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Notre film annonçait ce drame, pourquoi n’avons-nous pas été entendus? Interview de Vanessa Stojilkovic 23 mars 2004 Vous sentez-vous impliqués personnellement?
Vanessa Stojilkovic. Pour moi, c’est l’angoisse! Depuis samedi matin,
j’ai perdu le contact avec ma famille de là-bas. Ma tante Leca et mon
cousin Alexander vivaient à Gnijlane. Lui travaillait de temps en temps
comme interprète pour la KFOR (troupes de l’Otan). Enfin "vivaient"!
Pour le moindre déplacement, la moindre activité, ils devaient
demander une escorte de protection...
Que la KFOR venait de supprimer, non?
Vanessa Stojilkovic. Oui, ça a été un grand feu
vert aux extrémistes albanais.
Que vous avaient-ils dit avant que vous perdiez contact?
Vanessa Stojilkovic. Brian, un soldat de la KFOR, est venu leur dire
de quitter, car ça devenait dangereux. Ils se sont réfugiés
chez des amis dans un village serbe des environs. Les paysans sont armés
et montent eux-mêmes la garde autour du village.
La KFOR ne les protège pas?
Vanessa Stojilkovic. Non. Ma famille a dû tout quitter, alors
que pendant les 78 jours de bombardements de 99, ils n’avaient pas bougé!
Dès qu’ils sont partis, des Albanais sont entrés dans leur immeuble
et ont commencé à voler, puis saccager. Le scénario exact
décrit dans notre film.
Faut-il accuser "les Albanais" en général?
Vanessa Stojilkovic. Pas du tout. Dans notre film, plusieurs victimes
confient que des amis albanais les ont aidés, protégés,
prévenus. Confirmé par notre interview d’une représentante
française de l’Onu. Les coupables, comme le disaient les victimes, ce
sont les extrémistes et terroristes de l’UCK, une minorité.
Que vont devenir tous ces gens pourchassés?
Vanessa Stojilkovic. J’ai demandé à Alexander: "Pouvez-vous
vous réfugier en Serbie centrale?" Il m’a répondu: "Quand
on veut, pour ça la KFOR veut bien nous aider! Mais ce serait la perte
de tous nos biens... Nos grands-parents, nos ancêtres ont toujours vécu
ici!"
Michel Collon, vous êtes allé au Kosovo
en reportage...
Michel Collon. Oui, et je ne peux m’arrêter de penser à
ces pauvres gens: que sont-ils devenus? Silvana, sans nouvelles de son mari
kidnappé, les vieux Balog et Maria, bloqués dans un centre de
réfugiés, les paysans de Stare Gradsko dont quatorze avaient été
tués en 99, et à présent laissés à eux-mêmes,
les profs et élèves de la petite école de Lipljan, ville
à présent parsemée de maisons brûlées... Je
repense à eux et moi aussi je suis terriblement en colère car
notre film annonçait tout ce qui allait arriver, montrait que l’UCK avait
un plan de nettoyage ethnique intégral et on n’a rien fait...
Votre film a été censuré?
Vanessa Stojilkovic. Largement, oui. Nous avons pu le passer dans quelques
cinémas, mais les télévisions européennes et la
grande presse écrite ont fait silence. Nous avons dû organiser
une diffusion alternative dans quelques lieux indépendants et en cassettes.
Avec de bons résultats, car les gens recherchent une info alternative.
Mais si l’opinion européenne avait été bien informée,
les habitants du Kosovo auraient pu être protégés à
temps.
Mais on nous disait que le Kosovo était calme?
Vanessa Stojilkovic. Archi-faux! En cinq ans, plus de six mille huit
cents attaques, 2.300 tués et blessés, 1.200 disparus! L’Europe
dormait ou quoi?
Michel Collon. Nous étions justement en train de préparer
une mission internationale d’inspection sur place pour établir un dossier,
recuillir des témoignages. Dommage que nous n’ayons pas eu les moyens
de le faire plus tôt.
