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Gaza: Afrique du Sud et Union européenne, deux réactions en sens contraires face aux événements en cours depuis le 7 octobre 2023

Marion Jacot-Descombes
29 août 2024

29 décembre 2023, La Haye : L'Afrique du Sud saisit la CIJ (Cour Internationale de Justice) d'une requête contre Israël pour crime de génocide à Gaza. Le 26 janvier, la CIJ notifie à Israël six mesures conservatoires dont la première ordonne que : "L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention … , en particulier les actes suivants : a) meurtre de membres du groupe ;b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe."1

19 Janvier 2024, Bruxelles : le Conseil de l'Union européenne (Consilium) s'en prend, lui, au Hamas et au Jihad Palestinien. Il renforce son système de sanctions à leur encontre : "La décision de ce jour a été prise compte tenu de la gravité des attaques menées récemment contre Israël et de la nécessité de lutter contre les actions violentes qui menacent la paix et la sécurité internationale, et vise à empêcher que de telles actions violentes du Hamas et du JIP ne se produisent à l'avenir."2

L'UE sanctionne également "trois entités au titre du régime mondial de sanctions en matière de droits de l’homme en réaction aux violences sexuelles et sexistes généralisées commises lors des attentats terroristes barbares et aveugles perpétrés en Israël le 7 octobre 2023."3 Ceci sans attendre le résultat des enquêtes portant sur ces accusations, enclenchées à l'initiative d'une autre Cour, la Cour Pénale Internationale (CPI).

Poursuivre devant une juridiction internationale ? Recourir à son propre arsenal de sanctions ?

L'Afrique du Sud a choisi de déposer plainte contre un Etat, Israël, devant la Cour Internationale de Justice. Israël est poursuivi sur base de textes du droit international, et a droit à un procès conforme aux règles de procédure : respect du contradictoire, avocats, débats publics, jugement par une instance tierce.

L'UE, elle, s'arrête aux événements du 7 octobre. Elle s'en prend à la partie palestinienne, non pas l'Etat de Palestine, qu'elle ne reconnaît pas, mais à des mouvements : le Hamas et le Jihad Palestinien. Pas de saisie d'une juridiction internationale, mais mise en œuvre de son propre système de sanctions. Le Consilium se base sur sa "position commune 2001/931/PESC… relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme" et son "règlement (CE) 2580/2001… concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme". L'UE, est, en quelque sorte, à la fois législateur, et pouvoir exécutif. Ni avocats, ni débats contradictoires et publics ; un simple communiqué de presse final. Une sorte d'"entre soi", où rien ne permet d'éviter que "le 7 octobre" soit abstrait de son contexte - les actes perpétrés par Israël contre Gaza avant cette date, et les massacres et destructions en cours pendant que siégeait son Conseil.

Systèmes de sanctions et listes des terroristes

Le fonctionnement des systèmes de sanctions du Consilium est peu médiatisé. L'UE a adopté ses premières mesures restrictives à l'encontre de personnes et entités impliquées dans des actes terroristes en décembre 2001, à la suite des attentats perpétrés le 11 septembre, pour mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité de l'ONU4.

Le recours à un système de mesures restrictives, innové par l'ONU, est devenu un outil phare des USA et nombre de pays occidentaux. Les sanctions sont préfixées. En ce qui concerne l'UE, celles s'appliquant spécifiquement au Hamas et au Jihad islamique palestinien, et aux personnes que l'UE y rattache, consistent notamment, en sus d'être sous le coup d'une coopération policière et judiciaire pénale, en une interdiction de pénétrer sur le territoire de l'UE visant des personnes ; et en ce que "sont gelés tous les fonds, autres avoirs financiers et ressources économiques qui sont en la possession ou sous le contrôle, direct ou indirect, des personnes physiques ou morales, groupes, entités et organismes"5

La liste de terroristes de l'UE, basée sur la résolution 1373 de l'ONU, visait initialement l'EIIL, Daech et Al-Qaida, poursuivis pour commission d'attentats terroristes. Elle s'étoffe au fil des ans. En ce qui concerne le Hamas et le JIP, le Consilium ajoute, le 19 janvier 2024, aux auteurs - et auteurs potentiels d'actes terroristes définis plus haut, ceux qui soutiennent "des actions qui compromettent ou menacent la stabilité ou la sécurité d'Israël, en association avec le Hamas et le JIP" sont impliqués "dans de graves violations du droit international humanitaire ou du droit international relatif aux droits de l'homme" ; inciteraient à "commettre ou provoquer publiquement des actes de violence grave des deux organisations. En outre, pour la première fois, l'UE sera également en mesure de cibler des personnes ou entités apportant un soutien à ceux qui facilitent ou permettent des actions violentes du Hamas et du JIP; en d'autres termes, les commanditaires de ceux qui soutiennent les deux organisations terroristes." Une définition ample et floue qui ouvre la porte à des interprétations de plus en plus larges quant aux actes et personnes visés.

