Néocolonialisme et “crise des migrants”
Source : il manifesto Manlio Dinucci 26 juin 2018 Des États-Unis à l’Europe, la “crise des migrants” suscite de vives polémiques intérieures et internationales sur les politiques à adopter à propos des flux migratoires. Partout cependant ceux-ci sont représentés selon un cliché qui inverse la réalité : celui des “pays riches” obligés de subir la croissante pression migratoire des “pays pauvres”. Concernant les flux migratoires vers les États-Unis, le cas du Mexique est emblématique. Sa production agricole s’est écroulée quand, avec le Nafta (l’accord nord-américain de “libre” commerce), USA et Canada ont inondé le marché mexicain avec des produits agricoles à bas prix grâce à leurs propres subventions publiques. Des millions de paysans se sont retrouvés sans travail, venant grossir le bassin de main d’oeuvre recrutée dans les maquiladoras : des milliers d’établissements industriels le long de la ligne de frontière en territoire mexicain, possédés ou contrôlés, pour la plupart, par des sociétés étasuniennes, dans lesquels les salaires sont très bas et les droits syndicaux inexistants. Concernant les flux migratoires vers l’Europe, est emblématique le cas de l’Afrique. Elle est richissime de matières premières : or, platine, diamants, uranium, coltan, cuivre, pé-trole, gaz naturel, bois précieux, cacao, café et de nombreuses autres. Plus de cent compagnies cotées à la Bourse de Londres, britanniques et autres, exploi-tent dans 37 pays de l’Afrique sub-saharienne des ressources minières d’une valeur de plus de 1000 milliards de dollars. L’État libyen, qui voulait créer une monnaie africaine autonome, a été démoli par la guerre en 2011. En Côte d’Ivoire (aire CFA), des sociétés françaises contrôlent le gros de la commercialisation du cacao, dont le pays est premier producteur mondial : aux petits cultivateurs restent à peine 5% de la valeur du produit final, si bien que la majeure partie vit dans la pauvreté. Ce ne sont que quelques exemples de l’exploitation néo-coloniale du continent. L’Afrique, présentée comme dépendante de l’aide extérieure, fournit à l’extérieur un paiement net annuel d’environ 58 milliards de dollars. Les conséquences sociales sont dévastatrices. En Afrique sub-saharienne, où la population dépasse le milliard et se com-pose à 60% d’enfants et jeunes d’âge compris entre 0 et 24 ans, environ les deux tiers des habitants vivent dans la pauvreté et, parmi ceux-ci, environ 40% -c’est-à-dire 400 millions- dans des conditions de pauvreté extrême. Edition de mardi 26 juin 2018 de il manifesto
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