Sous le drapeau tricolore qui flotte à Camp Darby
Source : il manifesto Manlio Dinucci 14 juillet 2020 Tandis que de nombreuses activités bloquées par le confinement ont du mal à repartir après le relâchement des restrictions, il en est une qui, ne s’étant jamais arrêtée, est actuellement en train de s’accélérer : celle de Camp Darby, le plus grand arsenal USA dans le monde en dehors de la mère patrie, situé entre Pise et Livourne. La coupe d’environ 1.000 arbres dans l’aire naturelle “protégée “ du Parc Régional de San Rossore étant terminée, a commencé la construction d’un tronçon ferroviaire qui reliera la ligne Pise-Livourne à un nouveau terminal de chargement et déchargement, traversant le Canal des Navicelli sur un nouveau pont tournant métallique. Le terminal, d’une hauteur d’une vingtaine de mètres, comprendra quatre quais pouvant accueillir chacun neuf wagons. Au moyen de chariots élévateurs de containers, les armes en arrivage seront transférées des wagons à de grands poids-lourds et celles en partance des poids-lourds aux wagons. Le terminal permettra le transit de deux convois ferroviaires par jour qui, en transportant des charges explosives, relieront la base au port de Livourne à travers des zones densément peuplées. Avec l’augmentation du mouvement d’armes, devient insuffisante la liaison par canal et par route de Camp Darby avec le port de Livourne et l’aéroport de Pise. Dans les 125 bunkers de la base, continuellement approvisionnés par les États-Unis, sont stockés (selon des estimations approximatives) plus d’un million de projectiles d’artillerie, bombes pour avions et missiles, auxquels s’ajoutent des milliers de chars d’assaut, véhicules et autres matériaux militaires. Depuis 2017 de nouveaux grands navires, pouvant transporter chacun plus de 6.000 véhicules et cargaisons sur roues, font escale chaque mois à Livourne, chargeant et déchargeant des armes qui seront transportées dans les ports d’Aqaba en Jordanie, Djeddah en Arabie Saoudite et autres escales moyen-orientales pour être utilisées à l’étranger par les forces étasuniennes, saoudiennes et autres dans les guerres en Syrie, Irak et Yémen. Au moment même où est en cours la potentialisation de Camp Derby, le plus grand arsenal à l’étranger, un journal toscan en ligne titre : “Il était une fois Camp Darby”, en expliquant que “la base a été redimensionnée, à cause des coupes dans le budget de la Défense décidées par les gouvernements USA”. Et le quotidien Il Tirreno annonce : “À Camp Darby flotte seulement le drapeau tricolore : le drapeau USA est amené après presque 70 ans”. Le Pentagone est-il en train de fermer la base, rendant à l’Italie le territoire sur lequel elle a été créée ? Pas du tout. L’US Army a concédé au Ministère italien de la Défense une toute petite portion de la base (34 hectares, environ 3% de toute la zone de 1.000 hectares), auparavant zone de détente, pour qu’y soit transféré le Commandement des forces spéciales de l’armée italienne (Comfose), initialement accueilli dans la caserne Gamerra de Pise, siège du Centre d’entraînement de parachutisme (il manifesto, 5 mars 2019). Le transfert a eu lieu silencieusement pendant le confinement et maintenant le Comfose annonce que son quartier général est situé dans le “nouveau domaine militaire”, de fait annexé à Camp Darby, base où se déroulent depuis longtemps des entraînements conjoints de militaires étasuniens et italiens. Le transfert du Comfose dans une aire annexée à Camp Darby, formellement sous bannière italienne, permet d’intégrer en fait les forces spéciales italiennes à celles étasuniennes, en les employant dans des opérations secrètes sous commandement USA. Le tout sous la chape du secret militaire. En visite au nouveau quartier général du Comfose, le ministre de la Défense Lorenzo Guerini l’a défini comme “centre névralgique” non seulement des Forces spéciales mais aussi des “Unités Psyops de l’Armée”. La tâche de ces unités est de “créer le consensus de la population locale à l’égard des contingents militaires employés dans des missions de paix l’étranger”, c’est-à-dire de la convaincre que les envahisseurs sont des missionnaires de paix. Enfin le ministre Guerini a qualifié le nouveau quartier général de modèle du projet “Casernes Vertes”. Un modèle de “bien-être et écodurabilité”, qui repose sur un million de têtes explosives. Édition de mardi 14 juillet 2020 d’il manifesto |