Une Otan sans armes nucléaires
Source : AmericanDiplomacy.org
Lt Col. Michael J. Byrne, Com. Douglas L. Edson, Lt Col Andrea L. Hlosek
27 janvier 2010

Imaginez une opération militaire où les forces aériennes italiennes, sous pavillon Otan, utiliseraient leurs avions de combat à double-usage pour charger et lancer des bombes nucléaires tactiques américaines, en défense d'un pays membre de l'Alliance Atlantique. Non, vous ne pouvez probablement pas l'imaginer, et les planificateurs de l'Otan non plus. Ce genre de scénario a pu être plausible en 1980, mais il n'est pas pertinent 30 ans plus tard. Alors pourquoi est-ce que les États-Unis continuent d'entreposer des armes nucléaires tactiques sur le sol européen ? Pourquoi est-ce que l'Otan continue à maintenir son architecture nucléaire qui date de la Guerre Froide , pourquoi continue-t-elle à maintenir des politiques archaïques?

L'Otan devrait à présent uniquement tirer profit des récents développement du Traité sur la réduction des armes stratégiques (START), et revoir complètement sa propre politique nucléaire en retirant les armes nucléaires tactiques du sol européen, en adoptant une posture "nuclear weapons-free" [exempt d'armes nucléaires], et en se transformant en leader mondial de la non-prolifération et du désarmement nucléaire. Depuis la chute du mur de Berlin, l'Otan s'est battue pour conserver sa raison d'être dans l'environnement géostratégique changeant du XXIe siècle. Dans le cadre qui avait établi l'Alliance en 1949, l 'Otan a travaillé dur pour demeurer la première organisation mondiale de stabilisation et de sécurité : elle a accueilli les pays de l'ancien Pacte de Varsovie, elle a transformé quasi toutes ses organisations militaire pour répondre en temps de paix aux nouvelles menaces de l'ère post-Guerre Froide, et elle a étendu la capacité de ses missions en menant des opérations "hors-zone", dans des parties du monde qui n'avaient jamais été envisagées par ses fondateurs. Et pourtant, le chapitre des armes nucléaires reste inchangé par rapport aux politiques et procédures de la guerre froide.

La position actuelle de l'Otan sur les force nucléaires

En 1949, l'Otan a été créé dans le but d'être une sécurité collective pour lutter contre l'agression soviétique en Europe. En vertu de l'article V de la Charte de l'Otan, chaque membre de l'Alliance s'est engagé à partager les risques et responsabilités en même temps qu'il bénéficiait des avantages de la sécurité collective, y compris la dissuasion nucléaire. En tant que seule puissance nucléaire dans les premiers jours de l'Alliance, les États-Unis ont offert à l'Europe occidentale cette dissuasion nucléaire alors que la menace soviétique augmentait. Afin de dissuader les alliés de développer leurs propres programmes d'armement nucléaire, et d'assurer aux membres de l'Otan qu'ils étaient protégés par le parapluie nucléaire américain, les États-Unis ont lancé le programme de «partage du nucléaire» de l'Otan, qui a conduit au déploiement d'armes nucléaires tactiques sur le sol européen.

Depuis lors, les armes nucléaires américaines en Europe ont été étiquetées «  lien politique et militaire essentiel entre les membres européens et nord-américains de l'Alliance . »

Le concept de partage du nucléaire qui a entraîné le déploiement d'armes nucléaires tactiques américaines sur le territoire des pays européens a été le résultat de plus d'une décennie d'accords secrets sur le nucléaire négociés entre les États-Unis et chaque pays de l'Otan. Ces accords nucléaires de l'Otan consistent généralement à la possibilité de stocker des armes nucléaires américaines dans des installations nationales des pays hôtes, et/ou à l'intégration de ces armes dans les plates-formes de lancement du pays hôte, tels les avions dits à "double-usage", c'est-à-dire pouvant porter des bombes conventionnelles et nucléaires.

