Pour un bilan nuancé du Contre-Sommet de Strasbourg
Roland Marounek
14 avril 2009

Du 2 au 5 avril 2009, des milliers de personnes, des centaines d’organisations pacifistes issues d’Europe, des Etats-Unis, du Japon… ont réussi à se réunir, à se concerter ensemble, à s’organiser autour d’une opposition à l’Otan, clairement dénoncée comme organisation porteuse de guerre et de violence contre les peuples. C’est effectivement la première fois qu’un tel évènement international contre l’Otan avait lieu. Plus de 500 organisations à travers le monde se sont joint petit à petit à l’initiative lancée il y a près d’une année par des mouvement pacifistes allemand et français.

Ceci est quoi qu’il en soit un succès indéniable que ne pourra pas nous retirer les manœuvres des services 'de sécurité'.

Mais ce succès-là ne devrait pas conduire à ne pas analyser lucidement la « manifestation » du samedi, surtout pour ce que cela pourrait enseigner au mouvement pour la paix pour les luttes à venir.

Commençons par préciser : il n’y a pas eu de manifestation, de fait, elle a été cassée dès le début à la fois par les policiers qui bloquaient les accès et par la suite ont bloqué tout le trajet prévu, et par les ‘Black Bocks’ dont le moins que l’on peut dire est qu’ils ont agit très efficacement pour arriver exactement à ce que voulait l’état français, voire l'Otan dans son ensemble :

  • empêcher le déroulement de la manifestation,
  • justifier a posteriori le déploiement insensé des forces militaires,
  • criminaliser l’opposition à l’Otan.

La « manifestation » du 4 avril a été un échec pour le mouvement contre l’Otan, ou réciproquement, un succès pour l’état policier et les forces pro-Otan. On pourra toujours évoquer entre nous le rôle scandaleux joué par la police, les provocations et les complaisances honteuses face au ‘chemises noires’, le fait reste que l'objectif d'une telle manifestation n’a pas été atteint : Sensibiliser les gens, gagner un support populaire contre les guerres et contre l'Otan ? On peut sérieusement penser qu'une bonne partie de la population, bien encadrée médiatiquement, considérera plutôt l’opposition à l’Otan comme le fait de dangereux extrémistes, acceptera la prochaine fois encore plus de police, et bien sur ne sera pas prête avant quelques temps à participer à une manifestation annoncée comme ‘festive et colorée’. Sarkozy a bien joué.

Grande est la tentation au sein des mouvements pour la paix de ne pas vouloir reconnaître pleinement le fiasco de cette manifestation, au prétexte de ne pas ‘décourager’ les militants. C’est bien au contraire ce manque d’analyse lucide qui risque de provoquer le découragement. Prétendre comme je l'ai entendu dès le lendemain que, la manifestation a été un grand succès, et qu’il faut se solidariser avec les Blacks Blocs, expression d’une violence légitime, etc., est de nature à fourvoyer l'ensemble du mouvement de lutte contre l’Otan.

Analyser lucidement les raisons de cet échec permettrait au contraire au mouvement international pour la paix d’être mieux armé face aux défis et provocations à venir. C’est une condition indispensable pour la réussite de ce combat. Nous avons face à nous une machine qui comprend parfaitement l’enjeu vis-à-vis de la population, qui est très bien organisée et agit avec intelligence. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être simplement ‘gentils’ et naïfs face à cela. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas connaître l’histoire, et en particulier l’histoire des manipulations et infiltrations policières.

Nous sommes face à une guerre possible, qui ne peut être mené qu’avec l’assentiment des populations : l’enjeu est énorme. Une propagande insidieuse, insistante est en cours pour gagner l'adhésion du public à une 'intervention' contre le Soudan, ou pour le faire accepter comme un fait la réalité de la 'menace iranienne' par exemple. Ne pouvons pas nous permettre d’imaginer que face à nous les forces de l’Otan seront simplement « gentilles » avec nous et nos manifestations pour gagner le public.

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