Le CSO a choisi de mettre les pieds dans le plat: une conférence-débat pour briser la loi du silence sur toute dissidence relative au conflit ukrainien. Synthèse d'une mémorable soirée.
Réunir assez de monde pour éviter les travées tristement clairsemées par une soirée hivernale peu accueillante, et sur un sujet quasi académique encore bien - Guerre en Ukraine: Réalités et Propagandes -, voilà qui tenait de la gageure. Et pourtant, salle comble.
Le 18 janvier 2023, dans une salle de l'Espace Senghor, centre culturel etterbeekois, il y avait plus de cent personnes inscrites, et pas loin de cinquante en plus, venues sans prévenir: il a fallu ajouter des chaises et suggérer que le moelleux du tapis couvrant les accès en gradins peut tout aussi bien faire l'affaire.
La qualité des orateurs explique en partie. D'un côté, l'historienne pasionaria Anne Morelli, autrice du manuel Principes élémentaires de la propagande de guerre (2001, réédition actualisée 2023) et, de l'autre, le journaliste traqueur de média-mensonges Michel Collon d'Investig'Action dont le dernier livre, L'Ukraine, la guerre des images, n'attend plus que de sortir des presses. Deux spécialistes du bourrage de crânes s'il en est.
L'omerta atlantiste
Cela explique mais en partie seulement. Certes, le sujet central de la conférence-débat organisée par le Comité de surveillance Otan pouvait difficilement laisser indifférent, compte tenu du climat de diabolisation à outrance de la Russie ("Poutine, un monstre", épingle Morelli) et "d'occultation complète" des faits (Collon), de stigmatisation de toute opinion nuancée ("vous exprimez des doutes et vous êtes aussitôt dénoncé comme agent de Poutine", condense Morelli), une chasse aux sorcières qui, exemple parmi d'autres, est allé jusqu'à la publication d'une pleine page dans le grand quotidien italien Corriere della Sera pour dénoncer, noms et photos à l'appui, des personnalités étiquetées comme étant des "agents" du monstre précité.
Faut-il rappeler, avec Collon, que cette "omerta" sur tout ce qui s'écarte de la ligne atlantiste Washington-Bruxelles a conduit notre très sérieuse presse dite d'informations à faire silence autour d'un Kissinger, appelant à la négociation, et même du pape soi-même, lorsqu'il s'interrogeait sur le rôle de l'Otan dans l'engrenage meurtrier...
Cherche: armée pour désarmer
C'est évidemment sous cet angle que "l'explication" du succès rencontré par cette conférence laisse comme un goût de trop peu. Car devant pareil scandale, devant aussi gigantesque manipulation de l'opinion, ce n'est pas une grosse centaine mais des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes qui auraient dû accourir pour écouter et débattre.
Débattre de quoi?
Comme Collon l'a souligné, débattre des manières de briser ce "tabou du silence". Donc, débattre des moyens pour mettre en place une éducation populaire pour faire contre-feu. Donc, aussi, agir en direction du mouvement ouvrier, le réveiller: comme un syndicaliste prenant la parole le dira avec la fougue de l'uppercut, "Pour faire front, il nous faut l'armée des syndicats, qui jusqu'à présent ferment leur gueule. C'est eux qu'il nous faut convaincre." C'était, si on veut, la grande leçon de la soirée. Affaire à suivre.