas. Etc..
Tout cela signifie l’abandon de la souveraineté de la Belgique sur sa politique de défense. Et cet abandon ne se fait pas au bénéfice d’une mythique Union Européenne indépendante, mais bien de l’OTAN. On se rappelle que, dans le cadre d’une opération de surveillance Otan, les navires belges se sont retrouvés au large du Vénézuéla, en soutien à la marine hollandaise qui s’estimait « agressée » par des propos revendicatifs du président Hugo Chavez sur des îles « appartenant à la Hollande» ! Les F-16 de l’armée belge ont participé à des opérations de combat en Afghanistan aux côtés des pilotes allemands, en dépit des fameuses « règles d’engagement » de nos ministres de la Défense censées interdire ce genre d’activité. Sans parler de tout ce que nous ignorons encore, à cause du « Secret Défense » imposé aux parlementaires trop curieux.
Le prochain Sommet de l’Otan qui se tiendra à Chicago le 20 mai, sera certainement consacré en grande partie à cette « harmonisation » des armées des pays de l’Otan, ainsi qu’aux moyens à mettre à œuvre en Afghanistan pour que le retrait annoncé de certaines troupes soit compensé par une renforcement du « partenariat » de l’Otan avec l’Afghanistan. Il s’occupera également du déploiement du bouclier anti-missiles, (pour lequel la Belgique avait déjà payé un tribut à Lisbonne), et de sa stratégie nucléaire, et de pointer ce que l’Otan appelle « les nouvelles menaces » et que De Crem appelle « une autre opération optionnelle, genre Libye ». Le débat parlementaire, annoncé pour le 9 mai prochain, soit quelques jours à peine avant ce sommet, devrait porter sur toutes ces questions et s’élargir à un débat public avec tout le mouvement de la paix.