  • Stockage des armes nucléaires américaines sur le site du pays hôte européen pour emploi par le pays hôte
  • Stockage des armes nucléaires américaines sur le site du pays hôte européen pour emploi par une «tierce partie»
  • Partage de l'information nucléaire
  • Accords techniques entre militaires pour le déploiement et l'utilisation des armes nucléaires

Dans la dernière décennie, la discussion et la politique de l'Otan sur le sujet du partage nucléaire sont passés de l'emploi opérationnel en vertu de l'article V, à une discussion de nature politique. Les politiques nucléaires de l'Otan aujourd'hui, sont considérés par certains comme un pilier des relations de sécurité transatlantiques, et pourtant il n'y a pas eu de débat sérieux au sein de l'Alliance sur le rôle des armes nucléaires depuis 20 ans. L'actuel Concept Stratégique de l'Otan, rédigé en 1999, presque 10 ans après la fin de la guerre froide, précise que «  l'Otan maintiendra, au niveau minimum compatible avec l'environnement de sécurité existant, des forces substratégiques adéquates basées en Europe, qui assureront une liaison essentielle avec les forces nucléaires stratégiques, renforçant ainsi le lien transatlantique . »(5) Bien que la raison d'être fondamentale de l'Otan - défendre les membres de l'agression soviétique - se soit évaporée, l'Otan a maintenu ses programmes d'armes nucléaires depuis la fin de la guerre froide.

Pourquoi l'Otan devrait être une organisation sans armes nucléaires

A l'aube des années 2010, alors que l'Otan s'engage dans le projet d'un nouveau Concept Stratégique, le véritable pilier de la défense collective, c'est la garantie de sécurité collective, claire et incontestée, énoncée dans l'article V, et non un programme d'armes nucléaires tactiques qui est le reflet d'une époque révolue, centrée sur la dissuasion contre une Union Soviétique hautement militarisée qui n'existe plus. La Russie , quels que soient ses défauts, ses luttes politiques et ses crises d'identité, n'est pas l'Union soviétique. Elle a abandonné l'idéologie communiste, a adopté une économie de marché libre (même si elle est sans doute imparfaite), a réduit son personnel militaire de plus de 75% et son budget militaire est passé de plus de 15% à environ 2,5% du PIB. Lors d'un récent Séminaire sur le Concept Stratégique de l'Otan, la Secrétaire d'État Clinton a déclaré: «  La Russie doit relever des défis à sa sécurité, mais l'Otan n'est pas l'un d'entre eux. Nous voulons une relation de coopération Otan-Russie qui produise des résultats concrets et amène l'Otan et la Russie à se rapprocher . » Ce changement fondamental dans l'environnement stratégique européen soulève la question de savoir pourquoi l'Otan continue à maintenir une politique qui est clairement un vestige de la guerre froide.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la transformer en une organisation sans armes nucléaires a du sens pour l'Otan.