Certains responsables de l’Otan sur place parlent
de "complète surprise"...
Vanessa Stojilkovic. Quelle hypocrisie! Il y a trois semaines, ma famille
comme beaucoup d’autres avaient reçu des avertissements: "Partez!
Le Kosovo est notre terre, Nous vous ferons "oluja" (nettoyage complet)
comme les Croates vous l’ont fait."
On dit que tout a démarré en réaction
après que trois enfants albanais aient été noyés
par des Serbes!
Michel Collon. Attention! Relisez l’excellent petit livre Principes
de la propagande guerre d’Anne Morelli, ou bien mon analyse dans le livre Monopoly
du pseudo-massacre de Racak qui justifia les bombardements de l’Otan en 99...
Chaque grande guerre (et ceci est une phase de la guerre) commence par un médiamensonge,
une histoire d’atrocités.
Il est terrible que les médias occidentaux aient embrayé
sur ce médiamensonge des enfants noyés. Ils ont ignoré
(et la plupart ignorent encore) la déclaration très nette de Derek
Chappell, porte-parole de l’ONU, dans la nuit du mardi au mercredi, immédiatement
après les faits: "L’enfant survivant a dit à ses parents
que lui et ses trois amis étaient entrés dans la rivière
et avaient immédiatement été emportés par le fort
courant." Il n’y avait pas de Serbe sur place.
Malgré quoi Le Monde et bien d’autres médiamenteurs, même
quand ils parlent de "doutes", continuent à colporter le mythe
d’une réaction de vengeance. Le 22 mars, décrivant les funérailles
des enfants, Le Monde parvient à présenter les Albanais comme
victimes de la situation actuelle. Il présente le chef de l’UCK, Hashem
Thaci, comme un homme digne et prudent, alors que tous les experts indiquent
qu’il dirige ces commandos UCK que l’Ouest avait promis de démilitariser
en 99, et qui sévissent toujours...
Vous critiquez encore la couverture médiatique?
Michel Collon. Oui, si quelques articles relatent un peu l’horreur des
faits, parfois même qualifiés de "nettoyage ethnique"
(par exemple, le quotidien belge Le Soir, 20 et 22 mars), la plupart maintiennent
la fiction des "affrontements interethniques" (un terme évoquant
les sauvages). Comme s’il s’agissait de batailles Serbes contre Albanais. Cela
n’a eu lieu qu’à Mitrovica où les Serbes étaient organisés
pour se défendre. Partout ailleurs, ce sont des pogroms, une violence
planifiée. Nulle part, je n’ai vu citer cette expression "Nuit de
cristal" qu’a employée un responsable de l’ONU sur place, comparant
avec la nuit de terreur anti-juive des nazis allemands en 1934.
A quelques exceptions près, on cache le fait qu’il s’agissait d’un
plan prémédité et bien organisé. La violence qui
éclate partout au même moment, les autobus qui amènent des
casseurs UCK là où il faut...
"Orchestration", explique le colonel allemand Horst Pieper. "Opération
planifiée" indique Chappell, porte-parole de l’ONU. "Leur capacité
organisationnelle est démontrée par le nombre d’armes directement
apparues dans les démonstrations ‘pacifiques’," confirme le journaliste
albanais Surroi.
Vanessa Stojilkovic. Et les médias continuent à ne parler
que des victimes serbes alors que sont également attaqués et chassés
les Roms, les Juifs, les Turcs, les Musulmans, les Gorans, que nous montrons
dans notre film et dont on cache toujours l’existence... On veut absolument
maintenir – à l’encontre des faits - la thèse d’une vengeance
contre les Serbes.
La Belgique (mais pas la France) continue à
refouler les Roms au Kosovo..
Vanessa Stojilkovic. Justement, la semaine passée, le ministre
belge Dewael et son administration, après avoir essayé de renvoyer
des Afghans et des Iraniens, viennent de refuser la demande d’asile de la famille
kosovar rom Gasi. Incroyable non, d’oser les renvoyer dans l’enfer du Kosovo?