Quel respect des règles de l'État de droit ?

L'UE (article 2 de son traité (TUE) "est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités". Valeurs d'autant plus importantes à mettre en œuvre lorsqu'il s'agit d'attribuer la "qualité" de "terroriste" à des personnes non auditionnées et de leur infliger des sanctions. Se voir médiatisé en tant que réputé "terroriste" de l'UE a l'effet d'une mitre d'infamie - le compte des victimes et destructions, à Gaza n'est-il pas affecté d'une certaine suspicion lorsque nos médias indiquent, comme source d'information, « le Hamas », au lieu du « gouvernement de Gaza » – comme le font nombre de médias non occidentaux. Quant aux sanctions prises en matière de police, déplacement et gel d'avoirs, financiers et autres, elles privent les personnes listées de droits humains, économiques et sociaux. Or, dans les réunions de l'UE, tout comme à Abou Ghraïb et Guantanamo, des personnes peuvent êtres prises à tort dans les filets de la lutte contre le terrorisme.

Au sein de l'UE, le Groupe "Mesures restrictives en vue de lutter contre le terrorisme" (COMET) s'occupe des informations concernant l'inscription des personnes et entités sur la liste, de leur radiation et d'un réexamen périodique de la liste. De nouveaux individus, groupes ou entités "peuvent uniquement être ajoutés à la liste de l'UE en matière de terrorisme lorsqu'une décision en la matière a déjà été prise par une autorité compétente d'un État membre ou d'un pays tiers" mais la décision dont question "peut porter sur: l'ouverture d'enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d'un tel acte". Les sanctions peuvent donc être décidées sans condamnation préalable aucune, et donc sans les garanties - dont la présomption d'innocence - et la certitude quant aux faits que peut offrir une procédure judiciaire. Elles sont censées être notifiées aux personnes ou entités listées ; si notification il y a eu, celles-ci peuvent alors exercer leur droit de les contester devant le Tribunal de l'UE6.

Quant aux personnes qui seraient innocentées quant aux faits ayant fait l'objet de poursuites par la juridiction pénale étatique compétente, elles ne seront radiées de la liste UE qu'à la suite de procédures compliquées. Dans son avis du 13 février 2008, le Conseil Fédéral Suisse relevait déjà, quant à la liste établie par l'ONU en 2001, les difficultés rencontrées pour faire radier de cette liste des personnes après que ses propres tribunaux les aient innocentées – et leur permettre ainsi de retrouver leurs droits économiques et sociaux. Il faisait "des propositions concrètes pour améliorer la situation des personnes touchées par des sanctions et pour garantir une procédure équitable d'inscription sur la liste des sanctions et de radiation de cette liste"7.

Les mêmes constats peuvent être faits et des propositions semblables avancées, en ce qui concerne les listes de l'UE.

Des procédures occidentales qui entravent la construction démocratique de la Palestine

Le 10 janvier 2022, Orient XXI analyse en profondeur le système adopté par l'UE et le résume en ces mots : "Établie par l’Union européenne au lendemain du 11-Septembre, la liste des organisations qualifiées de terroristes, au-delà de ses incohérences, paralyse son activité diplomatique. Elle enraye son rôle politique dans la résolution des conflits en rendant impossible tout contact avec des acteurs majeurs." L'article pointe l'attitude contradictoire de l'UE quant aux élections organisées par l'Autorité Palestinienne : l'UE à la fois dit en soutenir le processus (mai 2021), mais refuse ensuite d'en reconnaître les résultats, en raison de la victoire du Hamas, qu'elle a listé comme terroriste ; refusant tout dialogue avec tout ministre du Hamas, elle a finalement accéléré la scission entre le Hamas et le Fatah et contribué à légitimer le blocus illégal imposé par Israël à la bande de Gaza.8

1. https://www.icj-cij.org/fr/node/203454
2. https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2024/01/19/hamas-and-palestinian-islamic-jihad-council-establishes-dedicated-sanctions-framework-and-lists-six-individuals/
3. https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/fight-against-terrorism/sanctions-against-terrorism/#procedure
4. https://www.un.org/securitycouncil/ctc/fr/content/our-mandate
5. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:02024D0385-20240119
6. https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/fight-against-terrorism/sanctions-against-terrorism/#hamas
https://www.consilium.europa.eu/fr/council-eu/preparatory-bodies/working-party-application-specific-measures-combat-terrorism/
7. https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20063228.
Voir aussi l'annexe : Listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Union européenne
8. https://orientxxi.info/magazine/liste-des-organisations-terroristes-quand-l-union-europeenne-s-emmele,5286

Marion Jacot-Descombes
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