  • Du point de vue diplomatique , les armes nucléaires sont un des nombreux moyens de se défendre - aujourd'hui, ils ne sont pas l'essence de la sécurité de l'Otan. Le coeur de la sécurité de l'Otan est tiré de l'article V, qui assure l'unité de ses membres pour contrer les menaces. La Secrétaire d'État Clinton a également insisté sur ce point, affirmant: «  je tiens à réaffirmer aussi fortement que je peux l'engagement des États-Unis à honorer l'article 5 du traité de l'Otan. Aucun allié - ou adversaire - ne devrait jamais remettre en question notre détermination sur ce point. Il est le fondement de l'Alliance et une obligation que le temps n'érodera pas . » En outre, retirer les armes US d'Europe permettrait de sortir de l'impasse sur les efforts de contrôle des armements entre les États-Unis et la Russie en ce qui concerne les armes nucléaires tactiques en Europe. Une déclaration politique forte de l'Otan selon laquelle elle renoncerait à ces armes, aurait un formidable effet de levier diplomatique pour engager la Russie , par l'intermédiaire du Conseil Otan-Russie, à réciproquer et à réduire son arsenal d'armes nucléaires tactiques, en particulier celles déployées dans l'Ouest de la Russie. Cela donnerait également de la consistance à l'affirmation de l'Otan que l'Alliance, et son expansion, ne constitue pas une menace pour Moscou. De plus, la défense anti-missile, celle sur laquelle l'Otan met l'accent et qui devrait comprendre la Russie comme un partenaire, refléterait alors plus fidèlement l'environnement de sécurité européen en mutation. [ si je comprends bien, cela ferait mieux passer le 'Bouclier anti-missile' - RM ]
  • Du point de vue de dispositif de forces , éliminer les armes nucléaires tactiques du sol européen et adopter une politique d'une « Otan sans armement nucléaire » ne restreindrait pas les puissances nucléaires de l'Alliance (États-Unis, Royaume-Uni et France) de choisir d'employer une riposte nucléaire à l'attaque d'un membre de l'Alliance que ce soit par des armes conventionnelles, ou par une arme de destruction massive (AMD). Les armes nucléaires des membres de l'Alliance qui en disposent, continueront à fournir une force de dissuasion nucléaire à l'ensemble de l'Alliance via les protections prévues dans l'article V auquel chaque État membre a souscrit. Ce cadre d'emploi des capacités nationales en dehors de l'architecture de contrôle et de commandement de l'Otan, a été réalisé avec succès avec l'ISAF en Afghanistan. De cette manière, dans les cas où il n'était pas possible pour l'Otan de parvenir à un consensus, les Forces d'opérations spéciales des nations participantes ont mené des opérations militaires dans lesquelles le contrôle opérationnel était resté avec leurs chaînes de commandement nationales ou de la coalition.
  • Du point de vue de la stratégie de communication , le programme de partage nucléaire de l'Otan est incompatible avec les efforts diplomatiques dans le monde contre la prolifération des armes nucléaires. D'une part, les dirigeants occidentaux font campagne pour assurer que d'autres nations ne développent pas leurs propres programmes nucléaires, et de l'autre, à travers de la politique actuelle de l'Otan, ces mêmes dirigeants acceptent de partager des armes nucléaires avec des Etats non nucléaires de l'Alliance. De partenaires cruciaux pour le partage nucléaire (Belgique, Allemagne, Italie et Pays-Bas) sont des signataires engagés du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), qui ont peu d'intérêt pour bâtir leur propre programme nucléaire. En intégrant des opérations nucléaires dans les forces militaire de leur nation (par le biais de ce programme de partage nucléaire), ils se comportent d'une manière qui est en contradiction avec le TNP, et qui est généralement en déphasage avec leur opinion publique. Cela sape la crédibilité de l'Otan dans les initiatives pour la non-prolifération et le désarmement.
  • Du point de vue militaire , l'Otan a transformé ses opérations de telle sorte que l'utilisation des armes nucléaires tactiques est devenue obsolète. Les planificateurs stratégiques de l'Otan n'envisagent pas un environnement géo-stratégique où les armes nucléaires tactiques seraient utilisées, les planificateurs opérationnels de l'Otan ne visent plus un pays en particulier, et les armes de frappe conventionnelles modernes peuvent réaliser les mêmes effets militaires que les armes nucléaires. Des nations telles que la Pologne et la Suède ont plaidé pour la réduction des armes nucléaires tactiques en Europe, les qualifiant de « dangereux restes d'un passé dangereux » qui ne devraient pas avoir sa place dans l'Europe de demain. Carl Bildt, ministre des Affaires étrangères de Suède et Radek Sikorski, ministre des Affaires étrangères de Pologne soulignent le fait que l'utilité tactique de telles armes a clairement diminué, étant donné les progrès de la technologie des autres types d'armement au cours du temps..
  • Du point de vue économique , le maintien de compétence nucléaire est coûteux ; elle exige du personnel spécialement entraîné pour leur sécurité, de la logistique et des infrastructures. Si l'environnement opérationnel a fait que l'emploi des armes nucléaires tactiques européennes est hautement improbable, alors il est contraire à la bonne gestion de ressources nationales limitées de conserver ces programmes. Alors que les nations européennes sont confrontées à la charge de la modernisation de leurs forces aériennes vieillissantes, certains préfèrent l'acquisition d'avions moins coûteux qui n'ont pas la double capacité conventionnelle/nucléaire. Par exemple, l'Allemagne envisage de remplacer ses avions de chasse Tornado par l'Euro-Fighter, qui n'est pas capable d'employer des armes nucléaires tactiques. Les nations européennes du "partage nucléaire" continuent à donner une faible priorité à cette mission, contribuant à la dégradation de cette capacité. Un changement dans la politique de l'Otan donnerait une cohérence à ce problème et préviendrait une détérioration fortuite de la posture nucléaire. À ce rythme, la fenêtre diplomatique pour utiliser l'élimination de ces armes comme moyen de pression dans les négociations avec la Russie sur le contrôle des armes, est en train de se refermer rapidement.
  • Un autre aspect économique de cette question est le "coût d'opportunité". Les États-Unis ont fait pression sur les alliés européens pendant des années pour qu'ils consacrent leurs budgets de défense toujours plus serrés, à des capacités qui puissent contribuer aux missions de Réaction Rapide de l'Otan. Le Secrétaire à la Défense Robert Gates a exhorté les alliés de l'Otan de profiter du processus de révision du Concept Stratégique pour s'attaquer à ces lacunes. «  Pendant de nombreuses années, par exemple, nous avons été conscients que l'Otan a besoin de d'avantage d'avions de transport, et de d'avantage d'hélicoptères de tous types, et pourtant nous n'avons toujours pas ces capacités ... et leur absence a une incidence directe sur les opérations en Afghanistan . » En outre, il plaide pour que l'Otan acquière d'avantage d'avion de ravitaillement en vol, et d'avantage d'avions de surveillance, pour une utilisation immédiate dans la mission actuelle en Afghanistan. Étant donné que les budgets européens de défense sont en baisse constante depuis 20 ans et qu'il est peu probable qu'ils augmentent, il est essentiel que leurs budgets de défense soient axé sur l'amélioration des capacités qui répondent le mieux aux menaces actuelles, plutôt que de procéder à une mise à jour coûteuse d'avions à double capacité.
  • Enfin, la sécurisation des armes nucléaires américaines dans les installations de stockage européenne présente des risques. Selon une étude de l'US Air Force en 2008, la plupart des sites de stockage des armes nucléaires US en Europe ne répondent pas aux standards de sécurité du département de la Défense. Cela est particulièrement inquiétant en raison des menaces terroristes, beaucoup d'entre elles opérant à partir des villes européennes. Un exemple terrible et récent, est comment la Base aérienne de Kleine Brogel en Belgique était sur la liste des cibles de Nizar Trabelsi, un extrémiste musulman ayant des liens avec Al Qaeda. Stocker des armes nucléaires dans ces pays crée des cibles attirantes pour les terroristes. Au lieu de promouvoir la paix. ces systèmes d'armes constituent un risque pour la sécurité.

