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Balkans : Chômage et crime sous occupation OTAN Georges Berghezan 1 mars 2003 source : Alerte OTAN n°9 Il y a dix ans, alors qu’un nombre croissant de voix s’interrogeait
sur l’utilité de son existence dans le monde d’après-guerre
froide, l’OTAN trouvait une nouvelle raison d’être en s’immisçant
dans les guerres d’ex-Yougoslavie et en bombardant les Serbes de Croatie
et Bosnie. En 1999, elle fêtait son cinquantième anniversaire en
recrutant trois nouveaux membres et en larguant pendant 78 jours bombes et missiles
sur la Serbie et le Monténégro.
Les conflits balkaniques ont donc – au moins provisoirement – assuré
la survie de l’Alliance atlantique en la dotant de nouveaux ennemis et
d’une nouvelle doctrine d’intervention hors de sa zone, en lieu et
place de la stricte défense de ses membres prônée auparavant.
En Bosnie et au Kosovo, les bombardements ont été suivis par l’occupation
des territoires conquis, par des forces multinationales sous commandement OTAN,
comptant actuellement une cinquantaine de milliers de soldats. Le but de ces
missions était d’assurer le maintien de la paix par le développement
d’une économie de marché libre et d’un environnement
multi-ethnique.
Après quatre ans de déploiement de troupes OTAN au Kosovo, et
plus de sept ans pour le cas de la Bosnie-Herzégovine, que deviennent
ces deux protectorats gérés par l’Occident ?
Les deux entités connaissent, sur plusieurs plans, des développements
semblables, marqués par une forte implantation de la criminalité
organisée et un chômage élevé. La Bosnie et le Kosovo
sont deux plaques tournantes de la traite d’êtres humains et de la
prostitution forcée, des trafics d’armes, de cigarettes, de drogue
et de véhicules volés. La prostitution de mineures, souvent en
provenance de Roumanie, Bulgarie, Ukraine et Moldova, est encouragée
par la présence de soldats occidentaux, mais les deux territoires, ainsi
que l’Albanie, servent également de centre de transit avant leur
transfert en Europe occidentale. Une des spécialisations du Kosovo est
le trafic d’héroïne, dont la mafia albanaise détient
le quasi-monopole sur le continent européen. Dans plusieurs cas, des
responsables des troupes de l’OTAN et de la police de l’ONU ont été
impliqués dans ces trafics, en collaboration avec les groupes criminels
locaux.
Bien que la plupart des logements détruits par la guerre civile et les
bombardements de l’OTAN aient été rapidement réparés
ou reconstruits, l’industrie reste à l’arrêt, attendant
sa privatisation, prélude à une fermeture définitive. A
Trepca (Kosovo), les dernières installations en fonctionnement ont été
investies et fermées par les troupes françaises, malgré
l’opposition des propriétaires serbes et grecs du complexe minier,
un des principaux d’Europe. Alors qu’un grand nombre d’actifs
sont employés par les diverses institutions internationales, le Kosovo
et la Bosnie-Herzégovine détiennent, avec la misérable
Moldova dont la moitié orientale reste sous occupation russe, le triste
record des taux de chômage les plus élevés d’Europe
(au-delà de 60 %).
Au Kosovo, la liberté de mouvement et la sécurité des
minorités restent extrêmement réduites. Serbes et Roms vivent
dans des ghettos gardés par les troupes de l’OTAN et sont privés
d’emploi et d’accès aux services publics non situés
dans leur enclave. Durant l’été 1999, les forces de l’OTAN
ont ouvertement pris parti pour le nettoyage ethnique mené par les extrémistes
albanais de l’UCK, laissant faire pogroms et ratissages et encourageant
l’exode des deux tiers des populations non albanaises. Depuis, le nombre
de départs continue à surpasser celui des retours, alors qu’une
tendance inverse est constatée en Bosnie où la mosaïque multiethnique
se reconstitue lentement, mais est encore très loin de ressembler à
celle d’avant-guerre. Pourtant, après un intermède «
social-démocrate-libéral », les dernières élections
ont vu la victoire des partis nationalistes des trois communautés, ceux-là
mêmes qui avaient conduit la Bosnie à la guerre.
Malgré l’aide occidentale massive et des milliers de fonctionnaires
« internationaux », la Bosnie et le Kosovo vont encore plus mal
que leurs voisins, comme la Croatie et la Serbie, également ravagées
par la guerre, mais ayant gardé un semblant d’indépendance.
Criminalité et chômage y trouvent des terrains fertiles et les
tensions interethniques demeurent vives. Après avoir contribué
à propager l’incendie, l’OTAN a certes réussi à
maintenir le cessez-le-feu, mais l’avenir de ces deux entités opposera
encore longtemps les peuples des Balkans. Serbes et Croates sont d’accord
pour souligner l’artificialité du territoire bosniaque, alors que
Serbes et Albanais ont toujours des vues diamétralement opposées
sur le statut futur du Kosovo. Sinistrés économiquement, sans
perspective de développement autonome ou durable, la Bosnie et le Kosovo
semblent avoir définitivement opté pour la version mafieuse de
l’économie de marché triomphante.
Georges Berghezan Autres textes de Georges Berghezan sur le site du CSO
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