C’est en solidarité notamment avec cette famille que notre film sera
présenté dans plusieurs cinémas belges ces prochaines semaines...
Que cherche-t-on à cacher?
Michel Collon. Aucun média n’examine les causes profondes de
la situation actuelle. Personne ne demande pourquoi "nous" avons soutenu
et mis au pouvoir l’UCK, organisation hyper-raciste programmant le nettoyage
ethnique intégral. Isa Berjani, actuellement chef de ce Corps UCK prétendu
démilitarisé, aurait lui-même brûlé cinquante
maisons.De nombreuses victimes, dont des prêtres, indiquent que ce sont
les policiers albanais qui ont entamé l’expulsion des maisons, soi-disant
pour protéger leurs habitants.
Ces terroristes UCK, les Etats-Unis (suiviss en général par
l’Europe) les ont soutenus et armés en sachant ce qu’ils étaient.
Voilà pourquoi la désinformation veut empêcher l’opinion
de réfléchir et d’approfondir les leçons de ces événements.
Quelles leçons?
Michel Collon. Eh bien, que la guerre contre la Yougoslavie était
à buts économiques comme nous l’avons expliqué dans notre
précédent article (Pourquoi les USA veulent créer un autre
"Israël" dans les Balkans). Pour contrôler les routes balkaniques
de pipelines, pour détruire et privatiser l’économie yougoslave
(trop récalcitrante à la mondialisation et à l’OMC). L’opinion
ne peut savoir à quel degré elle a été manipulée
lors de la guerre de 99.
Une guerre économique. Au Kosovo aussi?
Vanessa Stojilkovic. Bien sûr! Le Kosovo est riche: les mines
de Trepca valent cinq milliards de dollars, indique le milliardaire US George
Soros, cité dans notre film. Charbon, plomb, zinc, or, argent, nickel,
chronium. Des multinationales piaffent d’impatience devant ces richesses. Tant
que le Kosovo reste officiellement yougoslave, elles ne peuvent piller comme
elles le voudraient. Les Serbes et leur tradition d’indépendance gênent.
Les médias parlent quand même d’un échec
cuisant pour l’Otan? Qui choisit le silence: le dernier article posté
sur le site de la Kfor date, ce mardi 23 matin, du 19 mars! (Et les observateurs
de l’OSCE du 18). Une véritable non-information!
Michel Collon. Le terme "échec" ne convient pas du
tout. Ils sont embarrassés par ce qui arrive trop ouvertement, oui, mais
ce n’est pas un échec à leurs yeux, si vous comprenez leurs buts
réels. Notamment installer au Kosovo la super base militaire US de Camp
Bondsteel: comme partout dans le monde, les USA n’ont pas besoin d’une situation
calme, mais d’alliés soumis. Et de tensions!
Vous savez, notre film montrait que la KFOR aidait le nettoyage depuis
cinq ans. Quand Sylvana est allée se plaindre de la disparition de son
mari, kidnappé par des Albanais travaillant pour l’Otan et en indiquant
les noms des coupables, un officier occidental lui a dit: "Nous ne sommes
pas venus pour vous protéger vous les Serbes, mais bien les Albanais".
Ce témoignage était déjà dans le film. L’Otan récolte
ce qu’il a semé.
Vanessa Stojilkovic. Je suis en colère quand j’entends les témoignages
concordants: aujourd’hui, la KFOr ne protège pas, elle aide le nettoyage,
elle réalise le programme de l’UCK. Depuis 99, elle dit aux Serbes et
autres peuples attaqués de "quitter le Kosovo".
Ecoutez Dragan Antic de Svinjarevo: "Je ne blâme pas les Albanais,
je blâme la Kfor. Grâce à elle, notre village n’existe plus."
(Blic, 22 mars) 2.000 soldats de la Kfor s’y trouvaient et ont autorisé
les Albanais à entrer et à brûler le village. En beaucoup
d’endroits, les troupes armées de la Kfor ont assisté passivement
aux pogroms, aux incendies et aux pillages...