Les arguments en défaveur du retrait des armes nucléaires

L'argument le plus fréquemment avancé contre la suppression des armes nucléaires tactiques en Europe est que la perte des ces armes dans la composition des forces de l'Otan émousserait de manière significative les capacités de dissuasion de l'Alliance. Ce sentiment trouve un écho particulier chez certains des plus récents membres de l'Otan, qui continuent à considérer la Russie comme une menace à leur sécurité nationale. Avec les capacités conventionnelles des États-Unis étirées jusqu'à leurs limites par deux guerres régionales, argumentent-ils, une dissuasion crédible à une potentielle agression russe ne peut être obtenue que par la menace d'une riposte nucléaire. Ils soulignent que la présence d'armes nucléaires tactiques sur le continent et leur intégration dans la structure des forces de l'Otan donne une preuve tangible de l'engagement de l'Alliance à la sécurité mutuelle. En corollaire, ces pays avancent que, dans le but de garder le soutien du public pour les contributions nationales aux opérations hors zone l'Otan, telles que l'ISAF, leurs gouvernements doivent être en mesure de démontrer que leurs propres problèmes de sécurité interne sont bien rencontrés.

Afin de résoudre cette question et d'apaiser les inquiétudes des nouveaux Etats membres au sujet de leurs garanties de sécurité, une Otan sans armes nucléaires devrait démontrer de manière visible un engagement crédible à l'article 5. Les mots sont importants, mais les actions parlent plus fort qu'eux. Fondamentalement, un plus grand niveau d'engagement avec ces partenaires serait une partie du chemin vers l'apaisement de leurs inquiétudes concernant le retrait des armes nucléaires tactiques de boîte à outils de l'Otan. Une façon de faire ça, c'est une planification de la sécurité régionale d'avantage intégrée, et des exercices militaires avec ces partenaires particulièrement inquiets par la menace russes. Mais nous ne devons pas non plus risquer une escalade de la tension avec la Russie par ces activités de coopération. Toute accroissement de la posture défensive à la frontière orientale de l'Otan doit être couplée avec des mesures pour renforcer la confiance entre l'Alliance et la Russie. [...]

Un autre argument pour le maintien des armes nucléaires au sein de l'Otan concerne la menace de la nucléarisation du Moyen-Orient, qui mettrait l'Europe face à une région voisine où chaque conflit conventionnel amènerait avec elle le spectre d'une escalade nucléaire. Sans la présence d'armes nucléaires sur le continent européen et d'un accord sur le partage nucléaire, cette insécurité inhérente amènerait les Etats européens à mettre en question la garantie de sécurité "virtuelle" du parapluie US. Même s'il est vrai qu'une Otan sans armes nucléaires pourrait inquiéter certains États membres, comme indiqué plus haut, peut-on vraiment dire que la présence des bombes nucléaires vieillissantes, transportées par des avions à double capacité européens vieillissants, limités en portée et capacité de pénétration de l'espace aérien ennemi, est tellement plus rassurant? De même, une posture nucléaire aussi anémique fournit-elle vraiment un effet dissuasif significatif pour la poursuite du programme nucléaire iranien? La réponse aux deux questions est certainement non.

Cela signifie que si une Otan nucléarisée devait être une dissuasion crédible aux ambitions nucléaires de l'Iran, un investissement considérable dans la modernisation de cette capacité serait indispensable, et la conséquence involontaire de cela serait probablement une nouvelle course aux armements nucléaires avec la Russie. La volonté politique nécessaire pour s'embarquer dans un tel effort risqué n'existe tout simplement pas. La meilleure alternative serait de canaliser les inquiétudes sur la nucléarisation du Moyen-Orient dans un programme de défense antimissile, un thème repris par la secrétaire d'État Clinton. La défense antimissile, selon elle, ferait de l'Europe un lieu plus sûr, «  et cette sécurité pourrait s'étendre à la Russie si la Russie décidait de coopérer avec nous. Cela offre une occasion extraordinaire [pour l'Otan et la Russie ] de travailler ensemble à la construction de notre sécurité mutuelle au 21e siècle  »

Une Otan sans armes nucléaires

Vingt ans après la chute du rideau de fer, alors qu'il se transforme en ce début de 21e siècle, le moment est venu pour l'Otan de jouer un rôle de leadership dans la non-prolifération des armes nucléaires. L'Otan est prête, comme aucune autre organisation, pour mener le monde vers l'objectif de se débarrasser des armes nucléaires. Les gouvernements d'Europe occidentale ont mené de plus en plus d'efforts pour le contrôle des armements, la non-prolifération et le désarmement nucléaire dans la politique de l'Alliance. En tant que première alliance militaire de la Communauté Internationale [rien que ça ], l'Otan a une crédibilité et une influence politique que ne possède aucun autre pays ou organisation de sécurité ; mais pour vraiment faire la différence dans le débat de la non-prolifération nucléaire, l'Otan doit engager la communauté internationale, pas seulement parler de non-prolifération nucléaire, mais joindre le geste à la parole. Une Otan sans armes nucléaires nécessitera un certain nombre de mesures audacieuses de la part du QG de l'Otan à Bruxelles et de l'état-major du SHAPE, ainsi que des pays de l'Alliance qui ont l'arme nucléaire (États-Unis, Royaume-Uni et France) et de ceux concernés par le 'partage nucléaire'. Ces mesures incluent les points suivants:

  1. L'Otan doit s'imposer comme une alliance militaire et politique qui mène uniquement des opérations militaires conventionnelles. Il faut un plan stratégique de communication bien articulé [...] pour rassurer les membres de l'Alliance, en particulier les anciens membres du Pacte de Varsovie, qu'une Otan sans armes nucléaire ne diminue en rien les vrais piliers de l'Alliance, les quatorze articles du traité et en particulier, la défense collective telle qu'elle est énoncée dans l'article 5.
  2. Le Nuclear Planning Group [Groupe des plans nucléaires] au siège de l'Otan à Bruxelles devrait être dissout.
  3. La "Nuclear Operations Branch" du SHAPE devrait être dissoute. Tous les documents sur la planification nucléaire de l'Otan devraient être remis aux membres de l'Alliance qui possèdent l'arme nucléaire, et les ensembles qui doivent être conservés par les planificateurs du SHAPE peuvent être remis aux planificateurs des forces conventionnelles.
  4. L'Otan devrait mettre en place un nouveau " Groupe pour la non prolifération des armes atomiques et pour le désarmement nucléaire " à Bruxelles, groupe qui mènerait les efforts de politique internationale pour réduire le nombre de têtes nucléaires et travaillerait avec les pays possédant l'arme nucléaire dans leurs efforts pour démanteler leurs arsenaux nucléaires. En tant qu'alliance militaire qui s'est volontairement défaite de ses armes nucléaires, l'Otan apporterait une voix crédible pour unir ses forces avec celles de l'ONU, de la Fédération des scientifiques américains, de Greenpeace, et de nombreuses autres organisations qui ont travaillé pour atteindre l'objectif d'un monde exempt d'armes nucléaires. Une Otan sans armes nucléaires serait la première étape substantielle pour atteindre ce noble objectif.
  5. Les États-Unis devraient supprimer toutes leurs armes nucléaires tactiques du territoire européen. Les pays avec des avions à double usage ne devraient plus entraîner et équiper leurs forces aériennes pour des missions de largage de bombes nucléaires, réduisant de manière significative le temps et le coût que chacun de ces pays sont en train de dépenser.
  6. L'Otan devrait codifier son futur rôle en tant qu'organisation sans armes nucléaires, et en tant que leader dans la non-prolifération et le désarmement nucléaire en adoptant ces politiques dans le Concept Stratégique et dans d'autres politiques stratégiques de l'Otan.