Michel Collon. Sur ça aussi, il y avait déjà des
témoignages dans notre film! Vous savez, le général Wesley
Clark, chef de l’Otan, avait clairement énoncé son programme "Les
Albanais dedans, les Serbes dehors!" Attiser les haines était nécessaire
pour justifier un protectorat occidental et permettre une colonisation économique
des richesses dont nous avons parlé.
Les Etats-Unis et l’Otan n’étaient pas le pompier,
mais bien le pyromane. Les leçons de la Yougoslavie concernent-elles
aussi l’Irak?
Michel Collon. Absolument. D’abord, le fait de piétiner le droit
international n’a pas commencé avec Bush. La guerre contre la Yougoslavie
était illégale car la charte de l’ONU interdit le recours à
la guerre. Forcément pour imposer une colonisation économique!
Tout comme la manière: bombardements d’usines, de cibles civiles, prise
de la population en otage, usage de bombes à fragmentation et à
uranium. Clinton a bafoué la légalité internationale et
la gauche l’a en général aidé. Un bilan s’impose.
Deuxième leçon du Kosovo: les Etats-Unis nous disent à
présent: "Avec un peu de temps, ça va s’arranger en Irak,
ce sont juste des difficultés transitoires". Eh bien, le Kosovo
montre depuis cinq ans qu’une occupation US n’arrange du tout.
Vanessa Stojilkovic. Aujourd’hui, après cinq ans d’occupation
US – et européenne - on entend des témoignages comme celui de
Mitra Reljic, professeur téléphonant à son collègue
de Belgrade. "Une des rare Serbes vivant jusqu’ici seule pendant 5 ans
volontairement enfermée dans une maison à Pristina, dans
une vie de danger quotidien, maintenant elle est dans un camp à Kosovo
Polje. Elle est désespérée. Tout à l'heure, je lui
ai téléphoné sur le portable du père Miroslav, père
supérieur de l'église Saint Nicolas, de Pristina. L'église
brûle. Encerclée par des Albanais qui se déchaînent.
Le père Miroslav est seul dans la cave de l'église. Ils ne savent
pas qui, quand et si quelqu'un va aller le sauver."
Et le professeur de Belgrade de lancer cet appel: "Je vous en prie,
dites à tous ceux que vous pouvez ce qui se passe. Ici, c'est un pogrom
contre les Serbes qui se déroule devant les armées des forces
‘civilisées’ mondiales. J'ai honte de ne pouvoir rien faire.Personne
ne doit fermer les yeux et boucher ses oreilles!" En même temps,
on entend aussi une volonté de résister, de s’accrocher...
Est-il trop tard? La question du Kosovo est-elle réglée?
Michel Collon. Une injustice ne peut durer éternellement. Les
Palestiniens, chassés il y a plus de cinquante ans, n’abdiquent pas.
Vanessa Stojilkovic. Je me bats non seulement pour mes proches, mais
pour tous les peuples de Yougoslavie. Et pour les autres peuples menacés.
Car les mêmes méthodes sont et seront employées en Afrique,
en Asie, partout.
De cette tragédie, il faut tirer les leçons pour démasquer
les vrais tireurs de ficelles et renforcer la résistance globale.
Que peut-on faire?
Vanessa Stojilkovic. La première bataille, ça restera
toujours l’info. Si nous avons exprimé toutes ces souffrances et ces
enseignements en film disponible en cassettes, c’est justement pour permettre
à chacun là où il est, de diffuser l’info, d’organiser
une discussion avec quelques amis ou collègues...
Michel. Devenir actif sur l’info, ça serait ça la leçon
n° 1. A la film du film, nous disons: "La réconciliation passe par
la vérité". Notre tâche à tous.
Pour commander la cassette VHS du film Les Damnés
du Kosovo, envoyez un mail à michel.collon@skynet.be Interview de Vanessa Stojilkovic
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