Une l'Otan sans arme nucléaire n'entraîne pas, à court terme, l'adhésion au pacifisme idéalisée du mouvement abolitionniste nucléaire. Tout en préconisant la réduction du rôle des armes nucléaires dans la stratégie de sécurité nationale américaine, et exhortant les autres à faire de même, le président Obama a également déclaré que «  tant que ces armes existent, les Etats-Unis maintiendront un arsenal sûr et efficace pour dissuader tout adversaire, et garantir cette défense à nos alliés . » Alors que l'Otan en tant qu'alliance militaire sera sans armes nucléaires, la capacité nucléaire restera au sein de la structure des forces de trois membres de l'Alliance - la Grande-Bretagne , la France et les États-Unis - et pourra être amené à être utilisée comme mission unilatérale si les nécessités militaires l'exigent.

La révision en 2010 du Concept de Sécurité de l'Otan est une bonne opportunité pour aborder ces options. Mettre en œuvre les mesures discutées dans ce document montrerait au monde que les États nucléaires prennent leurs responsabilités de désarmement nucléaire au sérieux, en redonnant de la crédibilité aux signataires du TNP qui participent au Programme de partage nucléaire de l'Otan. En tant qu'unique organisation internationale à désavouer les armes nucléaires dans sa charte, l'Otan gagnerait beaucoup sur le terrain moral, et deviendrait un acteur clé pour la non-prolifération et le désarmement. En outre, ce changement de politique, plus que toute autre initiative de transformation de l'Otan, démontrerait la capacité de l'Alliance de continuer à se réinventer, à partir d'une posture statique de guerre froide à une organisation de sécurité agile sensibles à un large éventail de défis internationaux en matière stratégique.

Conclusion

Au cours de la dernière décennie, l'Otan a travaillé à se redéfinir au-delà de son héritage de la guerre froide, en transformant l'Alliance pour faire face au nouveau monde post 9 / 11. Avec de nouveaux défis à affronter, tels que la défense antimissile, la sécurité énergétique, et la défense des infrastructures clés (notamment informatiques), l'Alliance doit être capable de recentrer ses efforts. Ses membres ont besoin d'investir dans une modernisation militaire qui s'adresse au nouvel environnement stratégique, et non à celui fondé sur des calculs de l'ère de la Guerre Froide. Le retrait des armes nucléaires tactiques vieillissantes en Europe, qui sont les derniers symboles archaïques de la guerre froide, fournirait à l'Otan l'occasion de montrer de manière audacieuse une nouvelle vision de la sécurité transatlantique. En retirant physiquement ces armes des inventaires de l'Otan et en articulant une politique exempte d'armes nucléaires, l'Alliance fera progresser une nouvelle vision qui est conforme aux points de vues de ses membres sur la non-prolifération et qui démontre clairement la nature défensive non menaçante du pacte de sécurité mutuelle de l'Otan. Un tel changement de politique de l'Otan lui permettrait de devenir un symbole international pour le désarmement nucléaire et de donnerait corps à ses assurances qu'il ne présente pas une menace intrinsèque pour la Russie , ouvrant la voie à des relations plus constructives avec le plus grand et le plus important en terme stratégique de ses voisins